7h15, quai Boisguilbert, Rouen
Le commissaire Gustave Paturel fendit la foule avec autorité. Le poids de ses quatre-vingt-dix kilos l’aida à bousculer la masse compacte de badauds. Sa voix de stentor fit le reste :
— Police ! Laissez passer !
Comme il s’en doutait, la densité de visiteurs était déjà impressionnante.
Qu’est-ce que cela allait être dans la matinée ?
Il fallait régler cette affaire rapidement. Rapidement, mais sans prendre aucun risque.
Sur la route, il avait essayé de faire le point. Un cadavre sur les quais, pendant l’Armada, c’était une première ! Mais à bien y réfléchir, c’était quelque chose qui devait bien arriver un jour. Alcool, mélange des genres, excitation. Malgré le déploiement de la police, les caméras partout, un jour ou l’autre, une altercation pouvait dégénérer. L’enquête n’inquiétait pas trop le commissaire. Étant donné l’affluence, de jour comme de nuit, trouver des témoins ne serait pas difficile. L’assassin de ce marin allait peut-être même venir se dénoncer tout seul, une fois dessaoulé. Non, ce qui préoccupait le plus le commissaire Paturel, c’était la gestion médiatique de cette affaire. L’Armada de Rouen, avec ses millions de touristes sur les quais, était désormais la deuxième plus importante manifestation populaire française, derrière le Tour de France. La plus importante, même, si l’on considérait que le Tour de France se déroulait sur trois semaines et sur tout le territoire national.
Alors, en tant que responsable de la sécurité sur l’Armada, il lui fallait marcher sur des œufs. Il allait devoir tout gérer en direct avec le préfet, tout le gratin des élus de Rouen. Un tel fait divers devait faire le moins d’éclaboussures possible… Il allait être en première ligne… Il aperçut les voiles blanches du Cuauhtémoc.
Il y était !
Il écarta d’un geste ferme le dernier rang de badauds :
— Police. Circulez.
Il franchit le ruban orange installé en hâte sur les quais autour du cadavre. Il commençait à avoir l’explication de l’encombrement sur les quais. En plus des touristes qui venaient assouvir une sorte de curiosité morbide, le cordon sanitaire autour du corps étendu occupait les trois quarts du quai, créant un goulot d’étranglement devant le Cuauhtémoc.
Le commissaire Paturel s’épongea le front. Il jeta un coup d’œil à la scène du crime et fut rassuré. Ses deux principaux adjoints, les inspecteurs Colette Cadinot et Ovide Stepanu, étaient déjà en place.
Colette Cadinot vint la première à la rencontre du commissaire, visiblement rassurée par l’arrivée de son patron :
— Bonjour Gustave. Enfin… On t’attendait.
L’inspectrice jeta un coup d’œil appuyé à sa montre. Le commissaire ne releva pas l’allusion à son retard. Il n’allait tout de même pas avouer à son inspectrice que lorsqu’on l’avait appelé à son domicile, vers six heures du matin, il était seul chez lui avec ses deux enfants en garde, et qu’il avait mis du temps pour trouver une solution, en l’occurrence l’appel à un réseau de baby-sitters sur internet. Avec ses enfants sur les bras en juillet, ce crime tombait particulièrement mal !
Le commissaire Paturel observa quelques instants l’inspectrice Cadinot. Plus elle vieillissait, plus elle ressemblait à Miss Ratched, l’infirmière de Vol au-dessus d’un nid de coucous. Une petite femme stricte au regard clair. Le commissaire la connaissait depuis près de trente ans. Difficile de croire, à la vue de cette quinquagénaire raidie, qu’elle avait été jeune, séduisante et presque drôle à son début de carrière. Depuis, la longue lutte de ce petit bout de femme pour faire sa place dans la police l’avait rendue sérieuse et aigrie. Pourtant, le commissaire Paturel l’aimait bien. Une longue complicité les unissait. Il reconnaissait de plus qu’elle était une collaboratrice intègre, efficace, précise. Un peu fatigante sur les bords, certes, mais une sacrée professionnelle, sur laquelle il savait pouvoir compter. C’était bien là le principal.
— Faites-moi reculer toute cette foule, commanda le commissaire.
Une dizaine d’agents de police en uniforme tenta de faire reculer, sans grand succès, les badauds.
— Colette, tu me fais le point ? continua Paturel d’une voix suffisamment basse pour que les détails ne sortent pas du cordon sanitaire.
— OK. On est là depuis une heure environ. C’est un peintre amateur qui a trouvé le corps, à 5h45. Un certain Maxime Cacheux. Il travaille à la Chambre des comptes. On est en train de l’interroger, mais il n’y aura rien à tirer de ce côté-là.
— Et la victime ?
— On l’a identifiée. Ce n’était pas difficile. Il avait ses papiers sur lui. C’était une petite vedette locale.
Elle consulta ses notes et lut :
— Carlos Jésus Aquileras Mungaray. Matelot depuis cinq ans sur le Cuauhtémoc. Un des cadres du voilier, après y avoir été cadet il y a quatre ans. D’après ce qu’on sait, il appartient à une famille mexicaine influente. On a lancé des recherches de ce côté-là. Le capitaine du Cuauhtémoc se charge de prévenir la famille. Apparemment, Mungaray était une sorte de tête brûlée. Il se faisait surnommer Aquilero. C’était un pilier des soirées rouennaises, le genre play-boy, casse-cou… Il y a une semaine, il s’était amusé à plonger dans la Seine au large de Quillebeuf, du haut du mât du Cuauhtémoc, pour fêter son arrivée sur l’Armada…
Toutes ces informations rassuraient le commissaire. La victime était un séducteur invétéré, un provocateur. Il avait sans doute dû tirer un peu trop sur la corde face à un rival éméché. Il jeta un coup d’œil sur le drapeau mexicain qui flottait sur le Cuauhtémoc. Venir de si loin pour se faire assassiner bêtement au petit matin…
— Et le meurtre, continua le commissaire. Quels détails ?
— Mungaray a passé la soirée en ville hier, avec d’autres marins du Cuauhtémoc. Ensuite, ils sont allés danser à la Cantina, jusqu’à environ deux heures du matin. D’après les premiers témoignages, on l’aurait vu partir au bras d’une blonde que personne n’a encore pu identifier.
— Et après ?
— Rien. Rien avant que le peintre ne trouve le corps… Un objet tranchant en plein cœur. Sans doute un poignard, mais il n’y aucune trace de l’arme du crime près du corps…
Le commissaire observa les rangs serrés de badauds agglutinés à dix mètres, dont le cordon de policiers parvenait simplement à limiter la progression.
Il réfléchit un instant.
Peut-être que couper complètement les quais, pour quelques heures, le temps de l’enquête, serait la meilleure solution. Il pensa immédiatement aux implications d’une telle initiative. Les protestations, les plaintes. Peut-être pourrait-on trouver une sorte de déviation pour les touristes.
Il soupira.
Il n’avait pas le temps. Il fallait agir au plus vite. Dans une heure, peut-être moins, la police aurait vidé les lieux et embarqué le cadavre. Faire maintenir la foule à bonne distance par un cordon de policiers était sans doute la meilleure solution. C’était le plus souvent comme cela que l’on gérait un accident sur une voirie, il suffisait de travailler rapidement. Les journalistes n’allaient pas non plus tarder à rappliquer. Ils étaient peut-être même déjà là. Mais le commissaire Paturel savait également qu’il ne devait prendre aucun risque, qu’il devait laisser la police scientifique faire son travail. Il devait respecter scrupuleusement toutes les étapes, même si les circonstances étaient exceptionnelles. Si jamais l’affaire se compliquait, il serait le premier à sauter en cas d’oubli dans la procédure.
— Et toi Colette, tu penses quoi de tout ça ? demanda Paturel.
L’inspectrice répondit avec une précision clinique :
— Si on fait abstraction de l’Armada, des touristes, de la pression que tout cela va générer, je dirais qu’on a affaire à un vulgaire fait divers. Une bagarre qui tourne mal.
— On a mesuré le taux d’alcoolémie de la victime ?
— C’est en cours. Mais selon les témoignages, il avait bu plus d’une dizaine de bières au cours de la soirée.
Le commissaire afficha un sourire de soulagement. Tout ceci allait se résoudre rapidement. Il tourna la tête et remarqua qu’un cadet se hissait sur la martingale du Cuauhtémoc pour mettre en berne le drapeau vert, blanc et rouge du voilier mexicain.
Déjà !
Il se retourna vers l’inspectrice.
— Tout ça va dans ton sens, Colette. Mungaray avait-il de l’argent ? On lui a volé quelque chose ?
— Visiblement, non. Il avait juste quelques euros sur lui…
— Mouais… Il faut retrouver cette fille. Cette fille blonde. C’est elle la clé. Sans faire de psychologie de bazar, je verrais bien une affaire de cœur qui a mal tourné. Le beau Sud-Américain tourne la tête d’une jeune fille et l’entraîne dans un coin sombre. La belle avait un amoureux local qui n’apprécie pas trop cette concurrence déloyale. Il suit Mungaray et sa conquête. L’explication tourne mal… Ça te semble plausible, Colette ?
— C’est possible…
— Le commissaire Paturel sentit, au peu d’enthousiasme de l’inspectrice, qu’il lui manquait encore un certain nombre d’éléments dans cette affaire. Colette Cadinot ne lui avait pas encore tout dit. Il posa une question qui lui semblait anodine.
Elle ne l’était pas.
— On a une idée de l’heure de la mort ?
Colette Cadinot respira plus lentement. Paturel perçut immédiatement qu’il y avait un problème.
— Le légiste est en train de travailler dessus, répondit lentement l’inspectrice. D’après lui, la mort a été instantanée. Elle remonte à un peu plus de deux heures du matin. Mais il va affiner…
Le commissaire tiqua :
— Deux heures du matin ? Et on a retrouvé le corps à six heures ?
Il jeta un coup d’œil aux quais bondés. Une tension montait en lui. Cette affaire prenait une mauvaise tournure. Il hurla à l’encontre des policiers qui faisaient ce qu’ils pouvaient :
— Mais faites-moi reculer cette foule, nom de Dieu ! Ils vont finir par nous piétiner !
Il se retourna vers Colette et continua, un peu calmé :
— Entre deux et six heures du matin, il est impossible que personne n’ait remarqué le corps sur les quais. Il y a forcément eu du passage toute la nuit ! Le légiste est vraiment sûr de son diagnostic ? Mungaray n’a pas pu être seulement blessé, puis avoir tenté de se traîner jusqu’au Cuauhtémoc ?
Colette Cadinot secoua la tête :
— Il est formel. Le coup a été mortel. Un peu après deux heures du matin.
— Merde ! Tu sais ce que cela signifie, Colette ?
— Oui, répondit l’inspectrice avec flegme. Que Mungaray a été tué ailleurs, et ramené seulement ensuite, quatre heures plus tard, à proximité du Cuauhtémoc. C’est d’ailleurs ce que les experts semblent confirmer. Mungaray n’a pas été tué sur les quais… Du coup, l’hypothèse du crime passionnel dans la panique se complique un peu…
— À voir, se rassura le commissaire. À voir. Le meurtrier a pu vouloir cacher le corps. Le ramener au Cuauhtémoc. Il y a sans doute une explication rationnelle.
— Il y en a toujours une…
Le commissaire toussota. Il dévisagea un type qui tentait de prendre une photo entre deux uniformes et se défoula sur lui :
— Les photos sont interdites ! Encore une et je vous confisque l’appareil.
L’homme se recula sans protester. Le commissaire s’épongea le front :
— OK. Bon, que les légistes se magnent de faire leur travail. Il faut qu’on libère les lieux avant que ça tourne à l’émeute. Je vais contacter également la police scientifique nationale pour l’examen du corps. ADN et tout le tintouin. On ne va prendre aucun risque.
Le commissaire s’avança et se pencha sur le corps étendu du jeune marin. Divers policiers en civil s’affairaient, équipés de matériels sophistiqués, passant une lampe polylight pour repérer d’éventuelles empreintes digitales, attrapant le moindre cheveu à l’aide de pincettes minuscules et les déposant dans des petits sachets, recueillant à l’aide d’une sorte de long coton-tige le sang sur le goudron du quai.
Pas étonnant que le public se bouscule pour observer la scène !
Les Experts, en live !
Le commissaire se retourna, énervé, et interpella un autre badaud qui tentait de s’approcher pour prendre un cliché :
— La foire Saint-Romain, c’est sur l’autre rive !
Le touriste recula sans demander son reste.
Une main se posa sur l’épaule du commissaire. Paturel se retourna et reconnut Ovide Stepanu, le second inspecteur qu’il avait dépêché sur l’affaire. D’origine roumaine, l’inspecteur Ovide Stepanu était arrivé en France depuis une vingtaine d’années. Il était un flic remarquable, doté d’une intuition et d’une imagination hors du commun.
Parfois trop.
Dans son dos, au commissariat de Rouen, courait sur lui le surnom d’inspecteur « Cassandre ». Orthodoxe pratiquant, superstitieux, il semblait parfois porter la misère du monde sur ses épaules et avait le don de prendre l’air désolé pour annoncer des catastrophes ou des explications les plus terrifiantes possibles aux crimes… qui bien souvent se révélaient exactes !
Cela n’aidait pas beaucoup à sa popularité. Pas plus que cette allure dépressive de vieux garçon, ses vêtements sans forme comme s’il n’en avait pas changé depuis sa venue de Roumanie, ou cette absence presque permanente de sourire. Le commissaire Paturel avait mis plusieurs années avant de comprendre pourquoi l’inspecteur Stepanu ne souriait jamais. Ce n’était aucunement une question de caractère. C’était simplement de la pudeur. Stepanu avait ramené de Roumanie une vilaine dentition. Avec le temps, il avait su développer des rictus qui lui permettaient d’exhiber le moins possible ses dents jaunies, notamment en évitant les sourires inutiles.
Le commissaire avait compris, contrairement à beaucoup de ses collègues, que l’inspecteur Stepanu n’était pas un type blasé faisant la tête en permanence, mais au contraire un brave type, brillant, timide et complexé.
— C’est la merde Gustave, attaqua l’inspecteur Stepanu, avec cette façon inimitable de parler sans bouger les lèvres.
Un type brillant, timide, complexé… et qui ne prenait la parole que pour vous annoncer des kilos d’emmerdements !
Paturel soupira :
— Qu’est-ce qu’il y a, Ovide ?
— Je ne voudrais pas jouer les trouble-fêtes. J’ai écouté votre théorie, commissaire. Le crime passionnel… Je suis désolé, mais ça ne colle pas…
Le commissaire croisa le regard tout aussi abattu de l’inspectrice Cadinot.
— Il faut que je vous montre quelque chose, commissaire, continua Ovide Stepanu.
L’inspecteur se pencha sur le corps du jeune marin mexicain, demanda à la police scientifique de faire un peu de place et commença à déboutonner la chemise du cadavre. Stepanu dénuda une épaule du corps inerte, puis, sans aucune gêne apparente, tourna légèrement le tronc pour dévoiler toute l’omoplate.
— Regardez.
Le commissaire et l’inspectrice se penchèrent. L’épaule, l’omoplate et le haut du dos d’Aquilero étaient couverts de tatouages. Ils observèrent avec plus d’attention. Ils reconnurent distinctement quatre animaux : une colombe, un crocodile, un tigre et un requin. Les tatouages étaient sobres, les traits des animaux précis.
— Et alors ? demanda le commissaire. Où est le problème ? Ça doit être courant, les tatouages chez les marins. Non ?
— Ce n’est pas cela le problème, Gustave, continua Ovide sans se départir de son attitude de croque-mort.
Il dénuda encore un peu plus le dos du marin. Un cinquième tatouage apparut.
Mais celui-ci était méconnaissable !
Le tatouage était brûlé. La peau du cadavre, à l’endroit exact du cinquième tatouage, cloquait atrocement et commençait à se disloquer en lambeaux.
Colette Cadinot détourna les yeux. Le commissaire déglutit.
Nom de Dieu ! Il ne s’attendait pas à cela !
— C’est… C’est récent cette brûlure ? articula le commissaire.
— Selon les légistes, répondit Stepanu, à peu près l’heure de la mort. Soit un peu avant la mort, soit un peu après… On en saura plus dans quelques heures. Je vous l’accorde commissaire, le détail a de l’importance. Surtout pour ce pauvre garçon d’ailleurs.
Des gouttes de sueur perlaient sur le front du commissaire Paturel.
Cette fois-ci, il y était, dans la merde !
A ce rythme-là, la thèse du crime passionnel ou crapuleux n’allait pas tenir longtemps. Il osait à peine imaginer l’hypothèse d’un sadique en liberté. En pleine Armada, au milieu de millions de touristes.
Il fallait que cela tombe sur lui !
La somme d’ennuis en perspective lui donna le vertige. Il n’osait même plus affronter du regard la foule de curieux. Avec un peu de malchance, un journaliste avait tout vu.
— On sait ce que représentait le tatouage qui a été brûlé ? demanda le commissaire d’une voix blanche.
— Oui, répondit Stepanu presque avec entrain. Il n’y a pas de doute. C’était un aigle.
— Aquilero, fit l’inspectrice Cadinot, s’imposant dans la conversation. Aquila signifie aigle en espagnol. L’aigle, c’était lui… C’est lui qu’on a voulu brûler… Une vengeance ?
Des gouttes de sueur coulaient maintenant dans le bas du dos du commissaire Paturel. Tout allait trop vite. Pourtant, Stepanu ne lui laissa aucun répit et enfonça encore un peu plus le clou :
— Au risque de paraître rabat-joie, il y a encore autre chose, commissaire.
Paturel aurait aimé être blasé. Il ne l’était pas.
— Quoi ?
— La brûlure… Elle n’est pas banale… La chair donne l’impression d’avoir été marquée au fer rouge. Un peu comme on marque une bête… Et…
Il hésita à continuer.
— Et ? insista malgré lui le commissaire.
— Selon les légistes, la brûlure présente une forme, comme une signature.
Il sortit une page d’agenda déchirée de sa poche.
— Une signature qui ressemble à cela.
Paturel et Cadinot se penchèrent. L’inspecteur Stepanu tendit devant leurs yeux le dessin suivant : M<.
Un M et une sorte de V penché sur le côté…
— J’ai déjà balancé le symbole par le net à Paris, indiqua Stepanu. Ils vont faire des recoupements. Ils ont des cryptologues. Il s’agit peut-être d’un symbole cabalistique, d’un truc religieux, d’une secte, je ne sais pas quoi… Ils ont des banques de symboles…
Le commissaire Paturel n’écoutait plus son inspecteur. Il n’avait pas besoin de tous ces détails.
Il sentait les pavés des quais glisser sous ses pieds.
Il fixa son regard sur le drapeau mexicain en berne, puis regarda Colette Cadinot.
Elle aussi avait compris.
Comme le commissaire, elle habitait le pays de Caux depuis longtemps. Elle connaissait l’histoire de l’estuaire de la Seine. Ses légendes, ses traditions. Nul besoin d’experts parisiens et de banque de données. Le commissaire et son inspectrice savaient parfaitement à quoi correspondait ce mystérieux symbole.
M<
D’où il venait et ce qu’il signifiait.
Pourtant loin d’éclairer le mystère, il le rendait plus épais encore.
Insondable. Invraisemblable.
— Bordel, fit le commissaire. Pas un mot de tout ceci à la presse ! Black-out total. La seule piste officielle, c’est le crime passionnel et l’appel à témoin, en particulier cette fille blonde qui est sans doute la dernière à avoir vu Mungaray vivant. Officiellement, on mise tout là-dessus !
Le commissaire pensait en avoir terminé avec les émotions. Pouvoir se ressaisir, s’organiser.
Le pire était pourtant à venir.
Au moment où la police scientifique se penchait à nouveau sur le corps du jeune Mexicain, un téléphone portable sonna.
A moins d’un mètre d’eux.
Chacun se regarda. Personne ne décrocha.
De longs instants s’écoulèrent, rythmés par la sonnerie insistante.
— Bordel, hurla le commissaire, est-ce que le propriétaire de ce téléphone peut se donner la peine de répondre ?
— Ça va être difficile, glissa sobrement Ovide Stepanu. Le commissaire se rendit compte que tous les regards étaient tournés vers le corps étendu sur les quais de la Seine.
La sonnerie provenait de la poche du cadavre.
Quelqu’un cherchait à entrer en conversation téléphonique avec un mort !