Chapitre 16

Jenny pensa qu’elle avait paru sûre d’elle-même quand elle avait demandé si elle devait se dévêtir, et elle restait debout silencieusement à présent, espérant donner l’impression que ce genre de choses étaient faciles pour elle. Toutefois, alors que Hugh tendait la main vers la ceinture de son peignoir, le dos de sa main effleura la pointe de son sein gauche, la faisant haleter.

Ses lèvres tressaillirent comme s’il allait sourire ; mais non. S’il avait exprimé la vérité en disant qu’il afficherait ses émotions franchement devant elle, sa seule intention, maintenant, était de la déshabiller.

Elle trembla encore, espérant qu’il ne comptait pas sur son aide. La ceinture disparut rapidement, et il écarta plus largement les pans de son peignoir, dévoilant les étroits rubans de sa chemise de nuit. Un petit coup délicat et les rubans se séparèrent. Le haut rassemblé de sa chemise s’ouvrit en grand.

Il reposa ses mains sur ses épaules, mais seulement pour repousser le tissu des deux vêtements, comme s’ils ne faisaient qu’un. Les entraînant doucement en bas de ses épaules et sur ses bras, il dénuda son torse et marqua une pause, caressant ses seins du regard et les faisant chaudement picoter, comme s’il les avait touchés. Puis il le fit avec les deux mains, et son peignoir abandonna sa chemise de nuit pour glisser au sol.

***

Elle était si douce et, quand elle haleta à nouveau, ses seins gonflèrent pour remplir ses paumes. Hugh voulait la déshabiller là où elle était et explorer chaque pouce soyeux d’elle avec ses mains et ses lèvres. Toutefois, étant lui-même torse nu et sentant le froid malgré le petit feu dansant dans l’âtre, il savait qu’elle le ressentirait bientôt aussi si elle ne gelait pas déjà.

Il avait faim d’elle, par contre, et il n’était pas encore prêt à l’emmener dans son lit. Il voulait se délecter d’abord un peu d’elle exactement à l’endroit où ils se tenaient et dévoiler à Jenny certains des délices qu’offrait son propre corps.

Brièvement et avec étonnamment peu d’émotion, sa mémoire lui servit une vision de sa première fois avec Ella. Comme elle avait été effrayée ! Si jeune, si éplorée. Il était jeune aussi, mais assez intelligent, même dans la jeunesse, pour savoir que progresser lentement était bien et se montrer doux était primordial.

Il aimait savourer ses expériences sexuelles. Mais en vérité, cela faisait longtemps qu’une de celles-ci avait signifié autre chose pour lui que l’assouvissement de ses besoins primaires.

Jenny n’était ni éplorée ni effrayée. Il ignorait à quoi elle pensait, mais il pressentait qu’elle était curieuse et réceptive à ses avances. Cette idée raidit son pénis plus intéressé que jamais jusqu’à ce qu’il se presse durement contre le laçage de ses braies et commence à palpiter douloureusement. Il espéra pouvoir patienter pour son plaisir et celui de Jenny.

Il caressa un mamelon du pouce, observant ses yeux et son visage toujours expressifs. Elle l’avait contemplé gravement pendant qu’il lui dénudait les seins et les examinait. Toutefois, dès le moment où il avait touché leur douceur et qu’elle avait haleté, elle n’avait plus eu qu’un regard aux yeux écarquillés et peut-être un peu méfiants. Sa respiration était rapide et superficielle.

La rapprochant délicatement de lui jusqu’à ce que ses seins s’appuient sur son torse, il lui caressa le dos et repoussa légèrement sa chemise plus bas jusqu’à ce qu’elle se coince contre le renflement de ses hanches. La laissant là, il déplaça une main sur une fesse et il la pressa en douceur, convaincu que la peau à cet endroit serait agréablement soyeuse comme partout ailleurs, même plus douce que la chemise de fine batiste qui lui dissimulait encore ses parties inférieures.

De sa main libre, il emprisonna son menton et le releva légèrement afin de pouvoir s’emparer de ses lèvres veloutées. Les goûtant légèrement, il pressa plus fort sur ses fesses en obligeant ses hanches à se coller sur lui pour qu’elle puisse sentir ce qui l’attendait là.

Quand elle gémit, il déplaça sa main de son menton pour prendre sa nuque, et il l’embrassa plus voracement, tétant et savourant ses lèvres, puis il les écarta facilement avec sa langue qu’il poussa à l’intérieur pour explorer sa bouche.

Il ne prêta pas attention aux mains de Jenny jusqu’à ce qu’elles se glissent au bas de son dos et que sa main droite plonge plus bas pour lui serrer la fesse gauche. Puis, gémissant, il se pressa durement contre elle, mou-rant à ce point d’envie pour elle qu’il ne pouvait pas réfléchir.

***

Émerveillée par les sensations qui la balayèrent quand il toucha ses seins et pressa ses fesses, Jenny avait fermé les yeux, posé les mains sur sa taille nue et ensuite audacieusement serré son postérieur.

Elle avait espéré le faire gémir un peu comme elle l’avait fait. Elle ne s’était pas attendue à une réaction si vive. Quelques secondes plus tard, quand il la souleva du sol et se dirigea vers le lit, son souffle se coinça dans sa gorge encore une fois.

L’allongeant, il ne perdit pas de temps à lui retirer le reste de ses vêtements. Tout comme il n’en perdit pas avec les siens ni ne requit son aide. Elle ne savait pas trop si ce qu’elle avait fait était une bonne ou une mauvaise chose, mais elle s’en foutait.

Elle était bien plus intéressée par les prochaines actions de Hugh.

Il s’accorda bien un moment pour replacer les couvertures avant de s’installer avec elle, mais il ne s’installa pas sur le dos ni ne la tint dans ses bras comme auparavant. Au lieu de cela, il s’appuya au-dessus d’elle sur un coude, s’empara encore une fois de sa bouche et lui caressa les seins de sa main libre en taquinant ses mamelons et en caressant plus bas jusqu’à ce que sa main se courbe à la fourche entre ses jambes. Se penchant alors plus près, comme s’il croyait devoir la retenir en place, il poussa un doigt en elle tout en la caressant, presque jusqu’à la libération.

Elle s’arqua fermement contre lui, haleta et cria. Quand elle put parler, elle dit d’une voix pantelante :

— Que… que faites-vous ?

Près de son oreille, il murmura d’un ton apaisant :

— Il ne me reste point beaucoup de maîtrise, Jenny, mon amour, et je voulais vous préparer pour moi. Toutefois, vous voilà maintenant chaude et prête, je pense. J’aimerais seulement vous étirer un peu.

À sa propre surprise, elle émit un petit rire de gorge grave.

— Doux Jésus, dit-elle. Je croyais que vous m’examiniez.

— C’est le cas, mais seulement parce que je veux examiner chaque pouce de vous. Vous êtes une belle femme, jeune fille. Vous toucher est comme caresser de la belle soie chaude.

Elle voulait lui dire tout ce qu’elle ressentait, mais elle ne trouvait pas les mots. Elle ne pouvait que laisser son corps lui révéler avec ses mouvements et ses gémissements tout le plaisir qu’elle prenait à ce qu’il lui faisait.

Quand il déplaça son poids, elle sut ce qui allait suivre et l’accueillit avec plaisir. Il l’avait excitée au point de lui faire ressentir une faim qu’elle n’avait jamais connue, une faim que seul le contentement pouvait assouvir. Quand il se poussa en elle, doucement au début et ensuite avec plus de force, lui faisant mal et provoquant une douleur qu’elle ne pourrait jamais oublier, croyait-elle, elle gémit plus bruyamment et se pressa davantage contre lui, espérant soulager cette douleur.

Il s’enfonça plus fermement et plus vite jusqu’à ce qu’enfin, épuisé, il s’affale sur elle en haletant et reste ainsi jusqu’à l’apaisement de sa respiration.

Après, il se souleva sur les coudes et lui sourit tristement.

— J’ai aimé cela, jeune fille. J’espère que je ne vous ai point trop fait mal.

— Nenni, dit-elle, décidant que c’était supportable et que si elle lui révélait que cela faisait mal, il pourrait ne plus vouloir recommencer. Elle endurerait chaque fois qu’il en aurait envie tant qu’il pouvait reproduire ses autres sensations bien plus merveilleuses provoquées en premier.

***

Hugh se réveilla dès qu’il entendit le son du loquet. Voyant Lucas, il posa un doigt sur ses lèvres et attendit que l’homme hoche la tête, laisse la torchère allumée qu’il tenait et sorte.

Puis, Hugh tenta doucement de réveiller Jenny, qui était affalée sur le ventre entre lui et le mur.

Elle ne broncha pas.

Pendant la nuit, elle lui avait enfoncé un genou dans les côtes, où il était certain d’avoir une ecchymose, mais elle ne s’était pas réveillée ensuite, même quand il avait replacé son genou dans une position plus sûre et l’avait blottie plus près de lui.

Ils avaient assurément besoin d’un plus grand lit.

Soulevant une mèche de sa chevelure, il lui chatouilla le nez avec les pointes. Son nez remua, mais elle ne se réveilla pas. Se réjouissant des grimaces qu’elle esquissait, il recommença.

— Arrêtez cela, marmonna-t-elle.

Il recommença et, enfin, elle ouvrit les yeux. Ils s’arrondirent et il sut qu’elle venait seulement de se rappeler où elle était et comment elle s’y était retrouvée.

— Bonjour, dit-il en se penchant pour lui embrasser le nez.

Elle se tourna sur le dos tout en s’étirant de la tête aux pieds comme une chatonne. Quand elle lui sourit, ses fossettes dansèrent, et il les embrassa aussi. Ensuite, il trouva sa bouche et, pendant un certain temps, il oublia qu’ils devaient s’embarquer sur un bateau.

Quand il eut assouvi sa faim d’elle, il se rappela le bateau et dit :

— Levez-vous, jeune fille, et vite. Vous m’avez incité à perdre trop de temps déjà. Hâtez-vous sinon le bateau partira sans nous.

— Mais ce n’est point moi qui…

— Oui, bien, vous êtes trop belle et vous me tentez trop cruellement. Maintenant, debout ! Je vais crier pour appeler Lucas et vous voudrez être habillée avant qu’il entre.

— Vous m’avez fait me sentir merveilleusement bien, dit-elle en s’étirant encore une fois langoureusement. Cela m’a à peine fait mal cette fois.

— Je pensais que vous aviez dit que cela n’avait point fait mal hier soir, dit-il en enfilant ses braies.

— Oui, bien, cela a fait mal, dit-elle. Mais point aujourd’hui.

Elle se leva ensuite et passa devant lui en se penchant pour prendre sa chemise sur le plancher. Alors qu’elle s’exécutait, il lui donna une claque sur ses fesses nues.

— Aïe ! s’exclama-t-elle en les frottant. Pourquoi ?

— Parce que vous m’avez menti, dit-il. Ne le refaites plus.

— Ai-je le droit de vous frapper si vous me mentez ?

— Certes, vous le pouvez, dit-il. Maintenant, habillez-vous.

Elle lui tira la langue et se hâta ensuite de bouger pour lui obéir.

Hugh secoua la tête vers elle, mais il ne put réprimer un sourire.

***

Le ciel portait encore sa couverture étoilée quand l’équipage de la galère rama du port d’Annan avec la marée montante vers Solway Firth. Là, ils embarquèrent leurs rames et déployèrent la voile. La galère avança à bonne vitesse en voguant avec la marée, qui se retirait de Firth vers la mer d’Irlande.

Jenny n’était jamais montée à bord d’un bateau d’une quelconque envergure ni n’avait navigué sur l’eau dans l’obscurité, et elle se délecta de l’expérience.

Elle adora le goût et l’odeur de l’air salin et le spectacle des goélands plongeant et tournoyant à la recherche de poissons dès le lever du jour.

Quand le soleil pointa au-dessus de l’horizon à l’est en dévoilant un ciel sans nuages, Hugh déclara qu’il vou-lait s’étirer les jambes et parler au capitaine pour savoir à quoi s’attendre lorsqu’ils atteindraient Kirkcudbright.

— Restez ici avec Lucas, jeune fille, dit-il. Je ne serai point long.

Le banc près de la poupe était dur, mais Jenny était contente d’être assise avec Lucas.

— Merci de t’être occupé de mon bagage ce matin, dit-elle.

— C’était rien, milady, dit-il.

— Bien, ce n’est point rien pour moi, dit-elle. Si tu n’avais point apporté ma cape avant notre départ, je doute que j’y aurais pensé avant que nous soyons dans l’avant-cour.

Il lui lança un regard brillant sous ses sourcils.

— Y s’trouve qu’vous aviez aut’ chose en tête, maîtresse. Le laird est parfois difficile à gérer.

Elle gloussa, se souvenant de la claque sur son postérieur et se demandant si Lucas avait pu se trouver derrière la porte à ce moment-là. Elle avait certainement poussé un petit cri perçant.

— Tu es avec le laird depuis longtemps, je pense.

— Oui, près de huit ans.

— Seulement huit ? J’imaginais que tu devais être avec lui depuis qu’il était enfant.

— Non, alors, point si longtemps.

— Où l’as-tu rencontré ?

Il jeta un coup d’œil vers la mer. Puis, se léchant les lèvres, il la regarda et dit :

— J’en parle point beaucoup, mais comme z’êtes d’la famille maintenant, j’pense qu’y vous l’dira lui-même, quoique j’doute point qu’y raconte sa version et oublie les meilleurs bouts.

— Morbleu, veux-tu dire qu’il pourrait me mentir ? demanda-t-elle avec espoir en se rappelant encore la claque et la promesse qui avait suivi.

— Nenni, alors, point mentir pour ainsi dire, dit Lucas. Y va simplement faire l’ménage, comme on pourrait dire.

— Raconte-moi ta version, alors.

— Oui, ben, on s’est rencontrés dans l’Yorkshire, dans la ville d’York, c’était.

— Mais le Yorkshire est en Angleterre. Que faisiez-vous là-bas, tous les deux ?

— Moi ? J’y suis né. C’est le laird qu’était en visite, comme on pourrait dire.

Avec envie, elle lui dit :

— Je pense qu’il a voyagé dans de nombreux endroits, n’est-ce pas ?

— Certes, on l’a fait tous les deux, dit Lucas. Même en France une fois.

— Servait-il Archie le Terrible, alors ?

— Y s’trouve qu’on pourrait dire que oui, d’une façon.

— Morbleu, espionnait-il les Anglais et les Français ?

— Nan alors, si vous voulez dire qu’y écoutait aux portes et des trucs semblables, dit Lucas avec un regard rapide dans la direction qu’avait prise Hugh.

Se détendant à nouveau, il ajouta :

— Ys’contentait d’parler aux gens à propos d’tout et de rien.

— Comme on pourrait dire, dit Jenny avec un grand sourire.

L’éclat réapparut dans ses yeux.

— Oui, et ce qu’y a appris dans c’te ville d’York, parmi d’aut’ choses, c’tait qu’y avaient l’intention d’me pendre.

— Qui ?

— Voyez-vous, c’tait le magistrat d’York, surtout.

— Alors, qu’a fait sir Hugh ?

— Y avaient construit des galères sur Whip-ma-Whop-ma, le nom qu’y donnent à la rue avec des piloris et aut’. Et y chantait pour une foule rassemblée là, jouant les troubadours comme y a fait avec vous. Y m’amenaient jusqu’à la corde quand y s’est avancé lentement avec son luth et qu’y a dit qu’y voulait bien r’garder un tel gibier d’potence.

Elle gloussa.

— Je peux l’imaginer. Sans doute, il a utilisé la voix de quelqu’un d’autre.

— Certes, oui. Ensuite, alors qu’la foule s’moquait de quequ’ jongleurs maladroits sur leurs planches près des piloris, y a donné un coup d’poing à l’un d’mes gardiens et a fait vibrer la cervelle de l’autre avec le gourdin du premier sans même égratigner son luth. La première chose que j’me suis aperçu, c’est qu’y coupait mes liens avec un minuscule poignard v’nant d’sa botte et qu’on courait à travers des boyaux dont j’ignorais l’existence, même si j’avais grandi là-bas. Avant que j’aie pu r’prendre mon souffle, on était à cheval derrière l’mur le plus loin de Whip-ma-Whop-ma et on chevauchait vers la côte.

Fascinée, elle lui dit :

— Que sont les boyaux ?

— Des ruelles, dit-il. Voyez-vous, les rues à York s’appellent des entrées et elles peuvent être étroites et bondées, alors les gens du coin connaissent leurs prop’ chemins entre elles qu’les visiteurs connaissent point. On ouvre une minuscule porte et une ruelle s’faufile entre les murs des jardins ou des bâtiments jusqu’à la prochaine rue d’entrée. Ceux qui m’cherchaient savaient point où qu’on était passés. Y ont fait passer l’mot aux portes d’la ville, qu’y appellent portails, mais on avait changé d’apparence et on est sortis avec une flopée d’bergers qui m’naient leurs moutons à des bouchers d’Shambles

— Shambles ?

— Oui, l’avenue des bouchers, comme on pourrait dire, là où y abattent les vaches et aut’ bétail.

Jenny soupira encore. Croisant les bras sur sa poitrine et s’appuyant contre le plat-bord, elle lui dit :

— Les hommes sont toujours ceux qui font les meilleurs types de voyage et vivent les aventures les plus excitantes.

— Morbleu, maîtresse, z’auriez pu prendre ma place dans c’t’aventure et bien plus qu’vous l’auriez demandé ! J’connaissais point le laird à c’t’époque, mais j’savais que je lui d’vais la vie.

— Pourquoi allaient-ils te pendre, Lucas ? Et pourquoi t’a-t-il sauvé ?

— La pendaison c’tait pour un minuscule mouton, comme on…

Surprenant son regard, il se fendit d’un sourire et continua.

— Le sauvetage, c’tait parce qu’y croyait que j’pouvais savoir quequ’chose d’utile pour lui ou sir Archibald Douglas.

— Était-ce le cas ?

— Plus ou moins, j’peux point dire parce que j’s’avais point. Y m’a posé toutes sortes de questions, par contre, et j’le sers depuis ce jour. Y m’a entraîné dans quequ’ jolis pétrins, j’peux vous l’dire, mais jusqu’ici, béni soit-il, y m’en a toujours tiré aussi.

— Et quand je pense qu’il avait l’air si sévère et droit lorsque je l’ai vu la première fois.

— Oui, certes, c’est bien le laird. Y pourrait faire baisser les yeux du diable au sein même de l’enfer sans effort, comme on pou…

S’interrompant, il ajouta avec un petit rire :

— vous f’rez l’affaire, maîtresse, vous f’rez l’affaire. J’crois qu’vous serez parfaite pour lui.

***

Hugh, marchant vers eux, vit Jenny le regarder de travers et se demanda comment il avait pu l’agacer. Quand il le lui demanda, elle se contenta de secouer la tête, mais Lucas souriait.

Il décocha un regard astucieux à son homme.

— Lui racontais-tu des histoires, Lucas ?

— Voyons, m’sieur, elle m’a demandé comment on s’tait rencontrés. J’pouvais point lui dire qu’nous l’avions jamais fait, non ?

— Ne l’écoutez point, jeune fille. Il possède une vive imagination, ce Lucas.

Elle lui lança un regard direct et dit :

— Voulez-vous dire que je ne devrais point croire ce qu’il dit, monsieur ? Lucas n’est-il point digne de confiance ?

— Je n’ai point dit cela, dit Hugh. Pourquoi semblez-vous déçue ?

Son sourire était un mélange taquin de mystère et d’espièglerie qui lui donna envie de la soulever et l’emmener droit au lit. Alors que l’idée lui traversait l’esprit, il se rappela leur échange dans sa chambre à coucher quand il lui avait donné la permission de le frapper si jamais il lui mentait.

Il lui rendit son geste, puis il se contenta de dire :

— Si vous vous endormez, jeune fille, dites-le-moi. Le capitaine a dit qu’il a des couvertures et des oreillers si vous en voulez.

— Nenni, je ne veux rien rater de tout ceci, dit-elle en embrassant Firth et son rivage menaçant d’un grand geste. Je suis heureuse que la journée soit dégagée. Est-ce là un château au loin devant nous ?

— Oui, Caerlaverock, ou ce qui en reste. Il appartient aux Maxwell et ils l’ont eux-mêmes endommagé pour empêcher les Anglais de l’occuper à nouveau. Lord Maxwell veut le reconstruire, mais il recevra peu d’aide tant que les Anglais occupent Lochmaben.

Elle posa d’autres questions, prenant à l’évidence plaisir au voyage. Elle ne parut pas le moins du monde incommodée quand il lui servit un maigre dîner composé de petits pains, de bœuf, de pommes et de bière provenant d’un panier que Lucas avait ordonné que l’on prépare avant leur départ d’Annan House.

Quand les rameurs les ramenèrent finalement dans la baie de Kirkcudbright à marée changeante, elle eut l’air fascinée par tout ce qu’elle vit, contemplant les hautes falaises à l’ouest et à l’est et écoutant attentivement tout ce qu’il pouvait lui apprendre sur l’endroit.

Quand leur bateau lâcha l’ancre dans ce qui semblait être le milieu de la baie, le capitaine revint vers Hugh en disant :

— La marée a changé, monsieur. Nous patienterons donc ici une heure environ jusqu’à ce que l’eau soit suffisamment haute pour nous permettre de passer au-dessus du banc de sable à l’ouest de l’île St. Mary’s dans le chenal fluvial. Au-delà de ce banc, un vaisseau de la même envergure que le nôtre a un tirant d’eau assez peu profond pour remonter à contre-courant pendant des miles.

— Vous accosterez à Kirkcudbright, non ?

— Oui, nous allons l’échouer sur le sable. Ils ont une belle plage pour notre bateau.

Quand il les quitta, Hugh expliqua à Jenny que l’île St. Mary’s était la péninsule étroite et fortement boisée s’étirant dans la baie juste devant eux.

— On dirait qu’elle est assise sur une mer de sable et de boue, dit-elle.

— Oui, les marées la laissent ainsi quand elles baissent, mais la marée haute l’entourera d’eau sous peu. L’eau montera pour couvrir la majorité de ses falaises là-bas aussi, dit-il.

— Où se trouve la ville ?

— Devant, à environ quatre miles, dit-il. Vous verrez d’abord la tour de l’église et d’autres tours à sa gauche. Celles qui appartiennent au château Mains, où j’espère dénicher Archie.

— Je pensais que nous le trouverions à Threave.

— Nous le pourrions toujours, mais si nous sommes chanceux, nous le verrons ici. Le château Mains est le siège des lords de Galloway depuis un ou deux siècles et c’est là qu’Archie réside lorsqu’il est dans la région. Threave est à huit ou dix miles d’ici, en amont de la rivière Dee. Nous allons emprunter des chevaux au château Mains si nous devons continuer.

— Je veux aller à Threave, monsieur, dit Jenny. Je veux savoir ce qui s’y passera.

— Nous verrons, dit-il.

Cependant, il espérait respecter sa parole de prévenir Archie et reprendre sa route. Ils récolteraient sous peu les premières moissons à Thornhill et bien que son intendant soit compétent, Hugh désirait montrer son foyer à Jenny.

***

Jenny était irritée de savoir Threave encore à une distance considérable et qu’ils pouvaient trouver Douglas à Kirkcudbright. Non seulement voulait-elle voir le château qu’Archie le Terrible avait construit comme symbole de la puissance des Douglas, elle souhaitait également voir Gilly, Gawkus, Peg, Cath et les autres.

Elle ressentait moins d’impatience à revoir Pasquin, car il apprendrait sans aucun doute qu’elle l’avait trompé plus qu’il le savait. Toutefois, ayant survécu à la confrontation à Annan House, qu’elle avait davantage crainte, elle ressentait moins d’angoisse à révéler la vérité sur elle-même à Pasquin. Et elle voulait vraiment le remercier encore une fois de l’avoir acceptée dans sa compagnie quand il pensait qu’elle était simplement une parente de Peg.

Elle espérait observer les rameurs entraîner leur galère jusque sur le sable comme le capitaine l’avait dit, mais ils arrivèrent d’abord au château Mains. Situé sur un promontoire qui formait une protubérance dans la rivière juste devant eux, il protégeait manifestement le port intérieur, la ville de Kirkcudbright et la portion navigable de la rivière au-delà.

L’imposante forteresse se tenait juste au bord de la rivière, de sorte que ses murs de pierre, menaçants et munis de remparts, s’élevaient très haut au-dessus de la galère. Ce ne fut que lorsqu’ils contournèrent le promontoire que Jenny vit la haute guérite, flanquée par deux tours renforcées.

Quand la galère, les rames relevées, accosta avec soin au bord d’un long quai qui menait à la grille, Hugh l’aida à débarquer. Ensuite, il assista Lucas avec leurs bagages pendant qu’elle regardait un groupe d’hommes armés avancer à grands pas vers eux depuis les grilles.

Hugh posa une main sur son épaule quelques instants plus tard, la faisant sursauter, mais son contact avait le même effet chaque fois, sensuel et revigorant, comme s’il la remplissait de l’intérieur, lui donnant force et assurance.

Son bras gauche glissa autour de ses épaules tandis qu’il tendait le droit au chef des hommes s’approchant.

— Belle rencontre, Tam Inglis ! dit-il. Je crois que vous nous laisserez entrer.

— Certes, oui, mon seigneur et nous sommes contents d’vous voir.

Il jeta un regard curieux à Jenny avant de scruter Lucas.

— N’est-ce point là ce fou de Lucas Horne ?

— Celui-là même, dit Hugh avec un grand sourire. Et voici ma femme, Tam.

— Lady Thornhill, c’est un plaisir d’vous recevoir au château Mains.

— Merci, dit-elle avec un sourire. Mais en fait, je suis lady Easdale.

— Oui, certes, maîtresse, dit l’homme avec un regard incertain à Hugh, dont le bras s’était raidi là où il était allongé sur ses épaules. J’sais très bien que Sa Seigneurie s’ra désolée d’ne point avoir été ici pour vous accueillir personnellement.

Souriant encore, mais bien consciente de la réaction de Hugh, Jenny dit à Tam.

— Je pense que Sa Seigneurie doit déjà être à Threave.

— Nenni, Sa Seigneurie rencontrait quelques visiteurs au château Morton pour une journée d’chasse. Cependant, y a l’intention d’revenir mercredi pour accueillir les gens qui viennent par la mer. Vot’ capitaine de galère pourrait vouloir faire r’monter son bateau à contre-courant, mon seigneur, car le laird veut organiser un tournoi dans l’eau avec des joutes entre galères. J’compte voir cela, j’peux vous le dire. Mais entrez, maintenant. Mes gars aideront ce fou d’Lucas à ranger vot’ matériel

— Sois prudent avec ta grande langue, espèce de bête aux yeux fixes, dit Lucas avec un grognement. Si t’es responsable d’ces bons garçons ici, y s’trouve qu’tu devrais leur donner un meilleur exemple.

Tam Inglis rigola, assena une claque dans le dos de Lucas et serra encore une fois la main de Hugh. Ensuite, distribuant des ordres rapides à ses hommes, il escorta Hugh et Jenny jusqu’au portail.

— Vous prendrez vos appartements habituels, m’sieur. J’doute point que l’intendant comptait les attribuer autrement, mais y saura très bien que Sa Seigneurie a décrété qu’y sont à vous chaque fois qu’vous avez envie d’les utiliser. Vous jouirez d’une fenêtre, maîtresse, avec vue sur la rivière jusqu’à Borgue avec sa magnifique forêt et l’estuaire plus loin. Morbleu, c’t’une belle journée, j’pense qu’vous pourriez voir jusqu’à la mer d’Irlande de là-haut.

À l’intérieur du mur, ils traversèrent une cour en gravier jusqu’à un imposant donjon rond s’élevant sur au moins cinq étages de la cour jusqu’à ses remparts crénelés.

Jenny regarda autour d’elle avec admiration. L’endroit grouillait d’hommes d’armes, mais elle et Hugh parcoururent rapidement la cour dans le sillage du capitaine et entrèrent dans le donjon en empruntant un escalier de bois qui menait à son entrée du deuxième étage.

À l’intérieur, ils passèrent devant un escalier en colimaçon dans l’épaisseur du mur, puis montèrent une unique marche de pierre pour pénétrer dans la grande salle.

— Lady Archibald est-elle ici ? demanda Hugh.

— Nenni, m’sieur, elle rend visite à des parents, mais Sa Seigneurie a l’intention d’la ramener avec lui, et j’pense qu’elle sera très contente d’vous voir marié.

Tam les laissa entre les mains de l’intendant d’Archie, qui les informa qu’ils serviraient le souper dans une heure, puis il les accompagna directement à leurs appartements.

— Ce château est aussi vaste que Lochmaben, dit Jenny quand ils furent seuls et qu’elle découvrit qu’ils profitaient d’un minuscule boudoir et d’une large chambre à coucher.

— Et le lit est de taille adéquate, dit Hugh.

Sachant qu’elle rougissait, elle répondit vivement :

— Mais Lucas arrive, et d’autres aussi, avec nos bagages.

— C’est peut-être pour cela que nous avons deux pièces, lady Easdale.

Ses rougeurs oubliées, elle le contempla avec méfiance.

— Je suis toujours Easdale d’Easdale, monsieur. Notre mariage n’a point modifié cela. Êtes-vous contrarié ?

— J’aurais simplement souhaité que nous en discutions d’abord ensemble, dit-il. Vous êtes Janet Douglas, maintenant, après tout, mais c’est ma propre faute si nous n’avons point parlé de votre titre.

Secouant la tête dans sa direction, mais ayant l’impression qu’elle aurait dû soulever le sujet après que Sadie se fut interrogée sur la façon de l’appeler — et tout aussi consciente qu’elle ne voulait pas se disputer avec lui —, elle se rendit à la grande et étroite fenêtre et regarda dehors.

Presque toute la neige avait fondu et la terre de l’autre côté de la rivière était verte et grandement boisée. Il y avait des collines ondulantes au loin et elle pouvait en voir d’autres, plus hautes, enneigées au nord. Au sud, elle pouvait effectivement voir l’estuaire.

— Pensez-vous que nous puissions réellement apercevoir la mer d’Irlande d’ici ? demanda-t-elle.

— Nenni, dit-il directement dans son dos.

Il posa légèrement une main sur son épaule et la retourna face à lui, son contact ayant son effet habituel.

— Embrassez-moi, jeune fille, dit-il à voix basse en baissant sa bouche vers la sienne.

Hésitant avant que ses lèvres ne touchent les siennes, il ajouta :

— Je vais devoir m’accoutumer au fait que votre rang est égal au mien, mais cela pourrait prendre du temps.

Sans attendre sa réponse, il l’embrassa et elle réagit instantanément.

Lucas les interrompit avec les bagages avant que les choses n’aillent trop loin et Hugh le maudit, mais son homme se contenta de sourire largement et dit qu’il presserait les autres garçons.

Dès qu’ils partirent, Hugh verrouilla la porte et emmena Jenny au lit.

Ils se présentèrent à l’avance pour souper et trouvèrent d’autres invités attendant également le retour d’Archie. Cependant, aucun ne leur donna envie de s’attarder et il y avait la pleine lune.

Les deux jours suivants s’écoulèrent trop rapidement au goût de Jenny ou de Hugh, car ils purent les passer ensemble. Hugh parla beaucoup de Thornhill et Jenny sut qu’il se mourait de rentrer chez lui. Elle ne dit rien sur Easdale, se demandant quand il lui viendrait à l’esprit qu’ils n’avaient pas négocié entre eux les clauses de leur mariage.

Archie arriva tel que promis tard jeudi après-midi avec sa lady et un groupe d’hommes d’armes, ayant prié ses invités de chasse de continuer jusqu’à Threave.

Il envoya vite un message à Hugh, l’informant que Jenny et lui devaient prendre leur souper à la table d’honneur. Avant l’heure du repas, cependant, d’autres invités affluèrent, y compris lord Dunwythie, sa femme Phaeline, ses deux filles et Reid Douglas.