Cette ville autrefois maîtresse de la terre, Rome, qui par le fer et le droit de la guerre domina si long-tems sur toute nation : Rome domine encor par la religion avec plus de douceur, et non moins d'étendue, son empire établi frappe d'abord ma vûe.
Ces peuples que l'erreur rendit ses ennemis, contre elle révoltés, à son dieu sont soumis.
Tout le nord est chrétien, tout l'orient encore est semé de mortels que ce grand titre honore.
Je vois le fer en main le superbe ottoman opposer à ce nom celui de musulman.
Il me semble d'abord que l'un et l'autre en guerre ; Mahomet et le Christ, se disputent la terre.
Mais de la mecque en vain le fameux fugitif, sous ses bisarres loix tient l'orient captif : en vain près du tombeau dont Médine est si fiere, turc, arabe, persan, tout baise la poussiere.
Le livre, dont l'aspect fait trembler le turban, et qui rend le muphti respectable au sultan, que dicta, nous dit-on, la colombe au prophète, m'apprend qu'il n'est du ciel qu'un second interprète ; que le Christ avant lui, premier ambassadeur, vint de l'homme tombé relever la grandeur.
Oui, le rival du dieu que les chrétiens m'annoncent, rend hommage lui-même à ce nom qu'ils prononcent.
O chrétien, je t'admire, et je reviens à toi : l'un et l'autre hémisphere est rempli de ta loi.
Des oracles du ciel es-tu dépositaire ?
De ta religion quel est le caractere ?
Si tu veux, répond-il, chercher sa vérité, remonte seulement à son antiquité.
L'histoire t'apprendroit sa naissance et son âge, si de l'homme en effet sa gloire étoit l'ouvrage.
Mais avec l'univers son âge prend son cours : elle naquit le jour que naquirent les jours.
A peine du néant l'homme venoit d'éclore, déja couloit pour lui le pur sang que j'adore : et mes premiers écrits, annales des humains, des mains du premier peuple ont passé dans mes mains.
Quand le ciel eut permis qu'à la race mortelle, un livre conservât sa parole éternelle, aux neveux d'Israël (Dieu les aimoit alors) Moïse confia le plus grand des trésors.
Les fils de ses neveûx conserverent le gage qu'un pere à ses enfans laissoit pour héritage.
Dans ce livre par eux de tout tems revéré le nombre des mots même est un nombre sacré.
Ils ont peur qu'une main téméraire et profane n'ose altérer un jour la loi qui les condamne, la loi, qui de leur long et cruel châtiment montre à leurs ennemis le juste fondement.
Du dieu qui les poursuit annonçant la justice, ils vont porter par-tout l'arrêt de leur supplice.
sans villes, et sans rois, sans temple et sans autels ; vaincus, proscrits, errans, l'opprobre des mortels, pourquoi de tant de maux leur demander la cause ?
Va prendre dans leurs mains le livre qui l'expose.
Là tu suivras ce peuple, et liras tour à tour ce qu'il fut, ce qu'il est, ce qu'il doit être un jour.
Je m'arrête, et surpris d'un si nouveau spectacle je contemple ce peuple, ou plutôt ce miracle.
Nés d'un sang, qui jamais dans un sang étranger, après un cours si long n'a pû se mêlanger ; nés du sang de Jacob, le pere de leurs peres, dispersés mais unis, ces hommes sont tous freres.
Même religion, même législateur : ils respectent toûjours le nom du même auteur : et tant de malheureux répandus dans le monde ne font qu'une famille éparse et vagabonde.
Medes, assyriens, vous êtes disparus : parthes, carthaginois, romains, vous n'êtes plus.
Et toi, fier sarrasin, qu'as-tu fait de ta gloire ?
Il ne reste de toi, que ton nom dans l'histoire.
Ces destructeurs d'états sont détruits par le tems, et la terre cent fois a changé d'habitans, tandis qu'un peuple seul, que tout peuple déteste, s'obstine à nous montrer son déplorable reste.
Que nous font, disent-ils, vos opprobres cruels, si le dieu d'Abraham veut nous rendre immortels ?
Non, non. Le dieu vivant, stable dans sa parole, a juré : son serment ne sera point frivole.
Il n'a point déchiré le contrat solemnel qu'il remit dans les mains de l'antique Israël.
Sur ses heureux enfans une étoile doit luire , et du sang de Jacob un chef doit nous conduire.
En vain par son oubli Dieu semble nous punir : nous esperons toûjours celui qui doit venir.
Fidéles au milieu de nos longues miseres, nous attendons le roi qu'ont attendu nos peres.
Le grand jour, il est vrai, qui leur fut annoncé, devroit briller sur nous ; et son terme est passé.
Gardons-nous toutefois, trop hardis interprètes, de supputer les tems marqués par les prophètes.
Maudit soit le mortel par qui sont calculés des jours cent fois prédits, dès long-tems écoulés.
Non que de ses sermens l'éternel se repente ; mais puisqu'il a voulu prolonger notre attente, l'esclave avec son maître a-t'il droit de compter ?
Ce calcul insolent vous osez le tenter, sacrileges chrétiens, jaloux de nos richesses, qui croyez posseder l'objet de nos promesses.
Hélas ! De quelle ardeur, si ce maître eût paru, sous ses nobles drapeaux tout son peuple eût couru !
Qu'il vous feroit gémir sous le poids de ses armes, et payer chèrement l'intérêt de nos larmes !
Ainsi parlent les juifs : terrible aveuglement !
D'un crime inconcevable étrange châtiment !
Leur roi promis du ciel, s'il n'en peut point descendre, si son terme est passé, pourquoi toûjours l'attendre ?
Ils attendront toûjours : cet oracle est rendu : le voile tant prédit est sur eux étendu.
Des antiques auteurs de ce fameux volume, Dieu, qui seul sait les tems, a donc conduit la plume.
Sans doute il est sacré ce livre dont je voi tant de prédictions s'accomplir devant moi.
Respectant désormais sa vérité divine, de la religion j'y cherche l'origine.
Je l'ouvre, et lis d'abord que brillant de splendeur l'homme à peine formé contemploit sa grandeur, qu'il ne put sans orgueil soutenir tant de gloire.
A l'ange séducteur il céda la victoire, et perdit tous ses droits à la félicité, droits qu'il auroit transmis à sa posterité, mais que révoqua tous la suprême justice.
L'immuable décret d'un éternel supplice regloit déja le sort de l'ange ténébreux.
Coupable comme lui, toutefois plus heureux, quand tout, pour nous punir, s'armoit dans la nature, l'homme entendit parler d'une grace future : et dans le même arrêt dont il fut accablé, par un mot d'espérance il se vit consolé.
A cet instant commence et se suit d'âge en âge, de l'homme réparé l'auguste et grand ouvrage ; et son réparateur alors comme aujourd'hui, ou promis, ou donné, réunit tout en lui.
On peut donc l'expliquer par ce livre admirable, aux Platons, comme à moi l'énigme inconcevable.
Le nuage s'écarte, et mes yeux sont ouverts.
Je vois le coup fatal qui change l'univers : j'y vois entrer le crime et son désordre extrême.
Enfin je ne suis plus un mystére à moi-même.
Le noeud se développe, un rayon qui me luit, de ce sombre cahos a dissipé la nuit.
Mais l'enfant innocent peut-il pour héritage ? ...
Ce doute seul, hélas ! Ramene le nuage, et ce n'est plus encor qu'un cahos que je voi.
Dieu, l'homme, et l'univers, tout y rentre pour moi.
Quand je crois, la lumiere aussi-tot m'est rendue : Dieu, l'homme, et l'univers tout revient à ma vûe.
L'ouvrage fut parfait, il est défiguré.
Apprenons à quel point l'homme s'est égaré.
Le pere criminel d'une race proscrite peupla d'infortunés une terre maudite.
Pour prolonger des jours destinés aux douleurs, naissent les premiers arts, enfans de nos malheurs.
La branche en longs éclats céde au bras qui l'arrache : par le fer façonnée elle allonge la hache ; l'homme avec son secours, non sans un long effort, ébranle, et fait tomber l'arbre dont elle sort : et tandis qu'au fuseau la laine obéissante suit une main legere, une main plus pesante frappe à coups redoublés l'enclume qui gémit, la lime mord l'acier, et l'oreille en frémit.
Le voyageur qu'arrête un obstacle liquide, à l'écorce d'un bois confie un pied timide.
Retenu par la peur, par l'intérêt pressé, il avance en tremblant ; le fleuve est traversé.
Bien-tôt ils oseront, les yeux vers les étoiles, s'abandonner aux mers sur la foi de leurs voiles.
Avant que dans les pleurs ils paîtrissent leur pain, avec de longs soupirs ils ont brisé le grain.
Un ruisseau par son cours, le vent par son haleine, peut à leurs foibles bras épargner tant de peine ; mais ces heureux secours, si présens à leurs yeux, quand ils les connoîtront, le monde sera vieux.
Homme né pour souffrir, prodige d'ignorance, où vas-tu donc chercher ta stupide arrogance ?
Tandis que le besoin, l'industrie, et le tems polissent par degré tous les arts différens ; enfantés par l'orgueil tous les crimes en foule inondent l'univers ; le fer luit, le sang coule.
Le premier que les champs bûrent avec horreur fut le sang qui d'un frere assouvit la fureur.
Ces malheureux tombant d'abîmes en abîmes fatiguerent le ciel par tant de nouveaux crimes, qu'enfin, lent à punir, mais las d'être outragé par un coup éclatant leur maître fut vengé.
De la terre aussi-tôt les eaux couvrent la face : ils sont ensevelis ; c'étoit fait de leur race : mais un juste épargné va rendre en peu de tems à ce monde désert de nouveaux habitans.
La terre toutefois jusques-là vigoureuse perdit de tous ses fruits la douceur savoureuse.
Des animaux alors on chercha le secours ; leur chair soutint nos corps réduits à peu de jours.
Les poëtes, dont l'art par une audace étrange sait du faux et du vrai faire un confus mêlange, de leurs recits menteurs prirent pour fondemens les fidéles recits de tant d'évenemens : et pour mieux amuser les oisives oreilles, chercherent dans ces faits, leurs premieres merveilles.
De-là ces tems fameux qu'ils regrettent encor, doux empire de Rhée, âge pur, siécle d'or, où, sans qu'il fût besoin de loix ni de supplice, l'amour de la vertu fit regner la justice.
Siécle d'or, sous ce nom puisqu'ils l'ont célébré, ce siécle plus heureux, où l'or fut ignoré.
Sobre dans ses desirs, l'homme pour nourriture se contentoit des fruits offerts par la nature.
La mort tardive alors n'approchoit qu'à pas lents.
Mais las de dépouiller les chênes de leurs glands, il essaya le fer sur l'animal timide.
La fléche dans les airs chercha l'oiseau rapide : l'innocente brebis tomba sous sa fureur ; et ce sang au carnage accoutumant son coeur, le fer devint bien-tôt l'instrument de sa perte : et de crimes enfin la terre étoit couverte, lorsqu'un déluge affreux en fut le châtiment.
Tout nous rappelle encor ce grand évenement.
Fable, histoire, physique, ont un même langage.
Au livre des hébreux ainsi tout rend hommage, et même l'on diroit que pour s'accréditer la fable en sa naissance ait voulu l'imiter.
Laissons-la toutefois s'égarer dans sa course, et de la vérité suivons toûjours la source.
La terre sort des eaux, et voit de toutes parts reparoître les fruits, les hommes et les arts.
Tout renaît, nos malheurs, et nos crimes ensemble.
Sous des toits chancellans d'abord on se rassemble : la crainte fait chercher des azyles plus sûrs ; on creuse les fossés, on éleve les murs : de ceux de ses voisins on jure la ruine.
On attaque, on renverse, on pille, on assassine.
Homme injuste et cruel, que dans son repentir le dieu qui t'avoit fait voulut anéantir, malheureux dont il vient d'abréger la carriere, pourquoi brille ce fer dans ta main meurtriere ?
Le ciel t'a-t'il encor accordé trop de jours ?
Mais qui va de leur rage entretenir le cours ?
Quel intérêt les forme au grand art de la guerre ?
Egaux, et souverains, tous maîtres de la terre, ils la possedent toute, en n'y possedant rien.
il est à moi ce champ ; ce canton c'est le mien.
Ce ruisseau... de mon bras il faut que tu l'obtiennes.
S'il couloit sous tes loix, qu'il coule sous les miennes. on s'empare d'un arbre ; on usurpe un buisson.
De roi, de conquérant le vainqueur prend le nom.
Dans son vaste domaine il met cette riviere : bien-tôt cette montagne en sera la frontiere.
L'Alexandre s'avance, et n'est plus un brigand : c'est l'heureux fondateur d'un empire puissant, que d'un nouvel empire allarme la naissance.
Provinces, nations, royaumes, tout commence.
La terre sur son sein ne voit que potentats, qui partagent sa boue en superbes états : et sur elle on prépare aux majestés suprêmes, pourpres, trônes, palais, sceptres et diadêmes.
Mais lorsque par le fer leur droit est établi, le droit du ciel sur eux tombe presque en oubli ; et recherchant ce dieu dont la mémoire expire, l'homme croit le trouver dans tout ce qu'il admire.
De l'astre qui pour lui renaît tous les matins, ainsi que la lumiere il attend ses destins.
Aux feux inanimés qui roulent sur leurs têtes, les peuples en tremblant demandent des conquêtes.
Des dons de leurs pareils, bien-tôt reconnoissans, ils adorent des arts les auteurs bienfaisans.
Devant son Osiris l'égypte est en priere : vainement un tombeau renferme sa poussiere ; grossierement taillée une pierre en tient lieu.
D'un tronc qui pourrissoit le ciseau fait un dieu.
Du heurlant Anubis la ridicule image fait tomber à genoux tout ce peuple si sage.
Je ne vois chez Ammon qu'horreur, que cruauté : le sacrificateur, bourreau par piété, du barbare Moloch assouvit la colere avec le sang du fils, et les larmes du pere.
Près de ce dieu cruel, un dieu voluptueux honoré par un culte impur, incestueux, Chamos qui de Moab engloutit les victimes, de ses adorateurs n'exige que des crimes.
Que de gémissemens et de lugubres cris !
O filles de Sidon, vous pleurez Adonis : une dent sacrilege en a fletri les charmes ; et sa mort tous les ans renouvelle vos larmes.
Et toi, savante Grece, à ces folles douleurs, nous te verrons bien-tôt mêler aussi tes pleurs.
La foule de ces dieux qu'en égypte on adore ne te suffira point : à de nouveaux encore de l'immortalité tu feras le présent : ton Atlas gémira sous un ciel trop pesant.
Nymphes, faunes, sylvains, divinités fécondes, peupleront les forêts, les montagnes, les ondes.
Chaque arbre aura la sienne, et les romains un jour de ces maîtres vaincus esclaves à leur tour, prodigueront sans fin la majesté suprême.
Empereurs, favoris, Antinoüs lui-même par arrêt du sénat entreront dans les cieux, et les hommes seront plus rares que les dieux.
Terre, quelle est ta gloire, et quel tems de lumiere quand la divinité se rend si familiere !
Courons, l'argent en main, entourer ses autels : elle est prête à répondre au moindre des mortels.
Dans Delphes, dans Delos elle fait sa demeure : aux sables de l'Afrique elle parle à toute heure : à Dodone sans peine on peut l'entretenir, et d'un chêne prophète apprendre l'avenir.
Pourquoi le demander, s'il est inexplicable ?
Que sert de le savoir, s'il est inévitable ?
Des maux que nous craignons, pourquoi nous assûrer ?
L'incertitude au moins nous permet d'espérer.
N'importe : les destins que le ciel nous prépare, à notre impatience il faut qu'il les déclare, et s'ils ne sont écrits dans le coeur d'un taureau, nous irons les chercher dans le vol d'un oiseau.
O sagesse d'Athene ! ô gravité de Rome !
O délire honteux de la raison de l'homme !
Où va-t'elle quand Dieu cesse de l'éclairer ?
A d'ignorans hébreux il daigne se montrer : ce seul coin de la terre est sauvé du naufrage.
C'est Dieu, qui par amour en écarte l'orage.
L'ordre des élémens se renverse à sa voix ; la nature est contrainte à s'écarter des loix qu'au premier jour du monde il lui dicta lui-même, mais que change à son gré sa volonté suprême.
Ce peuple si sincere attestant aujourd'hui les prodiges nombreux que le ciel fit pour lui, dans ses solemnités en garde la mémoire.
Je pourrois dans mes vers en retracer l'histoire.
L'on y verroit encor la mer ouvrir ses eaux, les rochers s'amolir, et se fondre en ruisseaux, les fleuves effrayés remonter à leur source, l'astre pompeux du jour s'arrêter dans sa course.
Mais frappé tout à coup par l'éclat glorieux, que les prophètes saints font briller à mes yeux ; chez un peuple qui marche au milieu des miracles je ne veux m'arrêter qu'au plus grand des spectacles.
Dans un tems qu'à des jours et tranquilles et longs,
A des fertiles champs, à des troupeaux féconds, il semble que le ciel ait borné ses promesses ; on voit, ambitieux de plus nobles richesses, des hommes pleins du dieu dont ils sont inspirés.
Errans, de peaux couverts, des villes retirés, ils n'y vont quelquefois, ministres infléxibles, que pour y prononcer des menaces terribles.
Aux rois épouvantés ils n'adressent leur voix, que comme ambassadeurs du souverain des rois.
Chassés, tristes objets d'opprobres et de haines, déchirés par le fer, maudits, chargés de chaînes, dans les antres cachés, contens dans leur malheur de se rassasier du pain de la douleur, admirables mortels dont la terre est indigne, ils répétent que Dieu rejettera sa vigne ; que sur une autre terre, et sous un ciel nouveau le loup doit dans les champs bondir avec l'agneau .
Ils répétent que Dieu las du sang des genisses, abolissant enfin d'impuissans sacrifices, verra la pure hostie immolée en tous lieux : la terre produira son germe précieux.
Du juste de Sion, que les isles attendent, déja de tous côtés les rayons se répandent. de son immense gloire ils sont environnés, quand par un autre objet tout à coup détournés, ce juste à leurs regards n'est plus reconnoissable.
sans beauté, sans éclat, ignoré, méprisable, frappé du ciel, chargé du poids de nos malheurs, le dernier des humains, et l'homme de douleurs, avec des scelerats, ainsi que leur complice, comme un agneau paisible on le mene au supplice. quel autre que le dieu qui dévoile les tems présentoit à leurs yeux ces tableaux différens ?
Ils nous font espérer un maître redoutable, le prince de la paix, le dieu fort, l'admirable !
Son trône est entouré de rois humiliés : ses ennemis vaincus frémissent à ses pieds : son regne s'étendra sur les races futures. sa gloire disparoît, et couvert de blessures, c'est le pasteur mourant d'un troupeau dispersé.
En contemplant celui que ses mains ont percé, saisi d'étonnement un peuple est en allarmes : la mort d'un fils unique arrache moins de larmes. David qui voit de loin ce brillant rejetton, plus sage, plus heureux, plus grand que Salomon, du sein de l'éternel sortir avant l'aurore, dans l'horreur des tourmens David le voit encore.
Du roi de Babilone admirable captif, à deux objets divers Dieu te rend attentif.
Elevé sur son trône, à son fils qui s'avance il donne à haute voix l'empire et la puissance.
Mais tout change à tes yeux : ce fils est immolé ; le christ est mis à mort, le lieu saint désolé : le grand prêtre éperdu dans la fange se roule : tout périt, l'autel tombe, et le temple s'écroule.
C'est ce même captif qui voit tous à leurs rangs, pareils à des éclairs, passer les conquérans.
Il voit naître et mourir leurs superbes empires.
Babylone, c'est toi qui sous le perse expires.
Alexandre punit tes vainqueurs florissans.
Rome punit la Grece, et venge les persans.
Elle renversera toute grandeur suprême ; et le marteau fatal sera brisé lui-même.
O Rome, tes débris seront les fondemens d'un empire vainqueur des hommes et des tems !
Mais ce n'est point assez qu'annonçant ces miracles, des prophètes nombreux répétent leurs oracles.
Tout rempli du dessein qu'il doit exécuter, Dieu par des coups d'essai semble le méditer.
A nos yeux à toute heure il en montre une image, et dans ces premiers traits crayonne son ouvrage.
Que les plus tendres mains conduisent au bucher ce fils obéissant qui s'y laisse attacher, paisible sacrifice, où le prêtre tranquille va frapper sans pâlir sa victime immobile ; que l'enfant le plus cher, en esclave vendu, et du sein de l'opprobre à la gloire rendu, aimé, craint, adoré des villes étrangeres, soit enfin reconnu par ses perfides freres ; pour le sang d'un agneau, que rempli de respect l'ange exterminateur s'écarte à son aspect ; que de tant de maisons au glaive condamnées celles que teint ce sang soient seules épargnées ; qu'en attachant ses yeux sur un signe élevé, par un heureux regard le mourant soit sauvé ; que le jour de tristesse où le grand-prétre expire, à tant de malheureux que son trépas retire des azyles prescrits à leur captivité, devienne un jour de grace et de félicité ; que par les criminels proscrit pendant l'orage le juste en périssant les sauve du naufrage : qu'il revive, et ne soit victime que trois jours, du monstre qui parut l'engloutir pour toûjours : tout m'annonce de loin ce que le ciel projette ; et sans cesse conduit par un peuple prophète, j'arrive pas à pas au terme desiré, où le dieu tant de fois prédit et figuré, doit de son régne saint établir la puissance, ce régne dont mes vers vont chanter la naissance.