9h41, Théâtre des Arts
Le groupe de cinq CRS passa devant le Théâtre des Arts, matraques à la cuisse. L’un des hommes tenait un molosse en laisse.
Morten Nordraak descendit prudemment quelques marches vers le Métrobus. Néanmoins, derrière ses lunettes de soleil, il savait qu’il ne risquait rien. Ce portrait-robot diffusé partout, dans la presse et sur les murs, ne lui ressemblait pas, il était beaucoup trop flou, personne ne pouvait le reconnaître avec ce croquis grossier. Les seules indications précises étaient sa taille et ses cheveux blonds.
Il sourit.
Ses cheveux blonds étaient eux aussi dissimulés sous une casquette kaki : une précaution presque inutile, ils n’allaient pas arrêter tous les types blonds de la ville !
Il avait eu de la chance, hier, la journaliste n’avait fait que l’apercevoir, à Villequier. Ils avaient bien failli le coincer sur cette route le long de la Seine. Mais maintenant, il était tranquille, il ne craignait plus rien.
Il allait pouvoir agir. Il était seul désormais.
Seul pour le butin, c’est ce qui pouvait arriver de mieux, après tout.
Mais il allait devoir être méfiant, extrêmement méfiant. Malin aussi.
Surgir là où on ne l’attendait pas.
Morten Nordraak se dissimula un peu derrière la statue de Pierre Corneille. Il observa l’alignement des voiliers sur la Seine, et au bout, l’espace des Marégraphes. Une foule de journalistes, de flics, de tout ce que l’Armada compte de gens importants, venait de sortir du hangar. Il savait que la journaliste était là, elle aussi. Elle était forcément là, elle allait sortir, comme les autres.
Elle était la seule à pouvoir l’identifier. Le type n’avait même pas levé les yeux sur lui, dans l’église.
Cette fille représentait le seul danger.
Elle l’avait vu, à Villequier. En plus, elle n’était pas là par hasard. Elle avait compris, déchiffré leurs codes. Elle était la seule à s’être autant approchée de la vérité. Oui, cette fille était le seul véritable danger !
Mais il lui fallait réfléchir, ne pas agir dans la précipitation. Jusqu’à présent, il avait été le plus malin. On ne se retrouve pas le dernier, seul face au butin, sans être malin.
De son poste d’observation, derrière ses lunettes, sous sa casquette, il était invisible, méconnaissable.
Pas elle !
Il la vit s’avancer. Elle marchait d’un pas pressé le long de la Seine. Un joli petit lot. Le tissu de sa robe qui se collait à chaque pas faisait ressortir ses fesses et ses seins. Il n’avait pas vraiment eu le temps de la détailler dans l’église de Villequier. Elle passa sans même regarder dans sa direction, à une cinquantaine de mètres.
Il suivit Maline des yeux jusqu’à ce qu’elle s’éloigne.
Elle représentait le seul danger. Un danger bien plus réel que ces centaines de flics à ses trousses, sans aucun indice.
Elle seule l’avait vu, lui, le tigre.
Elle seule pouvait comprendre, découvrir son nom, l’identifier.