Joan Miró, Tête, 1974.
Peinture acrylique sur toile, 65,1 x 50 cm.
Fundació Joan Miró, Barcelone.
Soleil de proie prisonnier de ma tête
Enlève la colline, enlève la forêt.
Le ciel est plus beau que jamais.
Les libellules des raisins
Lui donnent des formes précises
Que je dissipe d’un geste.
Nuages du premier jour,
Nuages insensibles et que rien n’autorise,
Leurs graines brûlent
Dans les feux de paille de mes regards.
À la fin, pour se couvrir d’une aube
Il faudra que le ciel soit aussi pur que la nuit.[125]
Joan Miró aimait la Catalogne. Toute sa vie durant il peignit son ciel bleu aveuglant. Il est difficile de dire s’il y a dans l’héritage de Miró une seule toile sans soleil. Sous ce soleil vivent libellules, papillons, chiens et chats. Où qu’il ait pu travailler, dans son atelier parisien ou sur l’île de Majorque, il resta toujours dans sa peinture la couleur et la lumière de la Catalogne. Il n’y avait pas de secret effrayant. Sa peinture était claire, colorée et transparente.
« Je suis bouleversé quand je vois, dans un ciel immense, le croissant de la Lune ou le Soleil, disait Miró. Il y a, d’ailleurs, dans mes tableaux, de toutes petites formes dans de grands espaces vides, les horizons vides, les plaines vides, tout ce qui est dépouillé m’a toujours beaucoup impressionné. »[126]
Il n’arriva pas au surréalisme par hasard. Ce qu’il composa est un rêve. Parfois incompréhensible et angoissant, comme tous les rêves. Mais le plus souvent il était heureux, propre et naïf comme un enfant.
Joan Miró naquit le 20 avril 1893 à Barcelone. Il était le premier enfant de la famille de Miguel Miró Adzerias, orfèvre et horloger et de Dolorés Ferra, fille d’un ébéniste de Palma de Majorque. Dans sa famille où le bon travail bien fait était le mot d’ordre, ce travail était sur un pied d’égalité avec l’art. Il acquit ainsi des habitudes d’artisan et s’habitua à devoir rechercher la meilleure solution. « Je travaille comme un jardinier ou comme un vigneron, disait Miró. Les choses viennent lentement. Mon vocabulaire de formes, par exemple, je ne l’ai pas découvert d’un coup. Il s’est formé presque malgré moi. »[127] Ses visites fréquentes chez son grand-père à Majorque, cette ancienne terre gardienne de dolmens et de menhirs, l’aidèrent à rendre son langage artistique extrêmement simple. Toute sa vie il tira des leçons de ces artistes qui avaient laissé des représentations de chevaux et de bisons sur les murs des grottes des Pyrénées.
Miró ne fut pas un élève brillant à l’école, les choses sérieuses commençaient pour lui après les cours, pendant les leçons de dessins.
« Cette classe était pour moi comme une cérémonie religieuse, se souvint-il. Je lavais soigneusement mes mains avant de toucher le papier et les crayons. Les instruments de travail devenaient pour moi des objets sacrés et je travaillais comme si j’accomplissais un rite religieux. »[128]