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Elle, elle descend lentement les marches de l’escalier en métal de la Maison des Jeunes Terre-Neuve, à D. – à ses côtés, un doberman, noir, le dos à hauteur des cuisses, les siennes ; elle est vêtue de pâle, tout en pâle ; ses jambes, longues, sont tendues par des talons très hauts ; le hall de la Maison des Jeunes en est, tout pâle. Elle a souri, elle s’est tournée. Le grain de beauté qu’elle a, sous la lèvre, du côté gauche, la précède. Je descends au grain, sa rondeur, sa pâleur, sa blondeur, je n’insiste pas. Je pousse un peu jusqu’aux lèvres, fines, je tente une avancée vers le nez, je remonte le long de l’aile, je m’arrête, j’expire, je vais aux yeux : marron, noisette, bruns, café, chocolat, cappuccino. Je redescends fissa, je dégringole manu militari, je me réfugie dans le gros grain, m’y pose ; je l’aborde. J’en fais le tour, je grimpe tout à fait au sommet où je tente une phrase – quel beau chien c’est le vôtre ? Allons-y Alonso, en route vers le lobe, le lobe est là, intact, duveteux, gorgé, demi-attaché. C’est trop. Elle me regarde intensément, indifféremment, intensément et indifféremment ; elle a la grande indifférence de celle qui caresse son chien, l’intensité de celle qui caresse son chien. Elle fait deux pas, elle a avancé de deux pas et ses talons ont compté deux pas. Ah maintenant elle salue, elle salue le directeur des Rencontres, elle salue avec l’aura, elle se place devant son film – en arrière-plan, l’affiche de son film, le film qu’elle est venue présenter : Les Volets bleus. Sur l’affiche, des volets bleus.

 

Fin de l’émanation.