O’LAND
« Qu’est-ce qui mérite d’être publié ? »
Tel est le sujet d’une conférence téléphonique organisée à la hâte entre O’Land et plusieurs éditeurs de New York. L’attitude récente d’O’Land a forcé le New York Times à y participer. C’est une question intéressante. Manfred Koch, le représentant du Times, qui respecte O’Land, demande :
« Si nous publions maintenant ces trucs sur Toyer, Jim, où nous arrêterons-nous, où allons-nous ?
– J’en sais rien, personne ne le sait, répond O’Land. Pourquoi ne pas publier ça au bas de votre rubrique nationale, en page 13 ou quelque chose comme ça ?
– Parce que les gens le liront. » Koch n’ajoute pas : Nos journaux sont différents. « Mauvais goût, Jim, il ne nous forcera pas à exaucer ses désirs. C’est malsain. Il ne s’agit pas de savoir si ses comptes-rendus méritent d’être publiés, mais de savoir s’ils constituent une information. À mon avis, non. »
La conférence s’achève.
Plus tard dans l’après-midi, William Speare, le rédacteur en chef du New York Times, convoque Manfred Koch dans son bureau au dernier étage. Speare a entendu de la bouche de Dunc Whiteside, son avocat, que si les articles de Toyer doivent rapporter de l’argent aux victimes et si le Times n’accepte pas de les publier, le journal risque d’être accusé de bloquer des indemnisations qui leur reviennent de droit.
Le vent souffle à New York et, curieusement, le sénateur Greenwald a également téléphoné à Speare.
« C’est une question sérieuse, Bill, et vous feriez bien d’en tenir compte. »
Speare parle à Koch des devoirs du journal.
« Foutaises, répond celui-ci.
– Bien sûr que ce sont des foutaises, Manny, concède Speare.
– Et d’un point de vue légal, ça ne tient pas.
– Peut-être. Mais n’en soyez pas trop sûr, rien n’arrête les avocats de nos jours.
– Et toutes les autres histoires que nous ne publions pas sans nous soucier que ça puisse nuire à quelqu’un ?
– Cette histoire-ci ne ressemble à aucune autre. »
En revenant sur la décision de Koch, ce que Speare dit, c’est que l’histoire de Toyer est sans précédent, si étrange que plus aucune règle ne s’applique, que c’est un piège énorme. Ils n’ont d’autre choix que de coopérer avec l’Herald et publier les futurs comptes-rendus de Toyer.
Koch sort en claquant la porte. Une heure plus tard, après avoir bu un rafraîchissement chez Daly’s Grill, il regagne son bureau en claquant la porte et commence à préparer l’édition du matin.
À Los Angeles, Jim O’Land, qui ignore toujours la décision de Speare, dicte son éditorial : « Toyer mérite-t-il qu’on écrive à son sujet ? »
Il n’y aura pas de surprise. Demain, les lecteurs donneront aussi sec leur réponse unanime : « Encore ! »
Évidemment qu’ils en veulent encore.