Chapitre 10

Le mardi 4 septembre 2001

 

L’homme se laissa glisser dans le transat et fixa la mer scintillante et calme. Très haut, un avion filait vers l’horizon, laissant derrière lui une longue traînée nuageuse en forme de flèche.

Le temps fondait. Au loin, une jeune fille portant seulement un jean et de longs gants couleur de sang courait sur la plage. L’homme resta là un moment à contempler l’horizon jusqu’à ce que le trait lumineux s’estompe. Il serrait d’une main ferme la poignée de sa mallette, oubliant le lieu, oubliant l’heure.

Puis il y eut cette sensation de soif. La bouche sèche comme s’il avait avalé une gorgée de sable, la langue qui colle au palais. On percevait encore au loin le grondement de l’avion. Puis une voix, une voix qui ressemblait à celle de Chrysanthy. Il ferma les yeux pour en retrouver le souvenir. Le grondement des moteurs semblait plus proche. La voix aussi. Une autre voix, étrangère :

— Vous voulez boire quelque chose, monsieur ? Le dîner sera servi dans une demi-heure.

Alexandre ouvrit les yeux. Le grondement des moteurs persistait. Il pivota légèrement et examina la section des premières classes de l’Airbus. Au-dessus de lui, resplendissait le sourire artificiel de l’hôtesse.

— Pardon.

— Je m’excuse de vous avoir réveillé, monsieur Jobin, mais je voulais vous offrir un apéritif. Le repas sera servi dans quelques minutes.

— Quelle heure est-il ?

— Vingt-trois heures quinze, heure de Montréal. Nous atterrirons à Paris dans environ trois heures.

La soif, elle, était bien réelle de même que l’air climatisé, sec comme celui du désert. Alexandre songea à commander un scotch, mais il hésita, ne sachant si on était le soir ou le matin.

— Vous avez de la bière ?

— Oui. Heineken, Tuborg…

— Une bière canadienne ?

— Seulement de la Molson Export, monsieur, fit-elle avec une légère moue méprisante.

Il acquiesça. L’agente de bord se pencha vers la tablette inférieure du chariot, y fouilla un instant et lui tendit un verre où elle avait versé quelques centimètres d’un liquide blond et tiède comme son sourire.

Il la remercia, but une gorgée et lança un coup d’œil à sa montre : vingt-trois heures vingt. Il avait dormi presque deux heures d’un sommeil profond. Un léger mal de tête pointait encore, bref souvenir de la soirée précédente.


Une nuit courte et agitée. Symptômes normaux qui précédaient pour lui chaque départ. Françoise autrefois lui faisait prendre une Ativan. Mais Françoise… À quelques reprises, il s’était relevé : une fois pour boire un autre Perrier, une fois pour le rendre, une fois pour vérifier s’il avait bien rangé son passeport et son permis de conduire international dans la mallette. À ce moment-là, il avait remarqué la ligne bleutée de l’aurore au-dessus des édifices d’en face.

Alors seulement, il avait dormi quelques heures d’un sommeil de plomb. Vers neuf heures trente, un appel téléphonique l’avait réveillé : Théo voulait simplement confirmer qu’il passerait le prendre en fin de journée pour le conduire à Dorval. À seize heures.

Trois cafés, deux Aspirine et une douche plus tard, il avait repris forme humaine. La glace de la salle de bain lui renvoyait l’image d’un homme tirant sur la fin de la quarantaine, encore présentable et qui ne ferait pas honte à sa patrie dans les vieux pays. Les yeux demeuraient un peu cernés, le teint un peu pâle, signes d’un estomac encore fragile, mais ce n’était déjà plus l’incroyable Hulk du réveil.

Une demi-heure plus tard, il constata que, suivant ses habitudes d’ancien militaire, son barda était fait, sa valise prête et bouclée, et qu’il lui restait cinq heures à tuer avant l’arrivée de Théo. Il feuilleta le journal sans vraiment le lire, puis décida de téléphoner à Sam Wronski pour lui annoncer son départ. Sam, son second père, ce vieux monsieur qui les avait accueillis, sa mère et lui, lors de leur arrivée à Montréal, qui l’avait presque élevé et qui finalement lui avait vendu la boutique quelques années plus tôt, après la mort de Françoise et sa retraite des Forces armées canadiennes.

— Une semaine ou deux seulement, Sam. Quelques affaires à régler.

— Des affaires à Paris, petit ? La boutique prend de l’expansion. Moi, je l’ai tenue depuis 1947, presque cinquante ans, et je ne suis jamais retourné dans la vieille Europa.

— Tu aurais pu, Sam.

— Ouais… sans doute… mais certains souvenirs sont trop sombres pour qu’on les réveille ou qu’on les efface… Un jour peut-être, pour saluer les morts. Et c’est quoi, tes affaires là-bas ?

— Évaluation d’œuvres d’art pour une cliente.

— D’œuvres… hum…

— Des souvenirs de famille qui peuvent atteindre une certaine valeur.

— Tu restes vague, petit. J’aime ça quand tu restes vague. Ça montre que le métier, il entre lentement. On n’annonce pas le faisan avant la broche. Un vieux proverbe de chez moi, de la Mittel Europa. Vous avez quelque chose de semblable sur une peau de l’ours, ici… Même chose.

— Je voulais te demander de passer une ou deux fois par semaine à la boutique pendant mon absence.

— Une ou deux fois par semaine ? C’est déjà ce que je fais. Tu veux que je passe tous les jours ?

— Pas tous les jours, Sam. Enfin… Quand ça te conviendra. Tu connais Mademoiselle Dionne. Elle est toujours un peu anxieuse.

— Je sais, petit. Je l’ai endurée pendant trente années. Efficace, mais… anxieuse, comme tu dis. Et puis y aller chaque jour, ça me rappellera les bons souvenirs.

— Merci, Sam. Et monte à l’appartement pour voir si tout va bien pour Bucéphale.

— Et toi, tu envoies les cartes postales, hein ! Avec des beaux timbres pour la petite qui reste en haut.

— Promis. Prends soin de toi.

— Ben voyons ! Qui le ferait à ma place, hein ? Tu me raconteras…

Alexandre sourit en raccrochant. Mais l’appareil, à peine posé, se mit à sonner.

— Les Casques bleus repartent pour l’Europe, selon la rumeur ?

— Je suis sur écoute au SPCUM, Lucien ?

— Depuis deux ans : trafic d’œuvres d’art, escroqueries multiples sur la marchandise, liens avérés avec le crime organisé et sans doute blanchiment d’argent sale vers les banques européennes. Je vise juste ?

— En plein dans le mille. Et comment as-tu su que je m’envolais avec le magot ?

— Facile ! Je suis passé à ta boutique hier, juste avant la fermeture, et j’ai interrogé la vieille chose qui te sert de caissière. Ça doit être une vraie bombe au lit pour que tu la gardes si longtemps…

— Lucien…

— Elle a craqué en dix minutes et m’a tout déballé sur ton voyage en Europe. Des vacances ?

— Évidemment, Lucien. Que veux-tu que ce soit d’autre ?

— Ouais ! Évidemment… Bon ! Moi, je voulais juste t’annoncer une mauvaise nouvelle.

Méchamment, l’inspecteur Latendresse laissa planer un long silence. Alexandre ne mordit pas à l’hameçon.

— Ç’a pas l’air de t’intéresser, Jobin.

Alexandre continua à jouer la carpe.

— Bon ! Ton vieux chum, Maurice « Moth » Monfette, serait de retour en ville ou sur le point d’y revenir. On a su ça par un contact crédible qui navigue dans le sillage des Titans. Rien de certifié et on ignore le jour et l’heure, mais je voulais te prévenir.

— Ça tombe bien, je quitte Montréal ce soir.

— Tant mieux. J’espère seulement que vos avions se croiseront pas à Dorval.

— Merci, Lucien, je te revaudrai ça.

— On dit ça… Bon, ben… bonnes vacances, maudit chanceux ! C’est pas dans la police qu’on se ferait payer des voyages en Europe.

— Personne ne me le paie.

— C’est pas ce que dit la rumeur. Salut.

Latendresse raccrocha. Décidément, les nouvelles circulaient vite. Alexandre se mit à faire les cent pas dans l’appartement. Sur le comptoir de la cuisine, s’alignaient les boîtes de Whiskas pour Bucéphale ainsi que des indications détaillées concernant son alimentation à l’intention de Mademoiselle Dionne ou de Sam. Il ouvrit le réfrigérateur presque vide et décida d’aller manger une pizza dans un bistrot de l’avenue du Mont-Royal.


Quand il en sortit, le soleil à son zénith plombait la rue. L’appartement devait être encore torride. Il marcha un moment côté ombre et, sur un soudain coup de tête, se dirigea vers la rue Papineau.

La façade était discrète. On aurait dit une petite librairie de quartier encadrée d’une agence de voyages et d’un magasin de vêtements de cuir : vestes, jupes, bustiers, bottes, cuissardes et tout le tralala. Cette façade criarde aux néons clignotants attirait si bien le regard que celle des Chevaliers de l’Ordre pourpre du Temple passait presque inaperçue. Une petite enseigne s’ornait des lettres « COPT » et d’une croix rouge aux embranchements évasés.

En vitrine, Alexandre remarqua des cassettes vidéo et des livres sur l’interprétation des rêves et des Écritures, sur l’apprentissage de soi et du monde, sur l’histoire secrète du Graal et du Temple « révélée pour la première fois ». L’ensemble était bien présenté, très propre, étalé sur un tissu bordeaux qui descendait en cascades comme ces faux rochers que l’on disposait sous les crèches à Noël. Au centre de la vitrine, rayonnait une grande affiche représentant un homme d’âge moyen revêtu d’une aube pâle et d’une longue cape pourpre ornée d’une croix blanche. Un homme mince, au regard lumineux fixant l’infini. Il se tenait bien droit, dans une pose hiératique : les deux mains sur la garde d’une épée ancienne fichée dans le sol. Au-dessus de sa tête, s’étalaient les mots du mystère : « Maîtrisez le passé et l’avenir par la Connaissance » ! ! !

Alexandre allait s’éloigner quand un jeune homme maigre sortit de la boutique et s’avança vers lui avec un sourire plein de reconnaissance envers l’Éternel. Ce sourire que l’on voit le samedi matin au visage des Témoins de Jéhovah. Il portait un complet strict et rutilait d’acné.

— Ça semble vous intéresser, monsieur.

— Pas particulièrement. Je flânais dans le quartier…

— Et vous avez été attiré par le regard du Maître, dit le jeune homme en pointant un doigt respectueux vers le portrait dans la vitrine.

— C’est lui, le Maître ?

— Oh ! Il y a plusieurs Maîtres, vous savez. Tous ceux qui ont atteint la Connaissance.

Alexandre sourit devant tant de sagesse.

— Et je suppose que j’atteindrai cette Connaissance en achetant et en lisant tous les livres que vous exposez là, ironisa-t-il en balayant l’étalage d’un geste respectueux.

— Pas seulement par la lecture…

— Bien sûr, par les enseignements du Maître aussi.

— Par le lent parcours des sentiers de l’Initiation extatique.

— Je vois. Et je suppose que c’est gratuit ?

— Les livres, non. Ils peuvent même sembler chers à certains, mais vous comprendrez que ce sont des éditions ou des rééditions rares, non disponibles en librairie. Des tirages restreints réservés aux initiés.

Alexandre, qui connaissait bien la technique de l’objet rare et unique pour l’avoir maintes fois pratiqué dans sa propre boutique, s’apprêtait à lui tourner le dos quand le jeune homme ajouta d’une voix suave mais plus rapide :

— Ce qui est gratuit, par contre, c’est le test de personnalité.

— Le quoi ?

— Le test de personnalité. Un petit questionnaire que l’on vous fait passer et qui ne vous engage à rien. Plusieurs personnes ont vu leur vie changée par ce simple test.

— Je n’ai pas beaucoup de temps.

— Oh ! Ça ne vous prendra qu’une quinzaine de minutes.

Alexandre allait de nouveau s’éloigner quand il se souvint des propos du professeur Chouinard. C’est ici que Constance avait pris contact pour la première fois avec l’Ordre. Ça méritait peut-être quelques instants… et il pourrait jeter un coup d’œil à l’intérieur. Il mima encore une certaine hésitation.

— Pas plus de quinze minutes, hein ?

— À moins que vous ne le désiriez.

— J’ai un rendez-vous à treize heures trente, ajouta-t-il en regardant sa montre.

— Dans ce cas, veuillez me suivre, monsieur.

Le jeune homme maigre lui ouvrit la porte du local et le fit entrer. Une petite salle bien propre et assez anonyme : un mur couvert de rayonnages où étaient rangés dans un ordre parfait livres et cassettes, d’autres affiches plus ou moins astrales, des banderoles aux slogans optimistes : « Chaque être humain vaut plus qu’il ne le semble ou qu’il ne le croit. » Bien voyons ! Allez donc dire ça à Théo !

Il fut conduit à un petit bureau qui masquait l’entrée d’une autre salle et où trônait une grosse dame entre deux âges, le Nouvel et le Moyen. Une face de lune ornée de lunettes épaisses comme des fonds de bouteilles. Le jeune boutonneux fit les présentations :

— Suzanne, Monsieur voudrait passer le test de personnalité. Le plus court, car Monsieur est pressé. S’il le désire, nous lui dispenserons le test complet au cours d’une prochaine séance.

Alexandre s’assit sur une chaise droite face au bureau où ladite Suzanne fit apparaître une fiche à l’écran de son ordinateur.

— Comme vous êtes pressé, monsieur, j’inscrirai moi-même les données et nous vous ferons parvenir les résultats chez vous dans quelques jours. Si vous voulez plus de renseignements ou des éclaircissements, vous n’aurez qu’à faire un saut ici ou à nous téléphoner. Ça vous convient ?

— Ça va.

— Allons-y. Elle inspira profondément puis se lança : votre nom ?

Alexandre hésita une seconde et sourit :

— Théo Lambrini.

— Adresse ?

— 4917, avenue du Parc.

— Bien. Numéro de téléphone ?

— 358-2297.

— Numéro d’assurance sociale ?

— Ça fait partie du test de personnalité ?

— Non, bien sûr. C’est uniquement pour nos dossiers. Vous n’êtes pas obligé d’y répondre.

— Je préfère…

— Bon ! Date de naissance ?

— 13 juin 1952.

— Profession ?

— Retraité des Forces armées canadiennes.

— État civil ?

— Veuf.

— Très bien. Revenu annuel ?

Encore une fois, Alexandre tiqua et refusa de répondre en précisant simplement qu’il pouvait vivre à l’aise. Suivirent une série de questions sur ses croyances, ses aspirations, ses rêves, réalisés ou non. À chaque réponse, la dame hochait la tête et tapait les réponses à une vitesse folle sur le clavier de son ordinateur. Parfois, elle émettait un petit « Oui ! Oui ! » approbateur puis passait à la question suivante :

— Croyez-vous que vous avez obtenu de la vie tout ce que vous méritiez ?

— Vous en connaissez qui peuvent répondre « oui » à une telle question ?

— Hum… J’inscris donc « non ».

Alexandre soupira et regarda sa montre.

— Une dernière question : croyez-vous en l’avenir ? au bonheur futur ? à la réincarnation ?

— Il y a trois questions là-dedans.

— Oui, je vois… mais dans l’ensemble ?

— Inscrivez que je crois au présent. Désolé, madame, mais je dois partir. J’ai un rendez-vous.

Alexandre se leva et se dirigea vers la porte. Le boutonneux le précéda et lui tendit une liasse de dépliants. Certains étaient imprimés sur du beau papier glacé et illustrés de photos en couleurs représentant de merveilleux couchers de soleil dans des lieux semi-désertiques ; d’autres étaient de simples photocopies et présentaient les horaires d’activités locales : balade en vélo le long du canal Lachine, cueillette de pommes à Rougemont… Il y avait aussi une jolie petite brochure : Vingt réponses aux questions que les gens se posent sur le Graal et sur les Chevaliers de l’Ordre pourpre du Temple.

Alexandre le remercia. Le jeune homme, souriant en l’avenir, lui ouvrit la porte d’un geste théâtral.

— Et je peux vous demander, monsieur Lambrini, ce qui vous a attiré chez nous ? Notre vitrine ?

— Un peu, mais j’ai une amie qui m’a parlé de vous.

— Une de nos adeptes, sans doute. Quel est son nom ?

— Constance Meyer.

Le visage s’assombrit d’un coup et le sourire se figea.

— Mayer, vous dites ?

— Meyer. J’essaie de la joindre depuis un moment et je n’ai pas de nouvelles. Elle venait ici de temps en temps, le printemps dernier.

— Je ne vois vraiment pas.

Les sourcils froncés, il se tourna vers la grosse dame qui le fixait de ses yeux de grenouille.

— Meyer, ça vous dit quelque chose ? Constance Meyer ?

— Connais pas ! répondit-elle en plongeant vers son clavier.

— Désolé, monsieur Lambrini. Il a dû y avoir une erreur. Nous n’avons aucune Mademoiselle Meyer. D’ailleurs, nous ne recrutons pas de juifs. C’est un Ordre chrétien. Ce nom n’existe pas dans nos fichiers.

Maintenant il poussait presque Alexandre vers le trottoir. Curieux tout de même qu’il ait su que c’était une demoiselle !


— Vous aviez commandé le saumon marinière, monsieur Jobin ?

Alexandre releva la tête et fixa l’hôtesse, un peu surpris. Pas la même que tout à l’heure : une blonde, aussi grande et arborant le même sourire congelé. Il rangea sa brochure sur le Graal et l’Ordre du Temple dans sa mallette. Il aurait bien le temps d’en terminer la lecture à Paris.

La jeune femme le débarrassa de son verre de bière vide et posa délicatement un plateau sur la tablette rabaissée. On y distinguait une viande rosâtre noyée dans une sauce blanche et accompagnée de divers légumes aux couleurs fluorescentes.

— Vin blanc ou vin rouge, monsieur ?

— Blanc, s’il vous plaît. Vous avez de l’alsace ?

— Je vous apporte la carte, monsieur.

Elle repartit vers l’arrière. Le compartiment des premières classes comptait une vingtaine de sièges larges et bien espacés. Certains étaient inoccupés, comme celui près du hublot à côté d’Alexandre. D’un bref coup d’œil, il parcourut l’espace environnant : un couple de riches retraités visiblement heureux et qui feuilletaient ensemble un guide de Paris ; une jeune femme accompagnée d’un monsieur d’âge mûr, un bijoutier sans doute à en juger par la quincaillerie qui ornait la demoiselle ; deux ou trois hommes d’affaires solitaires qui jusque-là s’étaient concentrés sur le Wall Street Journal ou sur Les Affaires et engouffraient maintenant d’un air indifférent leur repas en songeant aux cotes boursières ; une dame seule, très aristocratique, et qui, par certains gestes, faisait songer à Madame Éléonore ; quelques autres…

Et puis, il y avait cet homme d’âge moyen et un peu gras, vêtu d’un costume vert foncé fripé qui ne lui allait vraiment pas. Il avait pris son siège, le siège en biais de l’autre côté de l’allée, à la dernière minute, au moment où les réacteurs grondaient déjà. Il avait parcouru le compartiment d’un regard scrutateur avant de s’installer. Un regard sournois qui s’était attardé une fraction de seconde de trop au profil d’Alexandre.