ASTROLOGIQUEMENT PARLANT

Il y a celles qui naissent lionnes, astrologiquement parlant. Ma première rencontre avec la lionne astrale a eu lieu dans un livre trouvé à l’âge de dix ans, sur les étagères de la bibliothèque de ma mère, intitulé Votre enfant est du signe du lion. Je me suis identifiée à la personnalité décrite dans cet ouvrage de vulgarisation.

Le magazine Elle, dans sa grande sagacité, nous apprend que : « La femme Lion supporte mal la critique et peut se montrer orgueilleuse. Elle recherche la reconnaissance et les félicitations, ce qui la pousse à se surpasser et à être la meilleure. Elle est attirée par la beauté, suit la mode de près et aime se mettre en valeur. […] La femme Lion a sans doute beaucoup de soupirants, mais n’est intéressée souvent que par ceux qui ne lui tournent pas autour ! Elle se sentirait sans doute étouffée par un amoureux trop démonstratif, et recherche donc un homme indépendant et surtout pas trop sensible1. » (Oui, les lionnes et autres signes sont toujours hétéros dans les horoscopes des magazines féminins.)

J’ai longtemps cru que j’étais Lion ascendant Lion, et même si la lionne astrale n’a pas toujours bonne presse, j’étais fière d’en être. Une fierté toute relative, au vu de la scientificité discutée de l’astrologie. Une amie journaliste, rédactrice de l’horoscope d’un magazine en ligne (dont je tairai le nom pour ne pas qu’elle perde son job), me racontait qu’elle écrit ses chroniques prédictives sans jamais consulter les étoiles – pur exercice de style, qui l’amuse chaque jour. Je lui ai dit en riant que pourtant ses prévisions tombaient souvent juste, me concernant (je suis fan de sa rubrique, toujours rédigée avec humour). Elle m’a répondu que l’horoscope est devenu une grille de lecture de ma journée, mais que je pourrais aussi bien la lire autrement.

« Mais, et Mercure en rétrograde ! » me suis-je exclamée, « ça fiche bien le bazar dans les voyages et la communication ! » et de lui citer l’exemple de tel avion raté, tel ordinateur oublié dans un train, telle conversation WhatsApp avec la personne aimée qui tourne mal, pile durant la phase de Mercure en rétrograde. La copine a souri : « Tu avais en tête, durant cette période, l’idée que les planètes affectent ton quotidien. Tu lis donc tout ce qui t’arrive à travers ce prisme. Ça s’appelle un biais de perception. »

« N’empêche que la position des planètes agit sur les marées, alors pourquoi pas sur nos trajectoires de vie ? » ai-je argumenté, comme toutes celles et ceux qui tiennent à l’astrologie comme grille de lecture du monde (mon amie répondrait : « Il en faut bien une, que ce soit la science, la religion, l’astrologie, le tarot, ou autre. ») – mais surtout, surtout, j’étais fière d’être un double Lion.

Quel choc, de découvrir à l’âge de quarante ans (ma sœur s’étant prise au jeu de faire mon thème astral) que mon ascendant a été autrefois mal calculé, et que c’est le Scorpion ! « Ça explique des choses », a ri mon amie (il faut croire que j’ai bien des traits du Scorpion – et qu’elle croit quand même un peu à l’astrologie).

Au-delà de l’anecdote, je ne peux m’empêcher de me demander quelle personnalité j’aurais aujourd’hui, si (quel que soit mon jour de naissance) on avait dit à mes parents que j’étais Verseau, Poisson ou Gémeau, et que ma mère avait lu Votre enfant est du signe du Gémeau. Cela aurait sans doute contribué à conditionner autrement le regard des parents, proches, entourage, et mon propre regard sur ma personnalité.

Je pense donc qu’on peut croire à l’astrologie comme à une prophétie autoréalisatrice.

Et qu’en conséquence, on peut faire du devenir-lionne un vrai programme de vie.

Être ou ne pas être une lionne-astrologique a en réalité peu d’importance, dans ce qui se joue ici. Mais je crois qu’observer la lionne-animale et les mythes que les hommes échafaudent sur elle peut nous donner des clefs sur les conditions de vie faites aux lionnes en puissance (quel que soit leur signe astral). Sur les raisons pour lesquelles tant d’assignées-femmes liment leurs crocs, coupent leurs griffes, épilent leur fourrure et ne rugissent pas.

Je suis habitée par une lionne-animale. Celle que j’ai rencontrée lorsque j’avais vingt ans.