La nuit tombe. À court de champagne, Miss Simone se souvient qu’il faut dîner.
Pas loin de l’hôtel, rue Sainte-Anne, elle connaît un restaurant japonais, le meilleur de tout Paris, peut-être. Mais c’est une adresse à oublier.
« Pourquoi n’iriez-vous pas s’il est si bon ?
— Je ne peux pas… C’est-à-dire que je n’ose pas.
— Vous ! Ne pas oser ?
— J’ai fait un scandale là-bas, la dernière fois, parce que le second plat tardait à arriver. J’ai protesté si fort que le patron m’a priée de sortir. Précisant qu’il m’offrait le premier plat et le vin déjà bu. Il me virait, moi ! Tu te rends compte ? Alors j’ai gueulé : “Vous ne m’aimez pas parce que je suis noire.” Sans se démonter, le type s’est fendu d’un sourire glacial et m’a lancé dans les gencives : “Non, madame, je ne vous aime pas parce que je suis jaune.” Je suis restée sans voix. [Elle rit.] Ce Jap avait un humour et une présence d’esprit très rares, tu sais. J’aimerais vraiment y retourner, pour la nourriture et pour lui aussi, mais j’ai peur qu’il me jette. Tu vois à quoi nous pousse le système blanc américain : il nous inocule ce poison du racisme, de sorte que nous ne pouvons plus penser hors de ce manichéisme, blancs contre noirs, noirs contre blancs, et il nous fait devenir bêtes à notre tour. Il nous viole trois fois, il torture nos corps, il brise nos cœurs et à la fin il nous ampute de notre intelligence. »
Clope aux lèvres, elle entreprend de se maquiller, mais ses doigts tremblent et l’eye-liner part de travers, le mascara trop chargé colle à sa paupière. Désemparée, elle se tourne vers Ricardo qui éclate de rire à la vue du coquart cosmétique. « Tu m’aiderais, s’il te plaît ? »
Ricardo dit O.K., efface le coquart au démaquillant puis, sans trembler, sans se presser non plus, il dessine l’œil pharaonien tel qu’il l’a vu sur les photos, peint les paupières de fard doré et brosse les cils avec l’épais mascara. Le résultat est si convaincant que Miss Simone, oubliant de remercier, le moque en douceur : « Je ne voudrais pas insister ni te vexer encore, p’tit cœur, mais pour un garçon straight, tu t’y connais vachement en trucs de fille.
— Vous ne me vexez pas. J’avais deux sœurs aînées dont j’étais la poupée et le souffre-douleur. Jusqu’au jour où elles ont voulu m’exhiber dans le quartier déguisé en Bakla. Je me suis enfui chez l’un de mes oncles pour implorer son secours, et mes sœurs ont essuyé l’engueulade de leur vie. »
C’est le quartier Pigalle, le périmètre étroit du jazz et des magasins de musique, vendeurs d’instruments et vieux disquaires qui disparaissent un à un. Aurait-elle disparu elle aussi, emportée par cette connerie de hip-hop et le piratage, son ennemi de toujours ? Miss Simone fait arrêter la voiture à l’angle des rues Pigalle et de Douai, remonte la vitre teintée. « Tu vois ce magasin avec les guitares en vitrine ? Vas-y. Ne demande rien. Regarde juste si mes albums y sont encore. Les vinyles dans les bacs et les CD dans les éventaires. Compte combien il y en a. »
Le chiffre lui a plu et c’est triomphante que Miss Simone se fait déposer cinquante mètres plus loin, rue Victor-Massé, chez Leroy Barnes, vieux restaurateur de ses amis. Ricardo entre en éclaireur pour vérifier l’état du sol. Pas de sciure en vue. Les gens sont devenus sages, ou propres, Leroy Barnes ne saurait dire. Il prend Miss Simone dans ses bras musclés — des biscotos hyperboliques — puis il la soulève dans les airs, un tour, deux tours… deux tours et demi, pas trois. Elle rit. Il la repose à terre sans une remarque pour les kilos pris.
« Ça fait un bail, ma belle. Tu m’as manqué.
— Toi aussi, soldat, tu m’as manqué. »
Si la sciure a disparu et avec elle Suzy, l’épouse blanche de Leroy, le patron a conservé son uniforme civil : le même éternel tee-shirt, hiver comme été, au blanc étincelant — jamais une tache, quelle que soit l’heure de la nuit. La légende du restaurant et du milieu jazzy dit qu’il n’en lave aucun. Il les jette au matin et, chaque soir, en prend un neuf dans le grand carton à l’enseigne d’un magasin de New York qui le réapprovisionne tous les deux mois : le même modèle, oui, et la même taille depuis quarante ans qu’il est en France car Leroy, ancien GI, n’a pas pris un gramme, pas un poil de graisse malgré les quantités de bière et d’alcool qu’il ingurgite chaque nuit.
« Eh ! toi, là ! ramène ton cul de négresse par ici ! J’ai soif ! »
Angie stoppe net sa course entre les tables, sa nuque se bloque, les verres vacillent sur son plateau. Elle se retourne vers le fond de la salle d’où vient la voix.
« C’est à moi que vous parlez ainsi ? »
Un rire de gorge, éraillé et brutal, lui répond.
« Tu vois un autre cul de négresse dans les parages ?
— Le vôtre, oui. »
Leroy quitte son tabouret de bar et vient s’interposer. Miss Simone a tort mais, bien sûr, c’est Angie qui prend. Elle ne bronche pas — c’est qu’il fait peur, le patron, dans ce tee-shirt blanc qui souligne sa musculature épaisse comme il fait ressortir l’acajou de sa peau.
Un homme qui sourit tout le temps n’a pas besoin de surjouer la colère : qu’il cesse seulement de sourire et sa colère surgira aux yeux de tous, d’autant plus violente, irrattrapable, que contenue.
« Comment oses-tu parler sur ce ton à Miz Simone ? »
Les yeux baissés sur les carreaux de ciment, Angie demande pardon.
« C’est rien. À mon tour de m’excuser. Je n’aurais pas dû te parler ainsi, ma mignonne. Car tu es sacrément mignonne, tu sais ? »
Angie relève les yeux. La dame — une chanteuse célèbre — porte un turban de jersey crème noué en cœur sur son front très haut. Il n’y a pas si longtemps, elle devait être belle encore.
Elle n’a pas faim, dit-elle, elle veut un Baileys sur glace. Titubante, elle arrive jusqu’au piano droit coincé entre bar et restaurant. Il est minuit, la plupart des dîneurs sont partis. Ricardo reste seul en fond de salle, un creux au ventre, les bras croisés sur la nappe à carreaux rouges et blancs d’une table désespérément vide. Leroy s’assied face à lui : « Et toi, tu as faim ? Oui, tu as faim. Ça te dirait de partager une côte de bœuf avec moi ? » Il passe la commande en cuisine puis fait signe à Angie de les rejoindre. La jeune femme étire ses bras au ciel et bâille en se renversant, voluptueuse, sur le dos de la chaise. Leroy pointe l’assiette de salade que la jeune femme a posée devant elle. « Une Ceasar’s ? Tu ne vas pas manger que ça ! » Angie écarte les bras comme si son corps avait triplé de volume, elle gonfle les joues et roule les yeux de façon si comique que Ricardo et le patron éclatent de rire.
Leroy : « Tu veux maigrir ? Maigrir d’où ? Des gencives ? »
Angie : « J’ai un cul énorme, Miz Simone a raison. »
Ricardo : « Alors, là, je peux témoigner : elle appelle tout le monde petit cul, gros cul, trou du cul, cul serré et j’en passe. Ça ne veut rien dire. »
Leroy : « Il est très bien, ton cul, ma belle, et je ne veux pas que tu tombes dans les pommes au milieu du service. Les soupeurs vont arriver d’une minute à l’autre, il faut que tu tiennes debout. »
Angie s’adresse à Ricardo : « Elle est vraiment méchante, ou c’est juste un air qu’elle se donne ? »
Ricardo voudrait-il répondre, le patron lui écrase l’avant-bras dans son poing : « Je la pratique depuis ses débuts à Paris, il y a… trente, trente-cinq ans. Elle n’est pas méchante : elle est violente. Pas pareil. »
Sur le piano nasillard et désaccordé, Nina Simone s’échine toujours à jouer Bach et Chopin entre deux improvisations. Çà et là, on distingue des mots africains décousus. La salle se remplit. Des gens qui sortent de concert, quelques spectateurs, surtout des musiciens. En découvrant au piano la cachetonneuse du jour, tous demeurent interdits, un sourire idiot aux lèvres.
Le seul à oser approcher est un grand jeune homme blond portant à l’épaule un étui de guitare. « Nina ? » À peine a-t-elle levé les yeux sur lui que ses doigts s’évanouissent sur le clavier : « Mickey ? » Le jeune homme hoche la tête : « Désolé, non. » D’une voix noyée de larmes, la pianiste souffle : « C’est comme moi. Je ne suis que le sosie de Nina Simone. » Puis elle reprend le nocturne de Chopin là où la question fâcheuse l’avait suspendu.
« Vous voyez le joli sac rose et or ? »
Leroy Barnes désigne le réticule en maille dorée et satin posé sur un coin de la nappe, contre l’assiette sans emploi de Nina.
« Là-dedans, mes enfants, ce n’est pas un bâton de rouge ou un flacon de parfum qu’elle transporte. C’est son gun, un revolver de femme élégant comme tout — un vrai bijou. Elle me l’a montré, une nuit qu’elle était cuitée, un petit Smith & Wesson, un calibre 38, je crois, ou un 32, j’ai oublié. Rien qui rigole, en tout cas. »
Angie ouvre de grands yeux ébahis. Leroy se moque d’elle : pas la peine de se donner des airs de dure, de porter des boots, des pantalons de cuir et un gilet de biker, si c’est pour que votre enfance vous dénonce à la moindre surprise.
« Et ce n’est pas une arme de dissuasion : Miz Simone ne menace pas, elle passe directement à l’acte. Elle a fait scandale voilà deux ans de ça. Elle a tiré sur un gamin français, le fils de ses voisins, et ne l’a pas loupé. »
Ricardo baisse les yeux, visage impassible, comme absorbé par le recensement des carreaux rouges et blancs de la nappe.
« Un gosse trop bruyant, qui faisait un concours de plongeons avec des copains autour de la piscine. On sait comment ça se passe, c’est à qui fera la plus grosse bombe, à qui réussira le saut périlleux arrière, à qui plongera le plus haut. Évidemment, ça rit, ça crie, ça s’excite, ça casse les oreilles si ça dure. De là à prendre un flingue… »
Leroy désigne une nouvelle fois le réticule avec un clin d’œil à Angie. Le sac est à portée de sa main. Angie secoue la tête — non, non, non, elle ne fouillera pas dedans.
Ricardo interrompt le jeu sèchement : « Je sais ce que ce sac contient, c’est moi qui l’ai rempli. Il n’y a aucun revolver. »
Quand Miss Simone s’est levée du piano, ses traits étaient lisses, reposés ; son corps même semblait détendu et avançait, léger, entre les tables. Comment avait-elle dessoûlé ? Par quelle magie pouvait-on évacuer cinq ou six litres de champagne, sans compter les cocktails corsés entre deux coupes ? Ricardo était pantois. Les clients la regardaient passer, intimidés. Un gamin au crâne rasé voulut applaudir, son aîné à dreadlocks l’en empêcha.
Elle souriait. « Maintenant, j’ai la dalle. Leroy, nourris ta pianiste ! Je veux du poulet frit, du maïs et des patates douces. Avec des tranches de bacon bien grillées. »
Ricardo s’est endormi sur la banquette rouge, un temps qu’il ne saurait mesurer. Lorsqu’il rouvre les yeux, il découvre Angie lovée dans les longs bras de Miss Simone, Angie qui embrasse Miss Simone à pleine bouche et, ma foi, Miss Simone se laisse faire. Jusqu’au moment où Angie veut lui prendre les seins dans ses mains. Là, Miss Simone sursaute et la repousse brutalement. « D’où viens-tu avec tes vingt ans et ton joli minois ?
— Huntsville, Alabama.
— Sais-tu, Angie de Huntsville, Alabama, United Snakes of America, sais-tu seulement, quand tu me méprises comme une vieille pas grand-chose, que cette liberté que tu as, dont tu jouis, c’est à des aînés comme moi que tu la dois ? »
Angie proteste : « Vous mépriser ? Çà non ! Je vous trouve superbandante, Nina. Superémouvante aussi. »
Leroy lève les yeux au plafond, commande à son barman une nouvelle bouteille de champagne en annonçant que c’est la dernière. Leroy est un homme à femmes que les aventures saphiques n’intéressent pas. Être exclu ne l’excite pas. Partager non plus. Une lesbienne est un pote, voilà. Un pote dont se méfier comme de tous les autres.
Alabama ! Le lieu du crime. Alabama, où tout a commencé… J’ai souvent chanté là-bas. La première fois que j’y suis allée, c’était en 1963, après les émeutes. À Birmingham, quatre fillettes noires avaient été fauchées par une bombe du Ku Klux Klan alors qu’elles se rendaient au catéchisme. Dans la ville voisine, un adolescent noir avait été tué par une dizaine de lycéens blancs. Ce jour-là, j’ai écrit en une heure ma première protest song, Mississippi Goddam.
On était quelques-uns à décider d’aller soutenir les gens sur place. Le premier concert, on l’a donné à Birmingham, où le plancher de la scène s’est effondré. Ces concerts étaient des moments étranges, comme suspendus, où se mêlaient l’excitation, la fierté et une trouille terrible. On nous promettait des bombes, on nous disait que tous les artistes participants seraient descendus.
Un jour, avec mes musiciens et mon ami Langston Hughes, on volait vers Montgomery dans un avion loué par mon mari. Le pilote avait amorcé sa descente, sorti le train d’atterrissage lorsque, d’un coup, il remit les pleins gaz et l’avion regagna le ciel à la verticale. Tous, nous nous sommes penchés par les hublots : la piste d’atterrissage de Montgomery était bloquée par des dizaines de bulldozers et de camions. Les autorités municipales avaient appris qu’un paquet de célébrités devait arriver dans la journée pour un grand concert en hommage aux premiers marcheurs des Droits civiques. Elles avaient donné ordre de bloquer l’aéroport — oubliant au passage que les aéroports sont sous contrôle fédéral. Mais, à ces Blancs-là du Sud profond, tout était permis depuis toujours.
On nous a déroutés sur l’aéroport de Jackson, Mississippi. Là, coup de chance, un pilote qui faisait avion taxi avec son monomoteur propose de nous emmener à Montgomery. Il avait un argument choc pour nous convaincre de monter dans son tas de tôle : l’engin était si petit qu’il pouvait le poser n’importe où.
Je m’assieds à l’avant, entre le pilote et Al, mon fidèle guitariste. Langston, deux autres musiciens et mon mari se serrent à l’arrière. L’avion bascule alors, nez en l’air, queue frappant le sol. On change les places pour répartir les poids. Cette tête brûlée de pilote nous rassure : « Tout ira bien », il lance l’avion sur le tarmac mais, au moment de décoller, le coucou se met à cahoter et à heurter le sol de la piste. « Well, les amis, je ne suis plus si sûr de moi maintenant. » À ma droite, je vois Al fermer les yeux et serrer son étui de guitare en ses poings. (Je crois bien que mon vieux nounours blanc était en train de prier.) Le pilote s’y reprend à trois fois avant que sa lessiveuse volante enfin ne décolle. Comme il l’a promis, il atterrit sur un bout de piste si court que personne n’a pensé à y mettre un bulldozer ou un camion. Il n’est même pas certain que les radars aient détecté notre approche tant nous volions bas, à hauteur d’immeuble ou presque.
La maigre consolation avec ces salauds de ségrégationnistes, c’est que ce sont aussi de fieffés abrutis : fiers de leur blocus, ils étaient tous partis se soûler la gueule en ville et l’aérogare déserte ne comptait pas un seul flic de garde. On l’a traversée comme dans un rêve absurde, un rêve à l’issue incertaine, amusés sans oser rire, inquiets jusqu’à ce que les deux voitures dans lesquelles nous nous engouffrions aient quitté le périmètre policier de l’aéroport.
Le concert avait lieu sur le terrain de football du lycée noir de Saint-Jude. Quarante mille personnes se pressaient sur la pelouse et dans les gradins. Dans la tente dressée pour les artistes, je retrouvais Johnny Mathis, Shelley Winters, le grand Leonard Bernstein et le splendide Harry Belafonte.
Tout était offert par des donateurs et des bénévoles, la nourriture, les boissons, les éclairages… Le concert commence, ouvert par Belafonte. Lui, si agile et délié dans ses mouvements, voici qu’il se prend plusieurs fois les pieds au tapis de scène. Intrigué, il soulève un coin du tapis et découvre que le plancher repose sur des douzaines de cercueils vides prêtés par les pompes funèbres noires de la ville. Des cercueils tout prêts pour nous. Natif de la ville, le batteur de Belafonte a grimacé : « Bienvenue à Montgomery, les amis. »
On prenait les menaces au sérieux. Ces fanatiques d’Alabama ne faisaient pas semblant. Et c’était chaque fois troublant, vertigineux d’entrer en scène en se disant que, la nuit d’avant, un plouc rougeaud et défoncé à la bière avait juré devant ses copains que ce serait ton dernier concert. « Son ultime concert à cette salope de négresse communiste, ouais les gars ! » On sursautait au moindre craquement, on croyait voir des lunettes de fusil et des canons de carabine dans tous les miroitements de la foule.
Le soir, on nous a groupés dans la même chambre d’hôtel, avec mes musiciens, mon ami Hughes et mon mari. Nos matelas posés à même le sol. On nous avait demandé de ne pas approcher des fenêtres. Au milieu de la nuit, j’ai quand même jeté un œil en entrouvrant les rideaux : sur les toits tout autour étaient postés des marshals en armes — des policiers blancs pour nous garder… ou, plus vraisemblablement, nous dissuader de revenir.
J’ai tant donné pour le Mouvement, je me suis mise en danger et j’y ai laissé ma carrière. Pendant quinze ans, plus aucune maison de disques ne voulait me signer. J’étais indésirable. Surveillée par la CIA, surveillée par le FBI. Et à l’arrivée, quoi ? Mes rares amis sont morts ou en exil. Carmichael et Malcolm X m’avaient demandé d’écrire l’hymne du Mouvement, qui deviendrait le second hymne national. Eh bien ! leurs successeurs ont refusé ma chanson. Ils préfèrent les poufiasses disco et les rappeurs débiles. Ils se sont essuyés les pieds sur moi. J’emmerde la cause noire.
Poings sur la table, elle se dresse, harangue les derniers clients essaimés : « Oui, vous m’avez entendue : la cause noire, je l’emmerde ! »
Elle attire Angie contre elle : « On va danser au Katmandou ? [Se tournant vers Ricardo :] Une boîte de filles. Ta chasteté sera sauve. Les hommes y sont interdits, c’est la règle, mais avec moi tu entreras. »
Angie, moqueuse : « Nina, le Kat a fermé voilà huit ans déjà. Mais on peut aller au Moon, à deux pas d’ici. Je finis mon service dans une demi-heure. »
Nina, sèche, comme dégrisée d’un coup : « Non, ça ira comme ça. Je dois rentrer dormir. Me reposer. »
Les sorties de Miss Simone sont aussi fulgurantes que ses sautes d’humeur : à peine a-t-elle dit, elle est debout, tend un billet de cinq cents à Leroy qui le refuse, ils s’embrassent, elle est déjà sur le trottoir lorsqu’elle réalise qu’elle n’a pas dit au revoir à la drôle de serveuse.