CHAPITRE XIII

BÉGAYA-T-IL...

 

On dit que les mauvais romanciers éprouvent le besoin de varier leurs indicatifs de dialogues en substituant à « dit-il » des expressions comme « murmura-t-il », « balbutia-t-il », « sanglota-t-il », « ricana-t-il », « cria-t-il », « bégaya-t-il »... qui marquent les intonations. Et à vrai dire, il semble que l’écrivain par rapport à ces intonations n’ait que deux possibilités : ou bien le faire (ainsi Balzac faisait effectivement bégayer le père Grandet, quand celui-ci traitait une affaire, ou faisait parler Nucingen dans un patois déformant, et l’on sent chaque fois le plaisir de Balzac). Ou bien le dire sans le faire, se contenter d’une simple indication qu’on laisse au lecteur le soin d’effectuer : ainsi les héros de Masoch ne cessent de murmurer, et leur voix doit être un murmure à peine audible ; Isabelle, de Melville, a une voix qui ne doit pas excéder le murmure, et l’angélique Billy Budd ne s’émeut pas sans qu’on doive lui restituer son « bégaiement ou même pire » ; Grégoire, chez Kafka, piaule plus qu’il ne parle, mais c’est d’après le témoignage des tiers.

Il semble pourtant qu’il y ait une troisième possibilité : quand dire, c’est faire... C’est ce qui arrive lorsque le bégaiement ne porte plus sur des mots préexistants, mais introduit lui-même les mots qu’il affecte ; ceux-ci n’existent plus indépendamment du bégaiement qui les sélectionne et les relie par lui-même. Ce n’est plus le personnage qui est bègue de parole, c’est l’écrivain qui devient bègue de la langue : il fait bégayer la langue en tant que telle. Un langage affectif, intensif, et non plus une affection de celui qui parle. Une telle opération poétique semble très éloignée des cas précédents ; mais elle l’est peut-être moins qu’on ne croit du second cas. Car lorsque l’auteur se contente d’une indication extérieure qui laisse intacte la forme d’expression (« bégaya-t-il... »), on comprendrait mal l’efficacité, si une forme de contenu correspondante, une qualité atmosphérique, un milieu conducteur de paroles ne recueillait pour son compte le tremblé, le murmuré, le bégayé, le trémolo, le vibrato, et ne réverbérait sur les mots l’affect indiqué. C’est du moins ce qui se passe chez les grands écrivains comme Melville, où la rumeur des forêts et des cavernes, le silence de la maison, la présence de la guitare témoignent pour le murmure d’Isabelle et ses douces « intonations étrangères » ; ou Kafka qui confirme le piaulement de Grégoire par le tremblement de ses pattes et les oscillations de son corps ; ou même Masoch, qui double le balbutiement de ses personnages avec les lourds suspens d’un boudoir, les rumeurs du village ou les vibrations de la steppe. Les affects de la langue font ici l’objet d’une effectuation indirecte, mais proche de ce qui se passe directement, quand il n’y a plus d’autres personnages que les mots eux-mêmes. « Que voulait dire ma famille ? Je ne sais. Elle était bègue de naissance, et cependant elle avait quelque chose à dire. Sur moi et sur beaucoup de mes contemporains pèse le bégaiement de la naissance. Nous avons appris non à parler, mais à balbutier, et ce n’est qu’en prêtant l’oreille au bruit croissant du siècle et une fois blanchis par l’écume de sa crête que nous avons acquis une langue1. »

Faire bégayer la langue : est-ce possible sans la confondre avec la parole ? Tout dépend plutôt de la manière dont on considère la langue : si l’on extrait celle-ci comme un système homogène en équilibre, ou proche de l’équilibre, défini par des termes et des rapports constants, il est évident que les déséquilibres ou les variations n’affecteront que les paroles (variations non-pertinentes du type intonation...). Mais si le système apparaît en perpétuel déséquilibre, en bifurcation, avec des termes dont chacun parcourt à son tour une zone de variation continue, alors la langue elle-même se met à vibrer, à bégayer, sans se confondre pourtant avec la parole qui n’assume jamais qu’une position variable parmi d’autres ou ne prend qu’une direction. Si la langue se confond avec la parole, c’est seulement avec une parole très spéciale, parole poétique qui effectue toute la puissance de bifurcation et de variation, d’hétérogenèse et de modulation propre à la langue. Par exemple, le linguiste Guillaume considère chaque terme de la langue, non pas comme une constante en rapport avec d’autres, mais comme une série de positions différentielles ou points de vue pris sur un dynamisme assignable : l’article indéfini « un » parcourra toute la zone de variation comprise dans un mouvement de particularisation, et l’article défini « le », toute la zone comprise dans un mouvement de généralisation2. C’est un bégaiement, chaque position de « un » ou de « le » constituant une vibration. La langue tremble de tous ses membres. Il y a là le principe d’une compréhension poétique de la langue elle-même : c’est comme si la langue tendait une ligne abstraite infiniment variée. La question se pose ainsi, même en fonction de la pure science : peut-on progresser si l’on n’entre pas dans des régions loin de l’équilibre ? La physique en témoigne. Keynes fait progresser l’économie politique, mais parce qu’il la soumet à une situation de « boom » et non plus d’équilibre. C’est la seule manière d’introduire le désir dans le champ correspondant. Alors mettre la langue en état de boom, proche du krach ? On admire Dante d’avoir « écouté les bègues », étudié tous les « défauts d’élocution », non pas seulement pour en tirer des effets de parole, mais pour entreprendre une vaste création phonétique, lexicale et même syntaxique3.

Ce n’est pas une situation de bilinguisme ou de multilinguisme. On peut concevoir que deux langues se mélangent, avec des passages incessants de l’une à l’autre : chacune n’en est pas moins un système homogène en équilibre, et le mélange se fait en paroles. Mais ce n’est pas ainsi que les grands écrivains procèdent, bien que Kafka soit un Tchèque écrivant en allemand, Beckett, un Irlandais écrivant (souvent) en français, etc. Ils ne mélangent pas deux langues, pas même une langue mineure et une langue majeure, bien que beaucoup d’entre eux soient liés à des minorités comme au signe de leur vocation. Ce qu’ils font, c’est plutôt inventer un usage mineur de la langue majeure dans laquelle ils s’expriment entièrement : ils minorent cette langue, comme en musique où le mode mineur désigne des combinaisons dynamiques en perpétuel déséquilibre. Ils sont grands à force de minorer : ils font fuir la langue, ils la font filer sur une ligne de sorcière, et ne cessent de la mettre en déséquilibre, de la faire bifurquer et varier dans chacun de ses termes, suivant une incessante modulation. Cela excède les possibilités de la parole pour atteindre au pouvoir de la langue et même du langage. Autant dire qu’un grand écrivain est toujours comme un étranger dans la langue où il s’exprime, même si c’est sa langue natale. A la limite, il prend ses forces dans une minorité muette inconnue, qui n’appartient qu’à lui. C’est un étranger dans sa propre langue : il ne mélange pas une autre langue à sa langue, il taille dans sa langue une langue étrangère et qui ne préexiste pas. Faire crier, faire bégayer, balbutier, murmurer la langue en elle-même. Quel plus beau compliment que celui d’un critique disant des Sept piliers de la sagesse : ce n’est pas de l’anglais. Lawrence faisait trébucher l’anglais pour en extraire musiques et visions d’Arabie. Et Kleist, quelle langue éveillait-il au fond de l’allemand, à force de rictus, lapsus, crissements, sons inarticulés, liaisons étirées, précipitations et ralentissements brutaux, au risque de susciter l’horreur de Goethe, le plus grand représentant de la langue majeure, et pour atteindre à des fins étranges en vérité, visions pétrifiées, musiques vertigineuses4.

La langue est soumise à un double procès, celui des choix à faire et celui des suites à établir : la disjonction ou sélection des semblables, la connexion ou consécution des combinables. Tant que la langue est considérée comme un système en équilibre, les disjonctions sont nécessairement exclusives (on ne dit pas à la fois « passion », « ration », « nation », il faut choisir) et les connexions, progressives (on ne combine pas un mot avec ses éléments, dans une sorte de surplace ou d’avant-arrière). Mais voilà que, loin de l’équilibre, les disjonctions deviennent incluses, inclusives, et les connexions réflexives, suivant une démarche chaloupée qui concerne le procès de la langue et non plus le cours de la parole. Chaque mot se divise, mais en soi-même (pas-rats, passions-rations) et se combine, mais avec soi-même (pas-passe-passion). C’est comme si la langue tout entière se mettait à rouler, à droite à gauche, et à tanguer, en arrière en avant : les deux bégaiements. Si la parole de Gherasim Luca est ainsi éminemment poétique, c’est parce qu’il fait du bégaiement un affect de la langue, non pas une affection de la parole. C’est toute la langue qui file et varie pour dégager un bloc sonore ultime, un seul souffle à la limite du cri JE T’AIME PASSIONNÉMENT.

« Passionné nez passionnem je

je t’ai je t’aime je

je je jet je t’ai jetez

je t’aime passionnem t’aime »5.

Luca le Roumain, Beckett l’Irlandais. Beckett a porté au plus haut l’art des disjonctions incluses, qui ne sélectionne plus, mais affirme les termes disjoints à travers leur distance, sans limiter l’un par l’autre ni exclure l’autre de l’un, quadrillant et parcourant l’ensemble de toute possibilité. Ainsi, dans Watt, la façon dont M. Knott se chausse, se déplace dans sa chambre, ou change son mobilier6. Il est vrai que ces disjonctions affirmatives concernent le plus souvent chez Beckett l’allure ou la démarche des personnages : l’ineffable manière de marcher, tout en roulis et tangage. Mais c’est que le transfert s’est fait, de la forme d’expression à une forme de contenu. Nous pouvons d’autant mieux restituer le passage inverse, en supposant qu’ils parlent comme ils marchent ou trébuchent : l’un n’est pas moins mouvement que l’autre, et l’un dépasse la parole vers la langue autant que l’autre, l’organisme vers un corps sans organes. On en trouve confirmation dans un poème de Beckett qui concerne cette fois les connexions de la langue, et fait du bégaiement la puissance poétique ou linguistique par excellence7. Différent de ceux de Luca, le procédé de Beckett est le suivant : il s’installe au milieu de la phrase, il fait croître la phrase par le milieu, en ajoutant particule à particule (que de ce, ce ceci-ci, loin là là-bas à peine quoi...) pour piloter un bloc d’un seul souffle expirant (vouloir croire entrevoir quoi...). Le bégaiement créateur est ce qui fait pousser la langue par le milieu, comme de l’herbe, ce qui fait de la langue un rhizome au lieu d’un arbre, ce qui met la langue en perpétuel déséquilibre : Mal vu mal dit (contenu et expression). Tant bien dire n’a jamais été le propre ni l’affaire des grands écrivains.

Il y a bien des manières de pousser par le milieu, ou de bégayer. Péguy ne procède pas forcément avec des particules asignifiantes, mais par des termes hautement significatifs, substantifs dont chacun va définir une zone de variation jusqu’au voisinage d’un autre substantif qui détermine une autre zone (Mater purissima, castissima, inviolata, Virgo potens, clemens, fidelis). Les reprises de Péguy donnent aux mots une épaisseur verticale qui leur fait perpétuellement recommencer l’« irrecommençable ». Chez Péguy, le bégaiement épouse si bien la langue qu’il laisse les mots intacts, complets et normaux, mais s’en sert comme s’ils étaient eux-mêmes les membres disjoints et décomposés d’un bégaiement surhumain. C’est comme un bègue contrarié. Chez Roussel, c’est encore un autre procédé, car le bégaiement porte non plus sur des particules ni des termes complets, mais sur des propositions, perpétuellement insérées au milieu de la phrase, et chacune dans la précédente, suivant un système proliférant de parenthèses : jusqu’à cinq parenthèses les unes dans les autres, « cette croissance interne ne pouvait pas manquer d’être en chacune de ces poussées absolument bouleversante pour le langage qu’elle dilatait ; l’invention de chaque vers était destruction de l’ensemble et prescription de le reconstruire »8.

C’est donc une variation ramifiée de la langue. Chaque état de variable est une position sur une ligne de crête qui bifurque et se prolonge en d’autres. C’est une ligne syntaxique, la syntaxe étant constituée par les courbures, les anneaux, les tournants, les déviations de cette ligne dynamique en tant qu’elle passe par des positions du double point de vue des disjonctions et des connexions. Ce n’est plus la syntaxe formelle ou superficielle qui règle les équilibres de la langue, mais une syntaxe en devenir, une création de syntaxe qui fait naître la langue étrangère dans la langue, une grammaire du déséquilibre. Mais en ce sens elle est inséparable d’une fin, elle tend vers une limite qui n’est plus elle-même syntaxique ou grammaticale, même quand elle semble encore l’être formellement : ainsi la formule de Luca, « je t’aime passionnément » qui éclate comme un cri à la fin des longues séries bégayantes (ou bien le « je préfère ne pas » de Bartleby, qui a même absorbé toutes les variations préalables, ou le « he danced his did » chez Cummings, qui se dégage de variations supposées seulement virtuelles). De telles expressions sont prises comme des mots inarticulés, blocs d’un seul souffle. Et il arrive que cette limite finale abandonne toute apparence grammaticale pour surgir à l’état brut, précisément dans les mots-souffles d’Artaud : la syntaxe déviante d’Artaud, en tant qu’elle se propose de forcer la langue française, trouve la destination de sa tension propre dans ces souffles ou ces pures intensités qui marquent une limite du langage. Ou encore ce n’est pas dans le même livre : chez Céline, le Voyage met la langue natale en déséquilibre, Mort à crédit développe la nouvelle syntaxe en variations affectives, tandis que Guignol’s band trouve le but ultime, phrases exclamatives et mises en suspension qui déposent toute syntaxe au profit d’une pure danse des mots. Les deux aspects n’en sont pas moins corrélatifs : le tenseur et la limite, la tension dans la langue et la limite du langage.

Les deux aspects s’effectuent suivant une infinité de tonalités, mais toujours ensemble : une limite du langage qui tend toute la langue, une ligne de variation ou de modulation tendue qui porte la langue à cette limite. Et de même que la nouvelle langue n’est pas extérieure à la langue, la limite asyntaxique n’est pas extérieure au langage : elle est le dehors du langage, non pas au-dehors. C’est une peinture ou une musique, mais une musique des mots, une peinture avec des mots, un silence dans les mots, comme si les mots dégorgeaient maintenant leur contenu, vision grandiose ou sublime audition. Ce qui est spécifique dans les dessins et peintures des grands écrivains (Hugo, Michaux...), ce n’est pas que ces œuvres soient littéraires, car elles ne le sont pas du tout ; elles accèdent à de pures visions, mais qui se rapportent encore au langage en tant qu’elles en constituent un but ultime, un dehors, un envers, un dessous, tache d’encre ou écriture illisible. Les mots peignent et chantent, mais à la limite du chemin qu’ils tracent en se divisant et se composant. Les mots font silence. Le violon de la sœur relaie le piaulement de Grégoire, et la guitare réfléchit le murmure d’Isabelle ; une mélodie d’oiseau chanteur en train de mourir surmonte le bégaiement de Billy Budd, le doux « barbare ». Lorsque la langue est si tendue qu’elle se met à bégayer, ou à murmurer, balbutier..., tout le langage atteint à la limite qui en dessine le dehors et se confronte au silence. Quand la langue est ainsi tendue, le langage subit une pression qui le rend au silence. Le style – la langue étrangère dans la langue – est fait de ces deux opérations, ou bien faut-il parler de non-style, comme Proust, des « éléments d’un style à venir qui n’existe pas » ? Le style est l’économie de la langue9. Face à face, ou face à dos, faire bégayer la langue, et en même temps porter le langage à sa limite, à son dehors, à son silence. Ce serait comme le boom et le krach.

Chacun dans sa langue peut exposer des souvenirs, inventer des histoires, énoncer des opinions ; parfois même il acquiert un beau style, qui lui donne les moyens adéquats et font de lui un écrivain apprécié. Mais quand il s’agit de fouiller sous les histoires, de fendre les opinions et d’atteindre aux régions sans mémoires, quand il faut détruire le moi, il ne suffit certes pas d’être un « grand » écrivain, et les moyens doivent rester pour toujours inadéquats, le style devient non-style, la langue laisse échapper une étrangère inconnue, pour qu’on atteigne aux limites du langage et devienne autre chose qu’écrivain, conquérant des visions fragmentées qui passent par les mots d’un poète, les couleurs d’un peintre ou les sons d’un musicien. « Le lecteur ne verra défiler que les moyens inadéquats : fragments, allusions, efforts, recherches, n’essayez pas d’y trouver une phrase bien léchée ou une image parfaitement cohérente, ce qui s’imprimera sur les pages sera une parole embarrassée, un bégaiement... »10. L’œuvre bégayante de Biely, Kotik Letaiev, lancée dans un devenir-enfant qui n’est pas moi, mais cosmos, explosion de monde : une enfance qui n’est pas la mienne, qui n’est pas un souvenir, mais un bloc, un fragment anonyme infini, un devenir toujours contemporain11. Biely, Mandelstam, Khlebnikov, trinité russe trois fois bègue et trois fois crucifiée.


1 Mandelstam, Le bruit du temps, L’Age d’homme, p. 77.

2 Cf. Gustave Guillaume, Langage et science du langage, Québec. Ce ne sont pas seulement les articles en général, ni les verbes en général, qui disposent de dynamismes comme de zones de variation, mais chaque verbe, chaque substantif en particulier, pour son compte.

3 Mandelstam, Entretien sur Dante, La Dogana, § 8.

4 Pierre Blanchaud est un des rares traducteurs de Kleist qui aient su poser le problème du style : cf. Le duel, Presse-Pocket. Ce problème peut être étendu à toute traduction d’un grand écrivain : il est évident que la traduction est une trahison si elle prend pour modèle les normes d’équilibre de la langue traductrice standard.

5 Ces remarques renvoient au poème célèbre de Luca, « Passionnément » (Le chant de la carpe). L’œuvre de Luca est rééditée par Corti.

6 Cf. François Martel, « Jeux formels dans Watt », Poétique 1972, no 10.

7 Beckett, « Comment dire », Poèmes, Minuit.

8 Sur ce procédé des Nouvelles impressions d’Afrique, cf. Foucault, Raymond Roussel, Gallimard, p. 164.

9 Sur le problème du style, son rapport avec la langue et ses deux aspects, cf. Giorgio Passerone, La linga astratta, Guerini.

10 Andrei Biely, Carnets d’un toqué, Ed. L’Age d’homme, p. 50. Et Kotik Letaiev. On se reportera dans ces deux livres aux commentaires de Georges Nivat (notamment sur la langue et le procédé de « variation sur une racine sémantique », cf. Kotik Letaiev, p. 284).

11 Lyotard nomme précisément « enfance » ce mouvement qui emporte la langue et trace une limite toujours repoussée du langage : « Infantia, ce qui ne se parle pas. Une enfance qui n’est pas un âge de la vie et qui ne passe pas. Elle hante le discours... Ce qui ne se laisse pas écrire, dans l’écrit, appelle peut-être un lecteur qui ne sait plus ou pas encore lire » (Lectures d’enfance, Ed. Galilée, p. 9).