MEYERSON

Une enveloppe grand format sur son bureau, pas d’adresse d’expéditeur. Il l’ouvre. Le visage d’une femme pâle endormie. C’est Nina Voelker. Un mot écrit au stylo au dos :

 

Bob,

Voici un portrait à accrocher au mur de votre bureau. C’est une photo récente de Nina Voelker, l’une de vos anciennes employées. Elle est toujours en vie, bien entendu – pas de meurtre –, donc je suppose que vous pourriez dire qu’elle est en congé.

Si cela vous inspire quoi que ce soit, n’hésitez pas à m’appeler.

Docteur Maude Garance

 

Il s’exclame à haute voix : « C’est bel et bien du harcèlement, je dois régler son compte à cette bonne femme ! »

Il lance par la porte ouverte : « Ciel, sortez-moi la fiche de cette cinglée de toubib, vous connaissez son nom. Mais avant ça, passez-moi s’il vous plaît Jim O’Land à l’Herald. Merci. »

La « fiche » informatique de Maude ne révèle aucune infraction en suspens. O’Land le rappelle dans la demi-heure.

« Bob, de quoi s’agit-il ?

– Jim, c’est votre cinglée de toubib qui commence à me taper sur le système. »

Cinglée ?

« Vous pouvez nous écrire une lettre, Bob, ouvrons le débat. Je vous offrirai une tribune.

– Officieusement, Jim. Je ne peux pas tout déballer en public. »

Je suis au service du peuple.

« Écoutez, Nina Voelker a de la famille à El Segundo. »

Des électeurs.

« Moi aussi, Bob. »

C’est faux, la famille de Jim n’habite pas à El Segundo, elle a quitté Chicago pour le Montana et vit dans un ranch près de Wolf Creek où Jim espère un jour prendre sa retraite.

« Eh bien, bonne journée.

– Désolé, Bob. »

Ils raccrochent.

« Ciel, passez-moi le commandant de West Hollywood. » Quelques instants plus tard il saisit le combiné.

« Ici Meyerson, bureau du procureur, qui est à l’appareil ?

– Sergent Thomas.

– Bonjour, Billy.

– Bonjour, monsieur Meyerson, que puis-je pour vous ?

– Êtes-vous l’officier de garde ?

– Oui, monsieur.

– Bien. Vous êtes très occupés ?

– En effet, monsieur.

– J’ai besoin d’un inspecteur pour quelques heures par semaine, rien d’important, est-ce que vous pouvez m’en libérer un ?

– Je pense pouvoir, monsieur, de quelle affaire s’agit-il ?

– Cet emmerdeur de Toyer.

– Je comprends.

– Qui est de service aujourd’hui, Billy ?

– Voyons voir, il y a Fred Smollet, McCarthy, hum, Perrino.

– Perrino. »

Le luxe de pouvoir choisir.

L’inspecteur I. Perrino, un homme pâle, bouffi, emprunté, capable, lent. Il porte des chaussures noires vernies qui ne terniront jamais, des chemises pâles à manches courtes qui ne sont jamais froissées, des pantalons à pli permanent qui laissent à peine entrevoir des caleçons à pois.

L’inspecteur I. Perrino attend avec impatience l’heure du déjeuner, et après, une petite sieste. Disposées devant lui sur son bureau, une boîte en carton renfermant des spaghettis à la viande et une grande bouteille de Dr Peppper éventé pour faire passer le tout.

« Oui, monsieur Meyerson. Je m’y mets sur-le-champ. »

Après le déjeuner.