Jessie sentait le regard d’Andi qui lui vrillait le dos.
“Qu’as-tu fait ?” l’entendit-elle siffler, les lèvres à quelques centimètres de Jessie.
On frappa encore fortement à la porte, avec encore plus d’insistance cette fois-ci.
“Ouvrez !” cria une voix d’homme. “C’est la Police de Los Angeles. Nous avons reçu un message d’urgence de cette adresse.”
Jessie sentit les doigts d’Andi s’enfoncer dans sa peau pour la retourner sur le dos. Elle garda les yeux fermés et essaya de ne pas respirer en espérant qu’elle ressemblerait ainsi à une personne inconsciente. La ruse ne fonctionna pas.
“Tu peux arrêter de faire semblant. Je sais que c’est toi qui les as appelés. Jamais ils n’auraient pu répondre aussi rapidement. Cela dit, tu ne t’en sortiras pas comme ça.”
Jessie entendit le son d’un objet que l’on cassait et décida qu’il était temps d’ouvrir les yeux. Quand elle le fit, la porte retentit comme si quelqu’un lui donnait des coups de pied.
Andi était agenouillée juste au-dessus d’elle et elle tenait un morceau de son verre de mojito brisé dans sa main droite, qui saignait abondamment. Elle avait les yeux tournés dans la direction de la porte qui résonnait.
“Dernière chance”, dit la voix d’homme. “Ouvrez la porte ou on la défonce.”
Andi baissa les yeux vers Jessie et vit qu’elle était réveillée. Elle écarquilla les yeux avec une joie démente et souleva le long tesson de verre au-dessus de sa tête avant de l’abattre.
Comme Jessie tenait encore son manteau, elle le leva pour bloquer le coup. D’abord, le verre fendit le tissu puis se bloqua. Ce faisant, il perdit son élan et n’atteignit pas le corps de Jessie.
Andi essaya de dégager le verre mais, ce faisant, elle réussit aussi à arracher le manteau des mains de Jessie. Quand Andi arracha violemment le verre du manteau, Jessie inspira aussi profondément que possible. Andi la fixa à nouveau du regard.
Fais quelque chose maintenant ou tu ne feras plus jamais rien.
Encore allongée sur le dos, Jessie leva son pied nu droit en l’air et en envoya un coup à Andi pendant que cette dernière plongeait vers l’avant. Son pied frappa violemment la poitrine de l’autre femme, l’envoyant reculer avant que l’arme en verre n’ait pu atteindre sa cible.
Le dos d’Andi heurta la table basse qui se trouvait derrière elle. La violence de l’impact lui éjecta le verre de la main. Elle s’effondra brièvement sur place, en apparence hébétée. Le son de la porte que l’on défonçait dans le hall la réveilla. Elle commença à chercher le morceau de verre sur le tapis.
Jessie décida de ne pas attendre qu’elle le retrouve. Aussi rapidement qu’elle le put, elle se roula sur l’estomac et commença à ramper dans la direction du vestibule. Elle entendit de l’agitation derrière elle et, quand elle soupçonna qu’Andi avait trouvé le verre et se relevait, elle essaya d’en faire autant.
Elle poussa vers le haut avec le peu de force qu’il lui restait dans les bras et se releva maladroitement en trébuchant vers l’avant. Devant elle, dans le couloir, elle entendit plusieurs voix et fonça dans cette direction, en équilibre instable. Alors qu’elle venait de traverser le seuil qui menait du salon à moquette dans le hall en marbre, elle sentit une douleur cuisante au mollet droit et une main qui l’agrippait par la cheville gauche. Elle tomba vers l’avant, lançant les bras devant elle pour se protéger la tête lors de l’impact avec le sol.
“Plus un geste”, cria une voix quelque part devant elle.
Elle leva les yeux et vit deux hommes en uniforme de la Police de Los Angeles qui avaient tous les deux tiré leurs armes et les pointaient plus ou moins dans sa direction. Derrière elle, elle entendit le son distinctif du verre qui heurtait le marbre et comprit qu’Andi avait dû laisser tomber le morceau qu’elle avait tenu.
“Heureusement que vous êtes ici, messieurs”, l’entendit dire Jessie. “Cette femme s’est introduite dans ma maison et m’a attaquée. J’ai dû utiliser un morceau de verre pour la repousser. Je pense qu’elle est délirante. Faites attention, je crois qu’elle est armée.”
Les policiers, qui pointaient tous deux leur arme au-dessus de Jessie dans la direction de la femme qui se trouvait derrière elle, avaient maintenant l’air perplexe. Jessie ne s’y était pas attendue et ne savait comment clarifier la situation. En plus, elle n’était même pas sûre de pouvoir encore parler. Sa gorge n’était plus fermée, mais elle lui paraissait à vif et serrée. Elle déglutit avec difficulté et parvint à prononcer le seul mot qui, espérait-elle, leur indiquerait la vérité.
“Hernandez.”
Les policiers échangèrent un coup d’œil avant de se concentrer à nouveau sur les femmes qui étaient devant eux.
“C’est Hernandez qui a envoyé l’alerte”, dit l’agent de devant à son collègue, “l’inspecteur Hernandez de Central Station. Si elle le sait, ce doit être elle qui a passé l’appel.”
“Menottons-les toutes les deux et on fera le tri plus tard”, dit l’agent de derrière.
“D’accord”, dit le premier. “Vous deux, mettez les mains là où nous pouvons les voir et ne bougez pas.”
Jessie hocha la tête, soulagée, et écarta les bras sur le sol devant elle. Si Andi était menottée, cela lui serait indifférent de l’être elle aussi. L’agent de police de devant rangea son arme et avança lentement vers elles.
Alors qu’il le faisait, Jessie entendit un raclement presque imperceptible derrière elle. Elle comprit immédiatement ce que c’était. Andi ramassait le verre. Avec toute la force qu’il lui restait, Jessie hurla aussi fort qu’elle le pouvait.
“Arme !”
Le second agent de police avait encore son arme en main et n’hésita pas à tirer. Malgré l’écho que le coup de feu produisit dans le couloir, Jessie entendit quelqu’un tomber par terre derrière elle. Alors, les hurlements commencèrent.
Andi beuglait un mélange indéchiffrable de cris inintelligibles et de mots aléatoires qui n’étaient que rarement cohérents comme “salope”, “à moi” et “payer”. Jessie jeta un coup d’œil derrière elle et vit la dame de la maison allongée sur le dos à un ou deux mètres. Son bras droit gisait immobile à son côté. Du sang lui coulait de l’épaule droite. De sa main gauche, elle cherchait quelque chose et, par intermittence, essayait d’arrêter le saignement. Le morceau de verre gisait par terre, à deux mètres, inoffensif.
Le premier agent de police dépassa rapidement Jessie pour s’occuper d’Andi. Le second agent de police, qui ne regardait que Jessie, rangea son arme et sortit ses menottes.
“Vous êtes Hunt ?” demanda-t-il en la regardant.
Jessie hocha la tête.
“Il faut quand même que je vous menotte jusqu’à ce qu’on ait clarifié la situation.”
“Je comprends”, dit Jessie en mettant les mains derrière le dos avant d’ajouter : “Est-ce que ça va aller pour elle ?”
“Elle s’en remettra”, dit l’inspecteur. “Je vise assez bien.”