XXI & XXII

Très brèves Vies Parallèles et simultanées
 de John Stuart Mill et Jeremy Bentham

D’après Peacock

Quand Coulson arriva à la Compagnie des Indes il demanda à Peacock : « Trouverai-je Mill sympathique ? Aimera-t-il ce que j’aime ? Détestera-t-il ce que je déteste ? » Et Peacock répondit : « Non. Il détestera tout ce que tu détestes ; et aussi tout ce que tu aimes. »

Après la mort de Bentham on disséqua son cadavre, conformément à ses volontés testamentaires. A la suite de cette opération, Mill vint trouver Peacock et lui dit que les chirurgiens avaient trouvé dans son cerveau une huile qu’il était pratiquement impossible de congeler. Ils suggéraient qu’on pourrait l’utiliser pour lubrifier les chronomètres à haute altitude. Peacock lui dit : « Mon cher Mill, moins vous parlerez de cette affaire, mieux cela vaudra pour vous ; car si le fait venait à être connu, de même qu’on tue un ours pour sa graisse, il ne faudrait pas longtemps attendre avant qu’on recommande de tuer un philosophe pour son huile. »

Actions.

Son intervention principale dans les affaires de la Compagnie fut double :

i – il recommanda l’emploi des navires à vapeur ;

ii – il proposa un itinéraire plus court pour le transport des marchandises venant de l’Inde par la voie des eaux (c’était avant l’ouverture du canal de Suez, bien sûr). Il fallait notamment passer par l’Euphrate. Il s’était appuyé pour l’établissement de sa « route des Indes » sur la lecture d’Hérodote.

Sa deuxième suggestion fut repoussée comme impraticable. La première aussi, comme impensable. Mais elle finit par faire son chemin et Peacock eut l’honneur, avant sa retraite, de superviser la construction des premiers steamers de la Compagnie. Il les baptisa ses « iron chickens » (« poulets de fer »).

 

Old age.

Il se mit à l’étude de l’espagnol, pour lire, de Calderon, La vie est un songe. On lui demanda pourquoi il n’étudiait pas l’allemand : la vie est bien trop courte, répondit-il, pour l’étude de cette langue : « life is too short to learn German ».

Sa dernière œuvre fut la traduction d’un poème, un poème latin (probablement de la Renaissance) connu par une inscription dans le marbre, à Bologne :

 

AELIA LAELIA CRISPIS

 

DM

(Aux dieux des morts)

 

Aelia Laelia Crispis

Ce fut son testament.