Une journée et demi plus tard, Marisol Mendez n’avait toujours pas craqué. Ryan considérait que cela voulait dire que Michael Missinger n’était pas coupable. Jessie pensait que Ryan avait probablement raison mais ne pouvait s’empêcher de craindre que, malgré toutes les preuves, ils soient en train d’essayer de forcer la main à une femme innocente. Elle le lui dit.
Elle retourna même dans la salle multimédia pour visionner les vidéos de l’interrogatoire de Missinger que Ryan et Trembley avaient mené. Elle n’avait rien trouvé de neuf ou de révélateur dans l’interrogatoire lui-même, mais elle avait quand même remarqué que, quand ils l’avaient laissé rédiger seul sa déposition, sans subir la pression qu’aurait exercée la présence des inspecteurs, Missinger avait semblé étonnamment confiant.
Il avait écarté ses cheveux blonds de ses yeux bleus et s’était installé confortablement dans sa chaise. C’était comme si toute la tension de l’interrogatoire avait disparu. Jessie ne comprenait pas pourquoi.
Était-ce parce qu’il avait joué le rôle du mari éploré et qu’il était maintenant libre de ne plus le faire ou était-il simplement soulagé de ne plus être bombardé de questions gênantes ? Peut-être la rédaction d’une déposition était-elle reposante en comparaison.
Avec cette image encore vive dans sa mémoire, Jessie quitta le poste ce soir pour aller retrouver Andi Robinson. C’était vendredi soir, le jour de leurs retrouvailles au café, et Jessie en avait bien besoin. De plus, elle avait promis qu’elle lui paierait à boire quand l’affaire serait finalement résolue. Jessie était arrivée dans le parking quand Ryan la rattrapa.
“Hé !” dit-il en courant pour la rattraper. “Je ne pouvais pas te laisser partir sans réagir à ce que tu as dit avant.”
“C’était quoi ?” demanda-t-elle. Elle avait dit beaucoup de choses.
“C’est juste que … tu te fais trop de soucis pour cette enquête”, dit-il d’un air sincèrement inquiet. “Il faut que tu prennes un peu de distance. Si tu es aussi dure avec toi-même à la fin de chaque enquête, tu vas t’épuiser plus vite que Josh Caster, le profileur qui a déménagé à Santa Barbara.”
“Je vais bien. J’ai des doutes, c’est tout.”
“Bien sûr”, reconnut-il. “C’est naturel. Tu te sens responsable parce que tu crains d’avoir fait mettre une femme en prison pour le reste de sa vie. Moi aussi, j’ai tout le temps cette sensation. C’est un gros fardeau à porter et, si tu as ne serait-ce qu’un petit doute, la culpabilité te ronge. Ce n’est pas comme avec ton mari. J’imagine que, quand un gars tente de te poignarder avec un tisonnier, cela efface la plus grande partie de tes doutes.”
“La plus grande partie ?” demanda-t-elle en levant les sourcils.
“Tu comprends ce que je veux dire”, dit-il en souriant d’un air bête. “Ne sois pas si dure avec toi-même, voilà tout ce que je dis. Dans ce métier, le doute de soi est inévitable. C’est bien que tu ailles prendre un pot avec cette copine riche. Tu le mérites et elle a probablement des alcools vraiment chers.”
“Il faut que j’y aille”, dit Jessie en essayant de ne pas rire.
“Oh, tu es trop bonne pour traîner avec les gens ordinaires”, dit-il pour la taquiner.
Elle se détourna rapidement et se dirigea vers sa voiture, quasiment sûre qu’il n’avait pas repéré le grand sourire qui s’était invité sur son visage.
*
Les embouteillages du centre-ville de Los Angeles jusqu’à Hancock Park étaient aussi consternants qu’à l’accoutumée mais Jessie les supporta plus facilement cette fois-ci. Elle traversait ce chaos pour aller s’amuser et cela l’aidait beaucoup à le supporter.
Malgré ses doutes sur l’affaire, elle décida de penser à autre chose. Elle n’était pas le procureur qui avait pour tâche de condamner Marisol Mendez. Elle faisait seulement partie de l’équipe qui avait fourni les preuves nécessaires à l’exécution de cette tâche. Le procureur présenterait l’affaire. Un jury déciderait de la culpabilité ou de l’innocence de l’accusée. Jessie n’y pouvait plus rien.
Elle se força à se concentrer plutôt sur les éléments positifs. Il y en avait des quantités, ces temps-ci. Sa mère adoptive semblait ne pas se sentir trop mal. Elle était même sortie dîner et aller voir un film au cinéma la veille au soir. Elle était encore loin de la rémission mais toute amélioration était une bonne nouvelle.
Jessie envisageait à nouveau de s’inscrire à la prochaine session de formation de l’Académie du FBI et, dans ce cas, elle pensait qu’elle s’arrêterait peut-être à Las Cruces en allant vers la Virginie. Elle avait encore deux ou trois jours pour prendre sa décision finale.
Elle avait aussi trouvé un nouveau logement, si sa proposition était acceptée. Il y avait deux autres personnes sur l’affaire et elle était impatiente de savoir si elle avait le logement ou pas. Elle essayait, en vain la plupart du temps, de ne pas trop y penser pour ne pas être trop déçue en cas d’échec mais c’était difficile parce que l’appartement était quasiment parfait.
Elle avait finalement choisi de ne suivre aucune des recommandations de l’agent immobilier. Elle avait préféré sélectionner un studio modeste dans South Olive, juste de l’autre côté d’Olympic, mais, vu la facilité avec laquelle Crutchfield avait trouvé sa dernière adresse, elle avait décidé de prendre quelques précautions supplémentaires.
Comme son père adoptif l’avait fait quand il avait acheté l’appartement pour seniors, elle allait louer le studio au nom d’une entreprise et demander à un avocat de signer les papiers. Son nom n’apparaîtrait nulle part sur le bail.
Cet appartement avait une place de parking souterrain sécurisée mais au-dessous du centre commercial voisin de l’immeuble, pas sous l’immeuble lui-même. Donc, si une personne la suivait, elle ne comprendrait pas où elle se rendait.
De plus, le bâtiment avait un concierge et un agent de sécurité. À Los Angeles, avoir l’un des deux était inhabituel et avoir les deux était rarissime. De plus, aucun des appartements n’était numéroté. Pour une raison cool et hipster qu’elle ne comprenait pas, il fallait que les résidents sachent de mémoire quelle porte était la leur. C’était bizarre mais ça l’arrangeait bien.
De plus, même si tout le courrier était livré à un endroit central du hall, Jessie prévoyait quand même d’acquérir une adresse de boîte postale pour que tout son courrier arrive en dehors de l’immeuble. Elle louerait alors les services d’un messager qui lui apporterait son courrier au poste de police. Ainsi, personne ne pourrait trouver son adresse.
Finalement, elle avait embauché la société de sécurité recommandée par Ryan. Quand Jessie aurait officiellement obtenu le studio, ses employés viendraient installer une alarme avec des détecteurs de mouvement et plusieurs caméras. Ces précautions n’étaient pas vraiment du même niveau que celles de la DNR, mais elles lui donneraient l’impression de contrôler au moins un peu sa vie.
Elle n’avait pas encore annoncé à Kat qu’elles ne seraient sans doute pas colocataires mais elle était quasiment sûre que, si quelqu’un comprenait la situation, ce serait la directrice de la sécurité de l’établissement fermé qui détenait l’homme qui avait commandité une entrée par effraction chez elle.
Elle en informerait Kat le lendemain, quand elle irait voir Crutchfield, qui avait apparemment spécifiquement demandé à la voir. C’était la première fois qu’il demandait une visite et Jessie était bien obligée d’admettre qu’elle était curieuse de savoir ce qu’il voulait.
Pour l’instant, elle allait voir Andi et passer sa première soirée de loisir depuis longtemps. Elle se sentait un peu désolée de ne pas la passer avec Lacy, à qui elle n’avait pas reparlé depuis qu’elle avait déménagé. Cependant, elle écarta cette idée en essayant de se permettre d’apprécier une soirée dans le manoir d’une mondaine cool, agréablement sarcastique et non-raciste. Cela ne lui arrivait pas tous les jours.
Alors qu’elle remontait Rossmore Avenue, suivant les instructions qu’Andi lui avait données pour trouver sa maison, Jessie changea d’avis à la dernière minute et tourna dans la rue Lucerne, celle des Missinger. Elle s’arrêta devant leur maison et se gara sans couper le moteur.
Quelque part dans cette maison, Michael Missinger vivait sa vie. Jessie se demanda s’il était accablé par le chagrin ou s’il avait déjà oublié tout cela. Combien de temps attendrait-il avant de reprendre ses activités ? Et surtout, avait-il manipulé Marisol pour qu’elle soit accusée à sa place ?
Elle sentit qu’elle commençait à s’énerver et décida qu’il était temps de passer à autre chose. Elle redémarra la voiture et termina son trajet. Le manoir d’Andi était encore plus immense que celui des Missinger. D’après les estimations de Jessie, il s’étendait sur trois niveaux et sur une longueur équivalente à quasiment un tiers de la longueur du pâté de maisons. Cependant, à la différence de la plupart des autres maisons de la rue, celle d’Andi n’avait pas de porte sécurisée et ce détail poussa Jessie à l’apprécier encore plus.
Quand elle arriva à la porte de devant, elle sonna car elle doutait que quelqu’un l’entende si elle frappait à la porte. Andi ouvrit quelques secondes plus tard et tendit à Jessie la boisson qu’elle tenait dans son autre main.
“J’ai supposé que tu aimais le mojito”, dit-elle.
“Ce soir, je suis ouverte à tout”, répondit Jessie en prenant le verre. “Merci.”
“Bienvenue dans ma demeure pas si humble”, dit Andi en l’invitant à entrer.
Jessie remarqua que son hôte était pieds nus et enleva joyeusement ses propres chaussures elle aussi.
“Je parie que c’est agréable”, dit Andi, qui avait apparemment remarqué le soulagement que Jessie avait ressenti quand ses pieds avaient échappé à la contrainte de ses chaussures professionnelles. “Entre et mets-toi à l’aise.”
Jessie enleva son manteau et suivit Andi dans l’immense vestibule et dans un long couloir qui, dallé de marbre et rempli de sculptures et de peintures, semblait s’étirer à l’infini mais finissait quand même par donner sur un salon à moquette qui était aussi décontracté que le reste de la maison était formel.
La pièce était dominée par deux énormes sofas à l’air confortable. Entre eux, il y avait une table basse en bois rustique couverte de magazines, pas du style The New Yorker et The Economist mais plutôt Cosmo et People, autre détail que Jessie apprécia. Il y avait un bar avec évier dans un coin. Juste en face, un écran de télévision montait presque du sol au plafond.
“J’aime avoir une belle image quand je regarde mes feuilletons”, dit Andi avec un accent vaguement méridional quand elle remarqua que Jessie avait écarquillé les yeux en voyant l’immensité de la chose.
“C’est comme une salle de cinéma à domicile”, s’étonna-t-elle.
“C’est l’idée”, répondit Andi. “Je te ferais bien visiter toute la maison mais ça prendrait la plus grande partie de la soirée et, personnellement, je préférerais rester ici.”
“Ça me semble être une excellente idée.”
“Parfait”, dit Andi en se laissant tomber sur un des sofas. “J’avais aussi envisagé de commander des pizzas dans un moment. Ça te va ?”
“Complètement”, dit Jessie, qui laissa tomber son manteau et son sac à main à côté d’elle puis s’affala sur l’autre sofa. “T’arrive-t-il d’inviter les filles du country club pour boire un mojito et regarder un film ?”
Andi rit à l’idée.
“Pas souvent”, dit-elle. “Celles que tu as rencontrées, Marlene et Cady, sont assez représentatives de ce que le Beverly Country Club a à proposer. Elles ne sont pas exactement du type à se déchausser et à manger végétarien. Elles sont plus du style à juger tous les objets de ta maison.”
“Ça doit être vraiment amusant. A propos de Marlene, elle a dû être très heureuse quand la femme de ménage des Missinger a été arrêtée.”
“C’est un euphémisme. Elle en a parlé tout le temps et n’a pas cessé de dire que ça confirmait tous ses soupçons. Elle a dit : ‘J’espère que ton imbécile qui aime les immigrants aura compris la leçon’. Un vrai délice.”
“Je suis désolée d’avoir aidé à renforcer ses stéréotypes”, dit Jessie en se forçant à ne pas révéler ses doutes sur la culpabilité de Marisol en présence d’un civil.
“Ça n’aurait pas pu être une erreur ou il n’y aurait pas pu y avoir un autre suspect ?” demanda Andi avant d’ajouter rapidement : “Je ne remets pas ton travail en question. Je n’aime pas le message qu’envoie ce résultat, c’est tout.”
“Pas de problème”, dit Jessie malgré elle-même. “Crois-moi, j’ai eu mes propres doutes mais les preuves l’ont désignée comme coupable. Les résultats seront publics dans quelques mois. C’est quasiment définitif.”
Andi se pencha vers Jessie d’un air conspirateur alors qu’il y avait quasiment deux mètres entre les sofas sur lesquels elles étaient assises.
“Si je ne dois pas le demander, dis-le-moi”, dit-elle calmement, “mais, au club, on dit que la théorie de Marlene sur la ‘liaison avec le patron’ n’était pas si folle que ça.”
“Je ne peux pas vraiment donner de détails”, dit Jessie en finissant son mojito, “mais disons simplement que le complexe de supériorité de Marlene a encore de beaux jours devant lui.”
“Eh bien, c’est vraiment décevant”, dit Andi avant de désigner le verre vide de Jessie. “Tu en veux d’autre ?”
“Bien sûr”, répondit Jessie en tendant son verre et en passant ses jambes sous elle.
Ce sofa est plus confortable que mon lit.
Andi retourna au bar et commença à mettre des glaçons dans le verre.
“J’imagine qu’on ne sait jamais ce qui se passe vraiment dans la maison des autres”, dit-elle. “Je n’aurais jamais cru que Michael serait du type à culbuter la femme de ménage à l’hôtel Bonaventure. C’est tellement cliché. Cependant, comme je t’ai dit l’autre jour, je n’étais pas si proche d’eux. J’imagine que j’ai cru à l’image d’eux-mêmes qu’ils ont diffusée, comme tout le monde.”
“Oui”, convint Jessie. “On ne sait jamais vraiment ce que quelqu’un a dans le cœur. J’ai habité avec quelqu’un pendant des années en pensant que nous étions complémentaires puis il m’a expulsée.”
“Pourtant, je croyais que c’était ton travail”, dit Andi en versant divers ingrédients dans la boisson de Jessie. “N’est-ce pas ce que fait une profileuse ? Sonder ce que les gens ont dans le cœur ?”
“D’abord, comme je suis nouvelle, je suis encore en mode ‘tâtonnement’. Si l’on m’a attribué cette affaire et pas celle où un tueur en série terrorise actuellement la ville, ce n’est pas pour rien. Ensuite, les profileurs ne sondent pas ce que les gens ont dans le cœur. Ils examinent le crime et les preuves pour créer une image des caractéristiques qui pourraient être celles du coupable. Les cœurs, c’est pour le clergé.”
“Ça se tient”, dit Andi en tendant à Jessie sa nouvelle boisson. “Tu vois ce qui se passe quand une personne qui a laissé tomber son éducation commence à émettre des suppositions ? Bon, est-ce qu’on commande cette pizza avant de choisir un film ?”
“En fait, avant ça, est-ce que je peux passer par les toilettes ?” demanda Jessie en prenant une gorgée de son mojito. “Le trajet a été long.”
“Bien sûr”, dit Andi. “Elles sont à gauche, juste en sortant d’ici.”
Jessie posa son mojito et se leva.
“Tu sais”, dit Andi, “tu peux emporter ta boisson avec toi. Je ne veux pas qu’elle se dilue trop. Et puis, ici, chez les Robinson, on ne fait pas de chichis. Si tu bois trop, tu pourras prendre un Uber ou dormir ici si tu veux.”
“Merci”, dit Jessie en prenant la boisson et en se dirigeant vers les toilettes.
“Quelle pizza préfères-tu ?” lui cria Andi.
“J’aime presque tout”, répondit Jessie, “tant qu’il n’y a pas d’anchois.”
“Aucune inquiétude là-dessus !” convint Andi en riant.
Quand Jessie ferma la porte des toilettes, elle entendit qu’Andi riait encore. Elle sentit l’odeur d’un pot-pourri. Elle se regarda dans le miroir et sourit.
Regarde ! Tu passes une soirée entre copines.
Elle prit une grosse gorgée de sa boisson, s’attacha les cheveux en queue de cheval et s’aspergea le visage d’eau froide. Elle remarqua qu’elle avait les joues un peu plus rouges que d’habitude, probablement à cause de l’alcool.
Malgré ses efforts en la matière, Jessie ne put s’empêcher de laisser ses pensées repartir vers Michael Missinger. Elle se reposait constamment les mêmes questions : que faisait-il dans sa maison à moins d’un demi-kilomètre ? Était-il en train de pleurer sa femme dans une pièce éclairée à la bougie ? Était-il même chez lui ou rencontrait-il une nouvelle conquête de l’hôtel Bonaventure à ce moment précis ? Tout le monde, même Andi, semblait savoir que c’était son lieu préféré de séduction. Apparemment, c’était un secret de Polichinelle.
Vraiment ?
L’idée fit son apparition dans sa tête comme si quelqu’un d’autre l’avait plantée là. Elle essaya de s’en débarrasser, se reprochant de laisser son cerveau faire des heures supplémentaires pendant la soirée où elle était censée se reposer, mais la question refusait de quitter ses pensées.
Est-ce que ses liaisons à l’hôtel étaient connues de tous ? Michael, lui, ne voulait certainement pas que les gens soient au courant. Le but, c’était de se rendre à un endroit où ni Victoria ni ses employés ne le trouveraient. Or, ce détail n’était pas encore connu du public. Les seules personnes qui étaient au courant des liaisons à l’hôtel étaient Missinger et ses conquêtes.
“Ça suffit”, dit Jessie à voix haute en se regardant dans le miroir d’un air furieux. Elle remarqua qu’elle avait les yeux qui coulaient. Elle prit un mouchoir en papier et se les essuya.
Pourtant, elle avait beau supplier les pensées de s’en aller, elles continuaient de l’assaillir. Si Andi était au courant du fait que Missinger utilisait le Bonaventure comme garçonnière, était-il possible qu’elle ait entendu parler de l’hôtel par le téléphone arabe ?
Elle me l’aurait dit.
Jessie saisit un autre mouchoir en papier et toussa dedans en essayant de se débarrasser du blocage soudain qu’elle ressentait à la gorge.
Pourquoi ne me l’a-t-elle pas dit ?
Alors, les possibilités arrivèrent à grande vitesse. Si Andi était au courant de l’affaire de l’hôtel de Bonaventure, la seule raison pour qu’elle ne l’ait pas dit était qu’elle savait que cela révélerait qu’elle couchait avec Missinger elle aussi.
Et si elle couchait avec lui, elle trompait presque certainement Jessie sur beaucoup d’autres choses. D’abord, elle avait dit qu’elle ne connaissait pas bien les Missinger alors qu’il semblait qu’elle connaisse au moins Michael de très près. Ensuite, c’était elle qui avait pris soin de rappeler à Jessie l’existence de la rumeur ‘liaison avec la femme de ménage’, ce qui l’avait incitée à revérifier l’alibi de Marisol.
Jessie alluma le robinet, assembla les mains et avala une gorgée d’eau en espérant que cela lui dégagerait la gorge, qu’elle sentait serrée.
Quand elles s’étaient retrouvées pour prendre un café, qu’est-ce qu’Andi avait dit sur sa vie amoureuse ?
Ce n’est que récemment que je me suis autorisée à tomber vraiment amoureuse. J’imagine que j’essaie de rattraper le temps perdu.
Était-il possible qu’elle soit tombée amoureuse de Michael Missinger ? Et si tel était le cas, qu’aurait-elle été prête à faire pour rendre cet amour licite ? Elle avait déjà prouvé qu’elle était une excellente menteuse. De quoi d’autre était-elle capable ?
Jessie toussa à nouveau. Elle avait l’impression que sa gorge se refermait. Cette sensation et ses yeux qui pleuraient la poussèrent à se demander si elle était allergique au pot-pourri des toilettes. Il fallait qu’elle se serve de son inhalateur, qui était encore dans son sac à main sur le sofa.
Décidant de se comporter aussi normalement que possible, Jessie décida de renoncer au reste de la soirée et de partir pour pouvoir démêler ses soupçons de la femme qu’ils prenaient pour cible. Elle saisit sa boisson et se dirigea vers la porte.
Elle allait l’ouvrir quand elle baissa les yeux vers le verre. Elle avait eu ses difficultés respiratoires, ses quintes de toux et les yeux qui pleuraient peu après qu’elle avait entamé son second mojito, celui qu’Andi lui avait versé juste après avoir mentionné l’hôtel Bonaventure.
Cela ne pouvait pas être une coïncidence.