Annan House
Quand sir Hugh apprit à la table d’honneur ce matin-là que la servante qui s’occupait de la jeune baronne Easdale avait également disparu, il dit sèchement :
— Vos gens font-ils une habitude de s’enfuir d’Annan House, mon seigneur ?
— Ne soyez point contrarié, mon garçon, lui dit Dunwythie. Madame mon épouse a envoyé chercher sa propre femme de chambre. C’est une amie de Peg et elle saura vraisemblablement où elle est partie.
— Je pense que Peg doit se trouver avec sa maîtresse, dit Hugh en faisant un signe de tête au serviteur afin qu’il remplisse sa tasse avec la cruche de bière que le garçon tenait.
— Vous faites erreur si vous croyez que Peg est la femme de chambre de Janet, lui dit Phaeline. C’est la nôtre et elle est sous mes ordres… ou ceux du seigneur mon mari, ajouta-t-elle en lançant un regard faussement timide à Dunwythie, qui ne fit que susciter chez Hugh le désir que son époux la frappe occasionnellement.
Réprimant cette pensée, il dit doucement :
— Cela serait loin d’être inhabituel si la loyauté de Peg s’était tournée vers la jeune dame qu’elle sert.
— Je serais très mécontente si tel était le cas, dit Phaeline.
Fronçant les sourcils, elle ajouta :
— Vous me contenteriez davantage, mon frère, si vous aviez pris la peine de vous habiller correctement avant de nous rejoindre à cette table. Vous présenter en habit d’équitation…
— Ne le réprimandez point, mon amour, intervint Dunwythie. Je l’ai persuadé de partir à la recherche de la jene fille. Il s’en ira dès que nous découvrirons quelle direction il devrait emprunter.
Fiona leur dit :
— Je pense…
— Silence, Fiona, dit Phaeline.
Hugh vit Mairi toucher la main de Fiona en guise d’avertissement clair tandis que Phaeline poursuivait.
— Par pitié… Il doit être évident pour le plus simple des esprits que l’on doit partir au nord pour aller où que ce soit en quittant Annan House, sauf pour se rendre à la mer. Je suppose que Jenny a eu le mal du pays et qu’elle tente sottement de rentrer à Easdale. C’est bien au nord d’ici, non ?
— Certes, ce l’est, dit Dunwythie en lui tapotant la main. Toutefois, elle ne le sait peut-être point avec autant de précision que vous, mon amour. Elle a pu penser qu’elle pouvait plus aisément échapper à une poursuite en traversant immédiatement la rivière.
— De telles hypothèses sont inutiles sans des faits sur lesquels les appuyer, dit Hugh en se servant un peu de bœuf saignant. Il est vrai qu’elle aura probablement pris la direction du nord, mais la jeune fille — d’ailleurs, les deux — peut être allée n’importe où et doit se trouver à quelque distance d’ici à l’heure qu’il est. Nous serions avisés d’en apprendre autant que possible avant que je me lance à leur recherche. Après tout, je ne peux emprunter qu’un seul chemin à la fois.
Phaeline dit avec un calme tranchant :
— Je ne vois toujours point pourquoi sa disparition devrait vous intéresser, monsieur. Notre frère est tout à fait capable de récupérer sa propre fiancée.
Prenant une michette de pain dans le panier, Hugh en mangea une bouchée avant de répondre. Il avait faim et il ne souhaitait pas du tout discuter de sa décision ou de celle de Dunwythie avec Phaeline. Pendant qu’il mâchait, il déposa le petit pain et appuya le couteau sur sa viande.
Dunwythie lui dit alors :
— Comme je vous l’ai dit, mon amour, j’ai demandé à Hugh de s’occuper de cette affaire. Voyez-vous, je ne veux point de scandale, et grâce à ses années au service d’Archie Douglas, il a plus d’expérience que Reid dans des situations délicates comme celle-ci.
— Mais c’est le problème de Reid et non celui de Hugh, dit Phaeline. Il devrait au moins accompagner Hugh, si Hugh doit retrouver Janet.
Hugh continua à manger, mais sa mâchoire se contracta à l’idée de devoir composer avec son frère dans une telle mission.
C’en était déjà assez que Dunwythie s’attendît à ce qu’il coure après la baronne et la traîne ici sans en plus avoir Reid dans les pattes.
Apparemment, Dunwythie était d’accord, car il dit du ton doux dont il semblait toujours user avec Phaeline :
— J’ai bien peur que vous ne découvriez que Reid n’est point en état de monter à cheval ce matin pour quelque raison que ce soit, mon amour. Il ne s’est jamais rendu dans son lit, mais il a dormi ici, dans la salle avec les hommes. J’ai demandé à deux d’entre eux de le transporter dans une chambre vide avant que je parte moi-même réveiller Hugh.
— Pourquoi ne leur avez-vous point dit de l’amener dans son propre lit ? demanda Phaeline.
— Parce que je ne pensais point que sa vue m’aiderait à persuader Hugh de s’occuper de cette affaire pour moi, dit Dunwythie avec plus de franchise que d’habitude.
Quand elle se hérissa devant son ton, il ajouta d’une manière apaisante :
— Nenni, mon amour, ne vous démenez point pour défendre Reid. Je vais admettre que c’est un jeune homme et qu’il a le droit de s’amuser à son banquet de fiançailles. Toutefois, croyez-moi, il ne vous remercierait point de le réveiller maintenant pour courir après Jenny. Songez seulement à sa réaction face à sa disparition, et demandez-vous si vous voulez qu’il file à toute allure dans un tel état pour la ramener.
— Ce serait bien fait pour elle, dans ce cas, dit Phaeline. Elle cherche à recevoir une correction.
— On ne peut sûrement point le blâmer s’il est furieux contre elle, dit Fiona. C’était mal de partir sans permission. Mais il n’a assurément point déjà le droit de…
— C’était en effet mal de sa part, Fiona, s’interposa Phaeline. Cependant, je vous en prie, ne nous interrompez plus. Vous êtes plus avisée que cela.
— Elle n’a exprimé que la vérité, mon amour, dit Dunwythie. Toutefois, jusqu’à ce que nous parlions à Jenny, on ne peut savoir ce qui l’a poussée à fuir. Vous devez admettre qu’un tel comportement ne lui ressemble point.
Après une pause, il ajouta :
— Hugh a suggéré que, peut-être, elle ne désire point épouser Reid.
Changeant de position juste assez pour voir comment Phaeline allait réagir à cette déclaration, Hugh constata que Mairi, assise entre Phaeline et Fiona, avait apparemment fait de même pour observer Dunwythie.
Tandis que leurs regards s’affrontaient, Phaeline dit d’un ton irrité :
— Ne gigotez point ainsi, Mairi. Si vous avez ter-miné de rompre votre jeûne, vous pouvez monter et vous occuper de vos tâches. Vous pouvez aussi être excusée, Fiona.
Fiona, se levant, eut l’air de vouloir protester, mais Mairi se tourna tandis qu’elle se relevait et elle poussa doucement sa sœur. Exécutant leurs petites révérences, elles quittèrent la salle.
Phaeline, encore irritable, lui dit :
— Comment en êtes-vous venu à penser que Janet ne souhaite point épouser Reid, Hugh ? Vous ne pouvez que l’approuver comme une association parfaite. Après tout, vous avez clairement indiqué, ces deux dernières années, que vous ne vous remarieriez plus. Donc, si Thornhill doit rester dans la famille, Reid doit lui-même produire un héritier dans ce but.
— Avez-vous demandé à Mairi et Fiona si lady Easdale leur a confié ses plans ? s’informa Hugh pour éviter une discussion sur sa position et ne voyant rien à gagner de faire remarquer que tout avantage de cette union entre Reid et Janet Easdale reviendrait nettement à Reid. Je pense qu’elle leur a peut-être parlé.
— Évidemment, je leur ai posé la question, dit Phaeline. Je n’ai point été étonnée, par contre, de découvrir que Janet ne leur a rien dit de son intention de partir. Elle ne semble point converser facilement avec quiconque et, par conséquent, elle a dû beaucoup apprendre depuis qu’elle nous est arrivée. Je suis certaine que son père voulait son bien, mais il n’était qu’un homme, après tout, et loin d’être équipé pour enseigner à une fille comment se débrouiller dans la vie.
Dunwythie dit :
— Je trouve Janet gentille et charmante, mais elle a en effet reçu une éducation inhabituelle. Néanmoins, c’est une jeune fille très compétente, alors je garantis qu’elle réussira à s’occuper d’elle-même jusqu’à ce que vous la retrouviez, Hugh.
Regardant vers la portion plus basse de la salle, Phaeline déclara :
— Qu’est-ce qui peut bien retenir cette fille ? Oh ! la voilà, ajouta-t-elle alors qu’une jeune femme dodue se hâtait dans la salle. Sadie, viens et dis-nous ce que tu connais des allées et venues de lady Easdale.
La servante se dépêcha d’avancer, repoussant en même temps des mèches sombres rebelles sous son bonnet. Sans monter sur l’estrade, elle exécuta une petite révérence en disant :
— J’sais rien de Sa Seigneurie, maîtresse. N’est-elle point dans la maison ?
Sentant l’impatience de Phaeline même à distance de deux sièges, Hugh regarda Dunwythie, mais Sa Seigneurie avait déjà posé une main apaisante sur celle de sa dame.
Il dit :
— Sadie, jeune fille, nous dépendons de toi pour nous aider. Peg ne semble point se trouver dans la maison ce matin. Sais-tu sinon où elle pourrait être ?
La couleur envahit les joues de Sadie et ses yeux s’arrondirent, mais elle resta muette.
Dunwythie lui dit :
— Allez, si tu sais quelque chose, tu dois nous le dire.
Se mordant la lèvre inférieure, Sadie jeta un coup d’œil à Phaeline.
— Il devient évident, Sadie, que tu ressens une certaine forme de loyauté mal placée envers Peg, dit Sa Seigneurie. Permets-moi de te rappeler…
— Mon amour, dit doucement Dunwythie, la matinée s’est révélée des plus fatigantes pour vous et j’aimerais que vous teniez compte du bien-être de notre minuscule fils. Je pense que nous devrions laisser Hugh parler à Sadie pendant que je vous amène vous allonger sur votre lit. Venez, à présent, et je vais vous accompagner moi-même à l’étage, ajouta-t-il en jetant un regard éloquent à Hugh.
À l’étonnement de Hugh, Phaeline ne souleva aucune objection à la décision de son mari, mais elle se leva immédiatement et se laissa guider hors de la salle.
Seul avec une Sadie nerveuse, Hugh dit :
— Je dois donner l’ordre que l’on selle mon cheval, jeune fille. Reste un peu pendant que je finis ce bon bœuf et, ensuite, tu pourras marcher avec moi jusqu’à l’écurie.
S’il lui vint à l’esprit qu’il pouvait facilement appeler pour qu’une personne transmette son ordre à l’écurie, Sadie n’en dit rien.
Elle se contenta de hocher la tête et elle attendit patiemment jusqu’à ce qu’il ait terminé son repas. Il s’exécuta sans hâte, comme d’habitude, et il tenta de décider la part de ce qu’il devait lui révéler. Quand il se leva enfin, il remarqua avec satisfaction qu’elle semblait moins craintive, bien que moins patiente également.
— Tu feras l’affaire, jeune fille, dit-il d’un air approbateur. Je me doute que nous allons bien nous entendre. Alors, pendant que nous discuterons, je veux que tu m’exposes tout ce que tu sais ou soupçonnes sur l’endroit où ton amie Peg pourrait être partie. Je jure que tu ne souffriras point de m’avoir parlé. Peu importe l’histoire qui en retourne, je vais m’assurer que tout se passe bien pour toi avec ton seigneur avant de quitter Annan House.
Elle leva brièvement les yeux sur lui quand il lui toucha l’épaule, la pressant vers l’escalier menant à la cour.
— Nous allons aller de ce côté, dit-il. Si mon homme vient à ma recherche, je veux m’assurer que quelqu’un lui dira où je me trouve.
Faisant signe à un serviteur de venir à lui, il lui donna son ordre, puis il se retourna vers Sadie.
— Bon, maintenant, raconte-moi tout ce que tu sais, dit-il en lui faisant signe de le précéder.
— Oui, m’sieur, dit-elle. J’peux point vous dire grand-chose, sauf que Peg pouvait point vouloir partir long-temps. Certes, elle a jamais rien dit à propos d’passer la nuit dehors.
— Toutefois, elle se rendait bien quelque part, je pense.
— Oui, parce que son frère Bryan était l’un des jongleurs dans la compagnie des ménestrels qu’y ont donné un spectacle ici hier soir. Peg a été occupée tout’ la journée et a point eu le temps de parler avec lui, a-t-elle dit. Alors, elle voulait marcher un peu avec eux après leur départ.
— J’imagine qu’elle n’a point vu de motif de demander la permission pour cette promenade, dit Hugh en baissant le regard sur elle tandis qu’elle s’arrêtait pour le laisser passer devant elle dans la cour.
La couleur l’envahit encore en entendant ses mots, lui indiquant que sa nervosité persistait.
— Alors ? dit-il quand elle ne répondit rien.
— Elle avait point l’intention d’mander la permission d’partir, dit Sadie. C’est pourquoi je ne pense point qu’elle voulait être ailleurs pour la nuit. Elle perdrait sa place si elle faisait cela exprès.
— Je ne peux point parler au nom de votre seigneur quant à ce qu’il fera à propos de Peg, mais je vais faire de mon mieux pour la protéger. Je peux te dire qu’il souhaite vivement la retrouver.
Sadie resta silencieuse jusqu’à ce qu’ils atteignent l’écurie, où elle marqua une pause pour le regarder.
— Lady Phaeline a bien parlé plus tôt de lady Jen… lady Easdale.
— Oui, car il semble qu’elle soit partie avec Peg, ou Peg avec elle, dit Hugh.
— J’sais point, m’sieur, mais je sais encore une aut’ chose que Peg a dit sur les ménestrels.
— Qu’est-ce que c’est ?
— Y allaient à Dumfries.
Hugh fronça les sourcils.
— Si c’est le cas, n’emprunteraient-ils point la voie romaine qui passe à gué la rivière à une demi-lieue environ au nord d’Annan et se dirige droit sur Dumfries ?
— J’suppose, dit Sadie. Mais Peg l’a point dit. La seule aut’ chose que je me rappelle est queq’chose qu’elle m’a dit il y a quequ’temps. Je doute que cela vous aide aujourd’hui.
— Dis-moi, dit Hugh.
— Elle a dit que la compagnie allait divertir le laird de Galloway dans quelqu’semaines, quand son nouveau grand château sur la rivière Dee s’ra achevé.
— J’espère que l’information ne s’avérera point utile pour moi, dit Hugh avec une grimace. Je veux la trouver bien avant cela.
— Certes, oui, m’sieur, mais j’pense qu’elle s’ra de retour sous peu, maintenant. Elle voudra point perdre sa place, j’peux vous l’dire. D’ailleurs, j’doute qu’elle ait amené lady Easdale avec elle ou que la maîtresse ait accepté de partir avec c’te genre de compagnie.
Hugh en doutait aussi. Il tenta d’imaginer l’élégante jeune femme noble qu’il avait vue voyageant avec un assortiment de ménestrels et de musiciens, certains portant le costume d’Arlequin, et tous aisément reconnaissables comme roturiers.
Il congédia Sadie, certain qu’il avait tout appris ce qui était possible d’elle et ne sachant pas trop si cela l’aidait. Dunwythie et Phaeline supposaient tous les deux que la disparition de Peg en même temps que celle de Janet Easdale signifiait qu’elles étaient parties ensemble.
L’hypothèse était logique, mais il ne prêtait pas foi à la logique des agissements de lady Easdale. Son expérience avec le beau sexe était limitée, mais les femmes qu’il connaissait tendaient à placer les sentiments devant la raison quand il était question d’agir. Il pensait que c’était tout aussi probable que Peg, apprenant la disparition de sa maîtresse, soit partie à sa recherche.
Reportant son attention sur le présent, il entra dans l’écurie pour découvrir que son homme, Lucas Horne, avait déjà fait avancer les choses. Leurs chevaux sellés attendaient avec un autre cheval pour lady Easdale et un poney de somme avec ses deux paniers déjà remplis et attachés à leur place. Lucas n’était pas là.
Quand le cheval bai de Hugh hennit doucement, il se déplaça pour caresser le doux museau de l’animal et lui murmurer de petits riens. Entendant un bruit derrière lui, il se tourna pour découvrir lady Mairi Dunwythie, qui le contemplait avec incertitude.
— Puis-je vous être utile, milady ? demanda-t-il.
— Je pense que je peux vous être utile, monsieur, dit-elle. En tous les cas, je vous cherchais lorsque j’ai croisé Sadie qui entrait. Elle m’a appris ce qu’elle vous avait dit.
— Si vous savez autre chose qui m’aidera à trouver votre cousine avant qu’elle ne s’attire des ennuis, il est sans nul doute votre devoir de me le révéler.
— Je connais très bien mes devoirs, mais je ne veux point trahir Jenny si elle tente vraiment de rentrer chez elle. Elle parle peu, mais on voit facilement qu’elle n’a point été heureuse ici. Et elle ne veut point…
S’interrompant brusquement, elle parut triste, comme si elle en avait dit plus qu’elle ne l’avait souhaité.
— Si vous croyez qu’elle ne veut point épouser mon frère, il est inutile de garder cela pour vous, jeune fille. Je m’en suis moi-même douté quand je les ai vus à leur banquet.
— Je pensais bien que vous aviez l’air d’un homme sensé.
— Qu’est-ce qui lui a pris de l’accepter ?
— Phaeline, évidemment. Je ferais mieux de tout vous dire maintenant, monsieur. Voyez-vous, Jenny s’est beaucoup intéressée aux ménestrels. Elle se demandait comment ils vivaient et elle a tenté de s’imaginer voyageant comme eux. Je lui ai dit que je croyais que cela devait être une épouvantable manière de vivre, mais je crois qu’elle n’était point d’accord. Et aujourd’hui, Sadie m’apprend que Peg avait l’intention de marcher avec son frère sur une courte distance. Alors, je me dis…
— Que votre cousine malheureuse est partie avec eux, dit Hugh lorsque Mairi s’interrompit. Si c’est le cas, on ne peut que penser que Peg et sa maîtresse ignorent complètement ce qu’est une telle existence ou au sein de quelle compagnie elles risquent d’atterrir.
— Je ne sais si c’est le cas, dit Mairi. Cependant, je suis convaincue que Peg ne voulait point partir aussi longtemps. Et nous devons la trouver, monsieur, parce qu’avant de venir à votre recherche, j’ai appris qu’il manque des bijoux de grande valeur à certains de nos invités.
***
Suivant la piste à travers les arbustes touffus, Jenny s’arrêta devant un ruisselet qui semblait glacial. Ne voyant toujours aucun signe de la tente de Pasquin, elle tenta de rassembler ses pensées. L’homme était clairement le chef des ménestrels et ce qu’elle avait vu de ses talents de jongleur indiquait une personne digne de respect. Bien que son extraordinaire habileté n’offrît aucun indice sur son niveau d’intelligence, elle savait qu’il serait sage d’agir avec prudence.
Les autres tentes s’élevaient toutes près des feux de cuisson. Que la sienne soit située à une telle distance des autres suggérait qu’il entretenait une affection particulière pour l’intimité.
Les bois étaient silencieux, les arbustes étouffant le murmure des conversations des personnes près des feux. L’étroit ruisselet glougloutait doucement tandis qu’il cascadait en bas de la colline pour rejoindre la rivière Annan. Une voix grave, bien que murmurée, en provenance des arbustes de l’autre côté de l’eau, fut assez forte pour la faire sursauter.
— Ils disent vraiment qu’le roi pourrait être à Threave pour nous voir, dit un homme.
— J’veux point discuter du château Threave ou du roi d’Écosse, rétorqua une deuxième voix, de femme celle-là. Alors que j’ai point tenu en place d’la nuit, mon homme, me demandant où t’étais parti courir cette fois. J’suppose que t’étais avec c’te…
— Allons, bon, Cath…
Jenny s’éclaircit bruyamment la gorge, espérant empêcher d’autres commentaires dans ce qui ressemblait à un début de dispute entre amants, commentaires, elle le savait, qui les embarrasseraient tous les trois.
L’homme cessa immédiatement de parler. Elle n’avait entendu aucun autre bruit annonçant leur approche sauf celui du glouglou de l’eau avant qu’il parle. Mais visiblement, ils se trouvaient presque à côté d’elle, alors, attrapant ses jupes, elle sauta par-dessus le ruisselet.
Malgré son avertissement subtil, son apparition sur le sentier les déstabilisa nettement ; elle chercha donc à les mettre à l’aise. Reconnaissant Cath, Jenny lui souhaita joyeusement le bonjour.
— C’en est une froide, n’est-ce pas ? ajouta-t-elle.
La ronde Cath lui sourit alors et fut d’accord qu’il faisait très froid.
— Mais en ce moment, tout’ journée sans neige s’ra bonne, ajouta-t-elle. As-tu perdu ton chemin pour rentrer à notre campement, jeune fille ?
— Nenni, car je dois voir Pasquin, dit Jenny. J’espère que je suis sur la bonne piste.
— Certes, oui, tu l’es, dit l’homme.
Il était plus petit que Cath en tous points. Avec un geste, il ajouta :
— Sa tente est hors d’la piste près de c’te grand hêtre, là-bas.
— Je vous remercie, monsieur, dit Jenny avec un hochement de tête poli.
— C’est mon homme, Cuddy, dit Cath. Tu es Jenny, si j’me rappelle bien.
— Oui, dit Jenny, se demandant un peu nerveusement si quelqu’un l’avait déjà reconnue, ou la reconnaîtrait, comme Janet Easdale.
Elle ne s’était pas inquiétée de cela la veille, dans l’obscurité, quand son capuchon était relevé à cause du froid. Cependant, la lumière du matin était plus révélatrice, bien qu’elle ne portât pas de coiffe, qu’elle ait tressé sa chevelure de manière à ce que des nattes souples tombent depuis le centre et dissimulent presque entièrement son front haut rasé et que Peg lui ait dessiné des sourcils.
Néanmoins, il était possible qu’en plein jour, Pasquin ou une autre personne la reconnaisse. Cuddy lui accorda bien un regard scrutateur, mais hocha ensuite la tête et se fendit d’un sourire lorsqu’elle lui sourit. Elle se rappelait avoir entendu son nom la veille et elle le reconnut comme l’un des éclaireurs qu’elle avait vus après l’attaque contre l’équarrisseur.
Leur souhaitant une bonne journée à tous les deux, elle continua son chemin. Mais alors que la tente verte de Pasquin apparaissait, son isolement même suggéra que le regard inquisiteur de Cuddy avait tout simplement pu être une réaction en apprenant sa destination.
Quand lord Dunwythie avait accepté la suggestion de Reid et de Phaeline qu’ils engagent des ménestrels pour le banquet de fiançailles, il avait émis le commentaire que, de tous les gens qui voyageaient pour gagner leur pain — les commerçants, les artisans, même les mendiants et autres semblables —, seuls les ménestrels s’étaient forgé une réputation d’honnêteté. Néanmoins, Dunwythie avait dit que lorsqu’on les engageait, il était prudent de surveiller les hommes de leur troupe, ne serait-ce que pour préserver la dignité et la vertu des servantes.
Par conséquent, il avait dit à ses employés de rester vigilants. Toutefois, il avait traité les ménestrels avec le respect qu’il accordait aux commerçants en qui il avait confiance, comme l’équarrisseur Parland Dow, qui jouissait du privilège du droit de passage à Annan House et au manoir Dunwythie, le domaine Dunwythie beaucoup plus grand situé au nord. Dow allait et venait à sa guise, particulièrement quand il était temps de transformer le bétail Dunwythie en bœuf Dunwythie.
Tandis que Jenny approchait de la tente verte, l’avertissement de son oncle résonnait dans sa tête, lui faisant espérer que Pasquin n’insisterait pas pour qu’ils discutent seuls à l’intérieur. Son pas ralentit et elle réfléchissait à la sagesse de crier son nom quand le rabat de la tente s’ouvrit et qu’il sortit, se baissant considérablement pour y arriver.
Il portait une longue robe à rayures rouges et noires qui le faisait paraître encore plus grand qu’il n’avait semblé la veille. Sa coiffe molle et plate tombait d’une manière séduisante sur un œil, et la chevelure aux épaules qui avait semblé dorée sous la clarté des torchères de la salle de réception et gris argenté ensuite dans l’obscurité était blond pâle à la lumière du jour.
Tandis qu’il se redressait, son regard la balaya, pénétrant et astucieux.
— Alors, tu veux rester avec nous, c’est ça ? dit-il.
— Je ne demande point à demeurer longtemps, monsieur, mais je ne refuserais point une invitation à demeurer avec votre compagnie encore quelques jours, dit-elle, soulagée de ne déceler aucun signe qu’il la reconnaissait comme la jeune femme dont il avait célébré les fiançailles.
— Tu parles inhabituellement bien pour une servante, si c’est vraiment c’que t’es, dit-il. Comment Bryan peut-il avoir une cousine qui s’exprime comme une dame ?
Sentant ses joues s’enflammer, Jenny dit :
— Si ça vous offense, j’vais garder mon langage comme avant, m’sieur, mais vous d’vez savoir que j’sers lady Mairi Dunwythie depuis plusieurs mois et j’tente de parler comme elle.
— J’ai point d’objection, jeune fille. J’ai fait fortune en apprenant à parler comme mes supérieurs chaque fois que ça m’est utile, dans ce pays comme dans les autres. Bryan me dit qu’tu prétends savoir jouer de plusieurs instruments. Ça, j’avoue, m’intéresse. A-t-il dit la vérité ?
— Certes, dit Jenny. Toutefois, j’pense que vous voudrez en juger par vous-même.
Il sourit alors, ce doux sourire qu’elle se rappelait avoir vu la veille.
— Oui, jeune fille. J’vais certainement le faire. Laisse-moi seulement aller chercher mon luth.
Il replongea dans la tente et en émergea quelques secondes plus tard avec deux luths, dont un qu’il lui tendit. Se déplaçant jusqu’à une saillie rocailleuse, il se servit de la jupe de sa robe pour balayer la saleté et les cailloux, puis il lui indiqua où elle devait s’asseoir.
— Joue ce qu’tu veux et chante aussi, si tu peux, dit-il. Je souhaite évaluer ton talent, mais t’es pas obligée d’essayer quequ’chose de difficile. C’est pas l’agilité de tes pincements de corde qui m’impressionneront, mais ton habileté à divertir les autres.
Hochant la tête, elle repassa rapidement en revue les chansons qu’elle connaissait et choisit la chanson d’amour des frontières qu’elle jouait la première fois que Phaeline avait commenté son talent. Comme Phaeline lui tenait rarement des propos gentils, cela avait impressionné Jenny. De plus, la chanson d’amour était l’une des mélodies préférées de son père. Cependant, la chanson allait-elle impressionner cet homme ? Elle l’ignorait.
Son luth était de qualité et bien accordé. Prenant plaisir à jouer de l’instrument, elle se perdit vite dans la chanson. Elle avait l’habitude de jouer et de chanter pour d’autres, généralement des gens qu’elles connaissaient bien, alors elle ne ressentait aucune gêne maintenant.
Quand elle lui jeta un regard et vit que ses yeux s’étaient fermés, une image de son père arborant exactement ce même air la fit sourire.
Ouvrant les yeux, il donna l’impression d’avoir décelé le sourire dans sa voix. Puis, hochant la tête, il tendit la main vers l’autre luth, pinça une corde, puis une autre et, peu après, il jouait avec elle. Quand la chanson se termina, il en commença une autre qu’elle connaissait et elle se joignit vite à lui, s’amusant sans partage.
À la fin de la pièce, il dit :
— Tu joues bien et t’as une voix agréable. Tu vas devoir apprendre à faire la coquette pour ton public, par contre, si tu veux qu’y t’aime.
— La coquette ?
— Oui, certes, car comment veux-tu sinon amener les auditeurs à t’lancer leur or ? On ne divertit point pour rien, jeune fille, et plus tu impressionnes ton public, plus y s’ra généreux. À propos, un peu de ce que tu gagnes va au fonds de la compagnie pour acheter ce dont on pourrait avoir besoin. Tu garderas le reste pour toi.
Elle n’avait pas pensé à gagner de l’argent et l’idée maintenant ne provoquait qu’un malaise.
— Certains auditeurs pourraient-ils s’attendre à d’autres choses de ma part si je joue les coquettes suffisamment pour qu’ils me lancent de l’argent ?
— Ils pourraient penser à ces aut’ choses, jeune fille, mais personne s’attendra à ce que tu agisses en fonction de leurs pensées. Une des femmes ménestrels invite les libertés, les autres, non. C’est du pareil au même pour moi. Nous ne jouerons qu’un p’tit moment pendant notre séjour ici au château Moss avant d’partir pour Lochmaben ; c’est donc un bon endroit pour toi où tu pourras nous montrer ta valeur.
— Et la vielle à roue ? Bryan m’a dit que vous en possédiez une.
Il sourit encore, mais cette fois, elle décela de la tristesse chez lui.
— J’ai bien une vielle à roue qui appartenait à mon fils, mais c’est un instrument qui requiert deux musiciens pour en jouer. Nous verrons après le château Moss si tu resteras assez longtemps avec nous pour essayer ça ou non.
— Je veux voir Lochmaben, dit-elle. Toutefois, je ne sais point trop ce que je devrais faire de Peg. Tout était ma faute, mais je crains qu’elle perde sa place si elle rentre seule.
— Elle a fait un choix, tout comme toi. Tu l’as point obligée à venir jusqu’ici.
Jenny faillit le reprendre, consciente que Peg aurait refusé de rentrer sans elle. Cependant, elle savait qu’elle ne pouvait pas expliquer cela sans dévoiler qui elle était et pourquoi Peg se sentait obligée de rester. Avec regret, elle s’aperçut qu’elle aurait dû considérer tous les aspects avant de décider d’accompagner les ménestrels.
Elle avait agi sous l’impulsion, un défaut qu’elle croyait avoir corrigé depuis longtemps avec l’âge. Son père avait été rapide à condamner ses impulsivités chaque fois qu’elle y avait succombé. Elle pouvait presque l’entendre la gronder maintenant, depuis le haut nuage sur lequel elle l’avait si souvent imaginé assis depuis sa mort.
— Apporte ce luth avec toi, jeune fille, et exerce-toi pendant qu’nous préparons l’départ. Choisis deux chansons — une à chanter et la deuxième à interpréter s’ils t’apprécient.
— Comment saurais-je si je dois jouer la deuxième ?
— J’pense que tu l’sauras très bien, jeune fille, tout comme tu l’sauras dans le cas contraire.
***
Dans l’écurie d’Annan House, Hugh regarda longuement Mairi avant de dire :
— Combien de nos invités ont-ils perdu des bijoux, milady ?
— Je l’ignore, monsieur. J’ai seulement entendu notre intendant dire à mon père et à Phaeline que des objets manquaient à lady Johnstone et à sa fille. Il m’a bien semblé, par contre, qu’ils discutaient déjà de la question avant mon entrée dans la pièce.
— Assurément, ni Dunwythie ni Phaeline ne soupçonnent un serviteur de leur maisonnée du vol, dit Hugh.
— Je ne sais point ce qu’ils soupçonnent, monsieur. Je connais bien Peg, par contre, et je suis convaincue qu’elle ne nous volerait rien non plus qu’à nos invités. Ma sœur, Fiona, était également présente alors et elle a le don de faire des bêtises, même involontairement. Elle a demandé à savoir si notre intendant suspectait Jenny d’avoir pris les bijoux.
Bien qu’il soit clair pour Hugh que Mairi pensait que c’était improbable, il ne connaissait point Janet Easdale.
— Pourrait-elle les avoir dérobés ? lui demanda-t-il.
— Elle n’en a point besoin, monsieur. En effet, je trouve plus plausible que l’un des ménestrels, ou même un serviteur, les ait pris. Cependant, lady Johnstone dit qu’elle est presque certaine d’avoir rangé son collier avant de se mettre au lit. Les ménestrels étaient déjà partis alors.
— Morbleu, jeune fille, tout comme lady Easdale et votre Peg, si vous avez raison de dire qu’elles ont quitté la maison avec les ménestrels.
— Je sais cela, dit Mairi. Je ne fais que répéter ce que j’ai entendu, monsieur. Je n’ai aucune idée de ce qui a pu advenir des bijoux. Ni le nombre qui a disparu.
Si les deux jeunes femmes se trouvaient bien avec les ménestrels, Hugh ne doutait pas de les retracer rapidement où qu’elles soient allées. Il lui vint à l’esprit, par contre, qu’avant de partir, il devrait en apprendre plus sur les bijoux disparus.
Mairi pouvait avoir tort sur le moment de leur disparition. Toutefois, même alors, si quelqu’un réclamait à cor et à cri que l’on retrouve les femmes ou les ménestrels, cela réduirait passablement ses chances de résoudre l’affaire sans bruit.
Laissant un message au palefrenier pour informer Lucas qu’il serait de retour bientôt, Hugh escorta Mairi jusqu’à la maison et s’en alla à la recherche de son hôte. Avec un serviteur pour l’aider, il trouva Dunwythie dans une petite pièce donnant sur la grande salle, vérifiant ses comptes.
Haussant doucement les sourcils, Dunwythie dit :
— Vous êtes encore ici, mon garçon ? J’pensais que vous seriez déjà loin à l’heure qu’il est.
— Je m’attends à partir bientôt, mon seigneur, dit Hugh. Je viens juste d’apprendre, par contre, que certains bijoux ont disparu.
— Par la Sainte Croix, je ne l’ai moi-même su qu’il y a vingt minutes. Je commence à croire que les rumeurs volent de leurs propres ailes !
— Ce n’est qu’une rumeur, alors ?
— J’aimerais bien. Au moins cinq personnes ont rapporté des objets disparus, la plupart hier soir, mais d’autres ce matin, ma propre épouse parmi elles.
— Phaeline a perdu quelque chose ?
— Oui, ses perles, si elle ne les a point égarées, lui dit Dunwythie avec un sourire affectueux. Elle oublie souvent ce qu’elle fait de ses effets, comme, je crois, la plupart d’entre nous. Toutefois, elle a presque toujours la main sur ses perles et elle est certaine de les avoir rangées tôt ce matin. Elle a dit qu’elle s’est réveillée, qu’elle s’est aperçue qu’elle ne l’avait point fait, et elle s’est levée pour s’en occuper. Je suppose qu’elle a peut-être tout rêvé, mais…
— Ce serait toute une coïncidence comme rêve, et Phaeline n’est pas fantasque.
— Non, quoiqu’elle semble plus distraite quand elle est grosse.
— Tout de même, il paraît peu probable que les ménestrels ou votre Peg aient quoi que ce soit à voir avec les vols si les objets ont disparu après leur départ, dit Hugh.
— Certes, et les ménestrels prennent bien soin de conserver leur réputation intacte, sinon ils perdent toute chance d’exercer leur art. Mes hommes les ont quand même fouillés et je ne voulais point d’histoire. J’ai dit à tous ceux qui ont des bijoux manquants que j’allais enquêter sur l’affaire et chacun a accepté de me laisser cela entre les mains. Un seul a suggéré de rapporter les vols au shérif.
— J’ai confiance que vous avez persuadé cette personne de patienter, dit Hugh. Il n’est point logique pour moi d’agir avec discrétion si le shérif de Dumfries doit envoyer ses hommes partout dans les environs pour faire du boucan à propos de bijoux envolés, de ménestrels et de servantes disparues.
— Je suis d’accord et j’ai dit bien clairement que je vais prendre la responsabilité du résultat. En tous les cas, nous devons récupérer les bijoux. Même si je déteste le penser, je crains que nous puissions héberger un voleur ici dans la maison. Mes hommes n’auraient point fouillé un des leurs.
— Oui, bien, je vais voir si je peux glaner d’autres renseignements utiles, dit Hugh.
— Trouvez Jenny, dit Dunwythie. Qu’elle ait été malheureuse me perturbe.
— La tristesse est loin d’être une raison suffisante pour provoquer de tels remous, dit Hugh. Je dirais que cette jeune femme a besoin…
— Maintenant, on croirait entendre Phaeline, dit Dunwythie. Toutefois, je ne crains point de vous révéler, mon garçon, que si cette agitation et ce boucan l’amènent à perdre notre bébé, je pourrais bien donner le fouet à nos deux jeunes filles disparues quand vous les retrouverez.
Hugh avait espéré une telle déclaration, ne serait-ce que parce qu’il trouvait que c’était un fieffé dérangement que de courir après elles. Cependant, quand la vision mentale se présenta — Dunwythie battant la jeune femme indépendante qui avait refusé de se laisser intimider par Reid —, une touche inattendue d’amusement sardonique la bannit. Tandis que lui et Lucas Horne quittaient Annan House à cheval, il vint à l’esprit de Hugh que si quelqu’un lui avait demandé d’expliquer cet amusement, il n’aurait pas pu le faire, sauf en admettant un soupçon grandissant que la jeune fille se chargerait aussi facilement de Dunwythie que de Reid.
Elle ne se chargerait pas, par contre, aussi facilement de lui.