Au bout d’un long moment, elle a rouvert les yeux. Le sapeur avait cessé de gémir. Est-ce qu’il était mort ? Elle a cherché à le voir. Elle ne voyait que son corps ratatiné dans la neige. Tout était immobile à présent. A quel moment on se rend compte que quelqu’un est mort ?
Elle a pris de la neige avec la main et elle se l’est passée sur le visage. La neige a crissé contre ses joues. Elle avait froid et en même temps elle avait l’impression de crever de chaud dans son uniforme, de manquer de souffle. De crever tout court. Elle étouffait. Elle essayait d’aspirer l’air mais il était trop gelé, il brûlait ses poumons. Elle avait échappé à l’attaque, mais elle allait mourir de froid. Ses jambes étaient couvertes de neige. Elle croyait que c’était ce qui les lui avait sauvées. Le froid avait éteint les brûlures sur sa peau.
Elle ne pouvait plus bouger. Pourtant, elle n’avait rien, ou presque. Mais elle n’avait pas pu remuer avant que les gars ne viennent la chercher. Elle ne se souvenait plus. Les renforts étaient arrivés. Elle ne savait pas si le combat avait duré trois heures, ou sept. La nuit tombait. Deux hélicoptères étaient en vol stationnaire au-dessus d’eux. Ils avaient largué des soldats, et des médecins.
Elle les entendait discuter de son corps et c’était comme s’ils parlaient d’une autre personne. Elle n’était plus concernée.
— Elle est vivante ?
— Vu les brûlures qu’elle a, elle crierait, si elle l’était encore.
— Magne-toi. Ils doivent être planqués quelque part et ils vont nous faire sauter la tête. Un, deux, trois.