Avant-propos
La première année universitaire réserve quelques surprises aux jeunes bacheliers. Contrairement à ce que l’on imagine d’ordinaire en terminale, le rythme hebdomadaire des cours à l’université est très intense, non seulement parce que l’emploi du temps s’étale sur la totalité de la semaine mais aussi parce que la nature même des enseignements est en rupture avec les principes pédagogiques du lycée.
La démultiplication des disciplines littéraires à l’université peut dérouter. Appelé au lycée « français » ou, plus rarement, « lettres » (« littérature » en terminale littéraire), cet enseignement apparaît en L1 sous les couleurs variées des cours de « linguistique », d’« ancien français », de « littérature française du Moyen Âge », « du xvie siècle », « du xviie siècle », du « xviiie siècle », du « xixe siècle », du « xx-xxie siècle », de « littérature générale et comparée » ; s’y ajoutent les cours de langues anciennes et de langues vivantes.
Le rapport de l’étudiant à ses enseignants est nouveau lui aussi. Bien moins encadré et accompagné qu’au lycée, l’étudiant se trouve confronté à une exigence tacite d’autonomie : recherche d’informations auprès des secrétariats, méthodes de travail, lectures complémentaires, devoirs quotidiens, tout est laissé à son appréciation. Il n’est plus question de lui expliquer par ailleurs qu’il doit écouter, prendre des notes et travailler régulièrement, même si des tutorats ont été mis en place en première année dans la plupart des universités.
Le rythme de l’année universitaire peut enfin surprendre. Divisée en deux semestres (S1 de septembre à début janvier et S2 de fin janvier à la mi-mai), l’année universitaire propose aux étudiants une validation semestrialisée : ils passent des partiels pour le S1 en décembre et janvier, en mai pour le S2. En juin est proposée une seconde session d’examens pour les « unités d’enseignement » (UE) qui n’auraient pas été validées, ce qui laisse peu de temps pour des révisions. La concentration des contrôles pour toutes les disciplines en fin de semestre, même atténuée par le développement du contrôle continu, constitue un changement assez important de l’état d’esprit de la formation et implique que l’étudiant s’organise au mieux et sache planifier, dès avant le début de l’année universitaire, le rythme de son travail, qu’on appellera désormais étude.
Un changement radical d’univers et de méthode est ainsi constaté. Les enseignants eux-mêmes appartiennent à un autre continent, qui est celui de la recherche et des laboratoires, sur le modèle des sciences dures. Ils sont répartis globalement en deux grandes catégories ou grades : les maîtres de conférences (MCF) et les professeurs (PR). Ils ont un lien étroit avec la recherche en sciences humaines : outre leurs titres et diplômes (agrégation, doctorat), leurs écrits (thèse, ouvrages scientifiques, articles) les qualifient pour enseigner à l’Université ; à ces trois catégories s’ajoutent des professeurs agrégés détachés du secondaire (PRAG), des assistants moniteurs normaliens (AMN), des assistants temporaires d’études et de recherche (ATER), des doctorants allocataires et des vacataires recrutés par les enseignants titulaires pour leurs qualités propres et qui sont très souvent de jeunes chercheurs. De ce fait, leurs cours font écho, directement ou non, à leurs travaux et immergent leurs étudiants dans un ensemble de connaissances et d’informations spécialisées. Il convient de se préparer à ces cours d’une très grande densité et de les accompagner, tout au long du semestre, d’efforts particuliers sur le plan méthodologique dont nous tenterons de tracer les contours et les principes dans un chapitre terminal.
Ainsi à l’entrée à l’Université, mais aussi dans les classes préparatoires aux grandes écoles, on attend des étudiants en lettres un certain nombre de compétences en matière d’organisation du travail et de recherche documentaire, de méthodes et de contenus. Notre ambition est donc de leur présenter les connaissances (incluant un bref rappel d’histoire littéraire) nécessaires à l’analyse des textes littéraires dans la perspective d’une lecture plurielle. Elles seront régulièrement mises en œuvre dans diverses observations et analyses, dans trente-deux exercices (dont les corrigés sont donnés en annexe) et dans quatre études (réduites) portant sur des œuvres intégrales courtes, pouvant être (re)lues rapidement.
Ces connaissances et ces exemples, nous ne les concevons pas comme un savoir figé mais comme des outils pour l’appropriation de compétences de lecture. L’Université étant un lieu où le savoir est en formation, les étudiants vont rencontrer des débats, des controverses même concernant l’approche des textes. Il faut donc qu’ils aient les moyens d’effectuer eux-mêmes ces confrontations, de comprendre des lectures critiques différentes, de les mettre en perspective, d’en produire à leur tour : le chapitre transversal « Méthodologie » devrait les y aider.
Il ne nous reste plus qu’à leur souhaiter une bonne lecture, en les invitant à la prolonger, en toute autonomie, par celle des ouvrages cités. C’est le moyen de commencer à explorer l’immense continent de la littérature et du discours critique qui l’accompagne.
les auteurs
Nota bene. Les ouvrages indiqués dans le texte et les notes ne sont pas rappelés dans les compléments bibliographiques.