Le verbe égal à Dieu, splendeur de sa lumiére, avant que les mortels sortis de la poussiere, aux rayons du soleil eussent ouvert les yeux : avant la terre, avant la naissance des cieux, éternelle puissance, et sagesse suprême, le verbe étoit en Dieu, fils de Dieu, Dieu lui-même.
Fils de Dieu, cependant fils de l'homme à la fois, peut-il toûjours égal... je m'arrête, et je crois.
Foible et fiere raison, dépouille ton audace.
Le vent souffle : qui peut en découvrir la trace ?
Etonnés de son bruit, nous sentons son pouvoir : notre oreille l'entend, notre oeil ne le peut voir.
Quelque trouble ici bas que mon ame ressente, la foi, fille du ciel, devant moi se présente.
Sur une ancre appuyée, elle a le front voilé ; et m'éclairant du feu dont son coeur est brûlé, " vien, dit-elle, sur moi. L'éclat que je fais luire, quand tu baisses les yeux, suffit pour te conduire.
Est-ce le tems de voir, que le tems de la nuit ?
En attendant le jour, docile à qui t'instruit, tu dois à chaque pas, plus adorer qu'entendre, plus croire que savoir, et plus aimer qu'apprendre. " faut-il, dit le déiste, enchaîner sa raison ?
N'est-elle pas du ciel le plus précieux don ?
Et pouvons-nous penser qu'en nous l'être suprême veuille étouffer un feu, qu'il alluma lui-même ?
Il l'alluma sans doute, et cet heureux présent par son premier éclat guidoit l'homme innocent.
Aujourd'hui presque éteinte, une flâme si belle ne prête qu'un jour sombre à l'ame criminelle : mais la foi le ranime avec un feu plus pur.
Et d'indignes mortels l'osent trouver obscur, quand par bonté pour eux un dieu se manifeste !
Il leur en dit assez : qu'ils ignorent le reste.
Jusques au tems prescrit le grand livre est scellé.
A notre orgueil hélas ! Que n'a-t'il pas voilé ?
Pourrons-nous pénétrer ses mystéres sublimes, quand ses moindres secrets sont pour nous des abîmes ?
La nature à nos yeux sans cesse vient s'offrir : le livre à tout moment semble prêt à s'ouvrir.
Que de siécles perdus sans que rien nous attire à rechercher du moins ce que l'homme y peut lire ?
Et lorsque nos besoins, le tems et le hazard nous contraignent enfin d'y jetter un regard, instruits de quelques faits, en savons nous les causes ?
Etonné du spectacle, en vain tu te proposes, philosophe hardi, d'en suivre le dessein.
En vain tu veux chercher la nature en son sein : là tu trouves écrit, arrète, témeraire, nul de vous n'entrera jusqu'en mon sanctuaire .
Oui, même en ces objets si présens à nos yeux tout devient invisible à l'oeil trop curieux ; et celui qui captive une mer furieuse, borne aussi des humains la vûe ambitieuse.
Pour sonder la nature ils font de vains efforts, ils en verront les jeux, et jamais les ressorts.
Par-tout elle nous crie, adorez votre maître : contemplez, admirez, jouissez sans connaître .
D'une attentive étude embrassant le parti, du sein de l'ignorance un mortel est parti.
A-t'il tout parcouru ? Pour fruit de tant de peine, à l'ignorance encor son savoir le ramene.
Tu rougis, fier mortel : prête à me démentir, ta vanité murmure : il faut l'anéantir.
De tes fameux progrès cherchons quelle est la gloire : faisons de ton esprit l'humiliante histoire.
L'intérêt nous donna nos premieres leçons : l'amour de nos troupeaux, le soin de nos moissons nous firent d'un tems cher devenir oeconomes, et la nécessité nous rendit astronomes.
Pouvions-nous mieux régler nos travaux et nos jours,
Que sur ces corps brillans, si réglés dans leur cours ?
Le peuple qui du Nil cultivoit le rivage, les observa long-tems sous un ciel sans nuage.
Pour mieux les contempler, sous différens cantons il les partage entr'eux, et leur cherche des noms.
Cassini, Galilée, excusez vos ancêtres : leurs yeux accoutumés à des objets champêtres, ne virent dans le ciel que chiens, beliers, taureaux ; vous y saurez un jour porter des noms plus beaux.
Saturne et Jupiter vanteront leur cortége.
Mais de l'antiquité quel est le privilége ?
Ces premiers noms donnés par de vils laboureurs imprimeront en nous d'éternelles erreurs.
O trop heureux l'enfant qui naît sous la balance !
De son cruel voisin détestons la puissance.
Horace frémira, s'il sait que le hazard en naissant l'a frappé de ce triste regard.
Sur la voûte des cieux notre histoire est écrite.
Dans ce livre fatal plus d'un Cardan médite : achetons leur faveur. Richelieu, Mazarin, vous-mêmes prodiguez vos bienfaits à Morin : ses yeux lisent un chiffre impénétrable aux vôtres ; qu'il vous fasse trembler, faites trembler les autres.
D'une éternelle nuit le peuple menacé rappelle par ses cris le soleil éclipsé.
Mais quel corps menaçant vient troubler la nature par son étincelante et longue chevelure ?
Qu'un si grand appareil annonce de fureur !
Vil peuple, il ne doit point te causer de terreur : d'un important couroux ces députés sinistres, si ce n'est pour des rois, partent pour des ministres.
Le ciel a du loisir, ou nous fait trop d'honneur : le seul cri d'un hibou peut nous flétrir le coeur.
De tes astres, ô ciel, n'éteins pas la lumiere, verrons-nous sans pâlir tomber notre saliere ?
Rassurez-nous, devins, charmes, enchantemens, amulettes, anneaux, baguettes, talismans, et tant d'autres secours qu'embrasse une ignorance, si folle dans sa crainte, et dans son espérance.
De toutes nos erreurs quand le nombreux essain dans l'égypte produit, s'échappa de son sein, l'amour d'un doux climat l'emporta dans la Grece.
Un peuple qu'endormoient dans une longue ivresse la musique, les vers, les danses, et les jeux, d'Apelle, de Scopas, et d'Homere amoureux, consacrant aux beaux arts ses yeux et ses oreilles, du ciel et de la terre oublia les merveilles.
Leurs sages rarement en parurent frappés : et jamais les romains n'en furent occupés.
Tout plein de son héros, au lieu de la nature Lucrece leur chanta les rêves d'épicure.
Ambitieux de vaincre, et non de discourir, l'art des enfans de Mars, fut l'art de conquérir.
L'étude a peu d'attraits pour les maîtres du monde.
Le soleil, disoient-ils, va se coucher dans l'onde, la voûte dont le cercle a pour base la mer, sous son dôme brillant couvre la terre et l'air, et le vieux ocean, pere de la nature, étend autour de nous son humide ceinture.
Tels étoient leurs progrès, lorsque du vrai savoir la fureur des combats éteignit tout espoir.
Foible par sa grandeur, ce n'étoit qu'avec peine que sur la terre encor Rome étendoit sa chaîne.
D'esclaves trop nombreux son empire accablé, malgré son double appui, se sentit ébranlé ; et lorsque par les mains du conquérant herule le trône des Césars tomba sous Augustule, sa chûte fit trembler celui des constantins.
Le fameux imposteur suivi des sarrasins, jetta les fondemens d'un pouvoir formidable, que sous un autre nom rendit plus redoutable le peuple que l'Euxin vomit de ses marais, du jour que le second de ses fiers mahomets, la gloire du croissant, et la terreur du monde, eut enfin foudroyé Bizance et Trébisonde.
Que nos plus beaux palais de cendres soient couverts ; mais pourquoi tant d'écrits à nos regrets si chers, sont-ils brûlés comme eux, vainqueur impitoyable ?
L'ignorance à tes voeux sans doute est favorable.
Que crains-tu ? Son empire est par-tout affermi, depuis que du bon sens un savoir ennemi, trouvant l'art d'obscurcir le maître des ténèbres, forme dans ses écrits tous ces docteurs célèbres, qui le dilême en main prétendent de l'abstrait catégoriquement diviser le concret .
Quand viendra ton vengeur, ô raison, qu'on outrage !
De tant de mots pompeux le superbe étalage trouvoit de tous côtés d'ardens admirateurs, et la nature entiere étoit sans spectateurs.
L'intérêt cependant va nous rapprocher d'elle.
Un genois nous apprend, quelle étrange nouvelle !
Qu'au delà de ce monde il est un monde encor, monde dont l'habitant abandonne tout l'or.
Nous volons. Quel que soit l'objet qui nous anime,
Comment de tant de mers franchissons-nous l'abîme ?
Si long-tems sur sa feuille attaché dans un coin, par quel effort l'insecte a-t'il rampé si loin ?
Un aiman (le hazard dans l'air le fit suspendre) en regardant le pôle, aux yeux qu'il dût surprendre révela cet amour qu'on ne soupçonnoit pas : amour heureux pour nous, et fatal aux yncas.
Nos flottantes forêts couvrent le sein de l'onde.
La boussole nous rend les citoyens du monde.
Des deux Indes pour nous elle ouvre tous les ports ; et nous en rapportons par elle les trésors.
Tant d'objets différens, tant de fruits, tant de plantes, (que de l'esprit humain les conquêtes sont lentes ! ) donnent enfin naissance aux desirs curieux, et la terre ramene à l'étude des cieux.
Foibles amas du sable, ouvrage de la cendre, deux verres, (le hazard vient encor nous l'apprendre) l'un de l'autre distans, l'un à l'autre opposés, qu'aux deux bouts d'un tuyau des enfans ont placés, font crier en Zélande ! ô surprise ! ô merveille !
Et le toscan fameux à ce bruit se réveille.
De Ptolomée alors, armé de meilleurs yeux il brise les cristaux, les cercles, et les cieux.
Tout change : par l'arrêt du hardi Galilée la terre loin du centre est enfin exilée.
Dans un brillant repos, le soleil à son tour, centre de l'univers, roi tranquille du jour, va voir tourner le ciel, et la terre elle-même.
Le peuple épouvanté croit entendre un blasphême : et six ans de prison forcent au repentir, d'un systême effrayant l'infortuné martyr.
La terre cependant à sa marche fidelle, emporte Galilée, et son juge avec elle.
D'un monde encor nouveau que d'habitans obscurs, vous tirez du néant, illustres réaumurs !
Pourquoi sans spectateur tout un peuple en silence veut-il nous dérober tant de magnificence ?
Sans un verre nos yeux ne le connoîtroient pas.
Celui qui fit ces yeux pour veiller sur nos pas ne nous en donne point pour voir tous ses ouvrages : et lorsque nous voulons percer jusqu'aux nuages où s'enferme ce dieu, de ses secrets jaloux, pour regarder si haut, quels yeux espérons-nous ?
Vers de terre, à la terre arrêtez votre vûe.
A peine sa beauté jusqu'alors inconnue à plus d'une merveille eut sçu nous attacher, que l'on vit en tous lieux, du soin de les chercher naître l'heureux dégoût des questions si folles, dont, monarque absolu des bruyantes écoles, le héros de Stagyre allumoit la fureur.
Du vuide la nature avoit encor horreur.
Rassurons-nous pourtant. Le jour commence à naître : nous allons tous penser, Descartes va paraître.
Il vit toûjours caché : mais ses brillans travaux forment ses sectateurs, ainsi que ses rivaux.
Ils tiennent tous de lui, leurs armes et leur gloire, et même ses vainqueurs lui doivent leur victoire.
Nous pouvons aujourd'hui porter plus loin nos pas, nous courons ; mais sans lui nous ne marcherions pas.
Si la France n'eût point produit cette lumiere, Londres de son Newthon ne seroit pas si fiere.
Par eux l'esprit humain, qu'ils honorent tous deux, instruit de sa grandeur la reconnoît en eux.
Mais sitôt que trop loin l'un ou l'autre s'avance, l'esprit humain par eux apprend son impuissance.
Descartes le premier me conduit au conseil, où du monde naissant Dieu régle l'appareil.
Là d'un cubique amas, berceau de la nature, sortent trois élemens de diverse figure : là ces angles qu'entre eux brise leur frottement, quand Dieu, qui dans le plein met tout en mouvement, pour la premiere fois fait tourner la matiére, se changent en subtile et brillante poussiere.
Newton ne la voit pas ; mais il voit, ou croit voir dans un vuide étendu tous les corps se mouvoir.
Exerçant l'un sur l'autre un mutuel empire, par les mêmes liens l'un et l'autre s'attire, tandis qu'au même instant et par les mêmes loix vers un centre commun tous pesent à la fois.
Qui peut entre ces corps de grandeur inégale décrire les combats de la force centrale ?
L'algèbre avec honneur débrouillant ce cahos, de ses hardis calculs hérisse son héros.
Vous que de l'univers l'architecte suprême eût pû charger du soin de l'éclairer lui-même : des travaux qu'avec vous je ne puis partager, si j'ose vous distraire, et vous interroger, dites-moi quel attrait à la terre rappelle ce corps que dans les airs je lance si loin d'elle ; la pesanteur... déja ce mot vous trouble tous.
Expliquez-moi du moins ce qui se passe en vous.
Au sortir d'un repas, dans votre sein paisible, quel ordre renouvelle un combat invisible ?
Et quel heureux vainqueur a pû si promptement chercher, saisir, dompter, broyer cet aliment, qui bien-tôt liqueur douce ira de veine en veine se confondre en son cours dans le sang qui l'entraîne ?
Dans un autre combat, non moins cher à nos voeux,
Comment peut une écorce, espoir d'un malheureux, attaquer, conquérir, enchaîner l'ennemie, qui tantôt en fureur, et tantôt endormie, a fait trêve avec nous le jour de son sommeil ?
Mais au jour de colere exacte à son réveil elle rallume un feu qui dans nos yeux pétille.
Tous nos esprits subtils, vagabonde famille, s'égarent dans leur course : en désordre comme eux l'ame même s'oublie, et dans ce trouble affreux, la mort prête à frapper, déja leve sa foudre.
Que d'allarmes, quels maux appaise un peu de poudre !
De systêmes savans épargnez-vous les frais, et ces brillans discours qui n'éclairent jamais.
Avouez-nous plutôt votre ignorance extrême.
Hélas ! Tout est mystére en vous-même, à vous-même.
Et nous voulons encor qu'à d'indignes sujets le souverain du monde explique ses projets, quand ce corps, de notre ame esclave méprisable, lui cache ses secrets d'un voile impénétrable !
De la religion si j'éteins le flambeau, je me creuse à moi-même un abîme nouveau.
Déiste, que pour toi la nuit devient obscure, et de quel voile encor tu couvres la nature !
A tes yeux comme aux miens peut-elle rappeller celui qui pour un tems ne veut que m'exiler ?
Si la terre n'est point un séjour de vengeance, peux-tu dans cet ouvrage admirer sa puissance ?
La peste la ravage, et d'affreux tremblemens précedent la fureur de ses embrasemens ; le froid la fait languir, la chaleur la dévore, et pour comble de maux son roi la deshonore.
L'être pensant, qui doit tout ordonner, tout voir, dans ses tristes états aveugle, et sans pouvoir, jouet infortuné de passions cruelles, est un roi qui commande à des sujets rebelles, et le jour de sa paix est le jour de sa mort.
Son état, tu le sais, attend le même sort : tout périra, le feu réduira tout en cendre.
Tu le sais dès long-tems : mais sauras-tu m'apprendre par quel caprice un dieu détruit ce qu'il a fait ?
Que n'avoit-il du moins rendu le tout parfait ?
S'il ne l'a pû ce dieu ; qu'a-t'il donc d'admirable ?
S'il ne l'a pas voulu, te semble-t'il aimable ?
Tu t'efforces en vain, toi qui prétens tout voir, d'arracher le rideau qui fait ton désespoir.
Pour moi j'attens qu'un jour Dieu lui-même l'enleve : il suffit qu'un instant la foi me le souleve.
J'en vois assez, et vais t'apprendre sa leçon, qui console à la fois le coeur et la raison.
Oui, le tout doit répondre à la gloire du maître : l'univers est son temple, et l'homme en est le prêtre.
Le temple inanimé, sans le prêtre est muet.
Cet immense univers, de la main qui l'a fait doit par la voix de l'homme adorer la puissance, et rendre le tribut de la reconnoissance.
Ce tribut dura peu : l'ordre fut renversé, quand par le prêtre ingrat, le dieu fut offensé.
La nature perdit toute son harmonie ; avec le criminel la terre fut punie, de l'homme, et de ses fils le déplorable sort fut la pente au péché, l'ignorance et la mort.
mais ces fils n'étoient pas ; une race future... lorsque le créateur frappe sa créature, est-ce à notre justice à mesurer les coups ?
Et ce qu'un dieu se doit, mortels, le savez-vous ?
La terre ne fut plus un jardin de délices.
Ministre cependant de nos derniers supplices, et maintenant si prompte à les exécuter, la mort, sous un ciel pur, sembloit nous respecter.
Hélas ! Cette lenteur à prendre ses victimes ne fit que redoubler notre ardeur pour les crimes.
Une seconde fois frappant notre séjour le ciel défigura l'objet de notre amour.
La terre par ce coup jusqu'au centre ébranlée, hideuse quelquefois, et toûjours désolée, vit sur son sein flétri les cavernes s'ouvrir, des montagnes de sable en cent lieux la couvrir, et s'élever sur elle en ténébreux nuages, de funestes vapeurs, meres de tant d'orages.
Les saisons en désordres et les vents en couroux fournissent à la mort des armes contre nous ; et toute la nature, en ce tems de souffrance, captive, gémissante, attend sa délivrance ; au criminel soumise, obéit à regret, se cache à nos regards, et soupire en secret.
Oui tout nous est voilé, jusqu'au moment terrible, moment inévitable, où Dieu rendu visible, précipitant du ciel tous les astres éteints, remplacera le jour, et sera pour ses saints cette unique clarté si long-tems attendue.
Pour eux-mêmes sévere, ici bas à leur vûe il se montre, il se cache ; et par l'obscurité conduit ceux qu'autrefois perdit la vanité.
De quoi se plaindre ? Il peut nous ravir sa lumiere : par grace il ne veut pas la couvrir toute entiere.
Qui la cherche, est bien-tôt pénetré de ses traits ; qui ne la cherche pas, ne la trouve jamais.
Ainsi de nos malheurs j'explique le mystére.
Dans un maître irrité j'admire un tendre pere : et je ne vois par-tout que rigueurs et bontés, châtimens et bienfaits, ténèbres et clartés.
Si ma religion n'est qu'erreur et que fable, elle me tend, hélas ! Un piége inévitable.
Quel ordre ! Quel éclat ! Et quel enchainement !
L'unité du dessein fait mon étonnement.
Combien d'obscurités tout à coup éclaircies !
Historiens, martyrs, figures, prophéties, dogmes, raisonnement, écrits, tradition, tout s'accorde, se suit ; et la séduction à la vérité même en tout point est semblable.
Déistes, dites-nous quel génie admirable nous sait de toutes parts si bien envelopper, que vous devez rougir vous-mêmes d'échapper.
Quand votre dieu pour vous n'auroit qu'indifférence, pourroit-il, oubliant sa gloire qu'on offense, permettre à cette erreur, qu'il semble autoriser, d'abuser de son nom pour nous tyranniser ?
Par quel crédit encor, si loin de sa naissance ce mensonge en tous lieux a-t'il tant de puissance ?
De l'Islande à Java, du Mexique au Japon, du hideux ottentot jusqu'au transi lapon, nos prêtres de leur zèle ont allumé les flames ; ils ont couru par-tout pour conquérir des ames ; des esclaves par-tout ont chéri leurs vainqueurs : que leur fable est heureuse à soumettre les coeurs !
Si des rives du Gange aux rives de la Seine, entraînés par l'ardeur qui vers eux nous entraîne, d'éloquens talapoins, munis d'un long sermon, accouroient nous prêcher leur sommonokodon, ou que, prédicateurs au bon sens moins contraires, l'alcoran dans leurs mains, des derviches austeres, de par le grand prophète en termes foudroyans vinssent nous proposer d'être de vrais croyans ; quelle moisson de coeurs feroient de tels apôtres ?
Leurs peuples cependant ont tous reçu les nôtres.
Un dieu né dans le sein de la virginité, un dieu pauvre, souffrant, mort, et ressuscité, ne commande par eux que pleurs, et pénitence.
Est-ce de leurs discours la brillante éloquence, qui peut à sa pagode arracher un chinois ?
Quel champ pour l'orateur que la crêche et la croix ?
Le dieu qui l'a prédit opére ce miracle.
Tout peuple, toute terre entendra son oracle.
Sa loi sainte sera publiée en tous lieux : je me soumets sans peine à ce joux glorieux.
Quoique captive enfin la raison qui m'éclaire n'y voit point de lumiere à la sienne contraire.
Mais son flambeau s'unit au flambeau de la foi, et toutes deux ne font qu'une clarté pour moi.
Le verbe s'est fait chair ; je l'adore, et m'écrie : trois fois saint est celui qui m'a rendu la vie.
De l'horreur du néant à ton ordre tout sort : en toi seul est la vie, et sans toi tout est mort, ô sagesse, ô pouvoir dont le monde est l'ouvrage, du très-haut, ton égal, la parole et l'image.
Quand sous nos traits caché, tu parus ici bas, les ténèbres, grand dieu ne te comprirent pas.
Aujourd'hui que ta gloire éclate à notre vûe ; que ta religion est par-tout répandue ; de superbes esprits, yvres d'un faux savoir, quand tu brilles sur eux, refusent de te voir.
Leur déplorable sort ne doit point nous surprendre, les ténèbres jamais ne pourront te comprendre.
L'aveugle environné de l'astre qui nous luit, couvert de ses rayons est toûjours dans la nuit.
En vain ces insensés parlent d'un premier être : sans toi, verbe éternel, peuvent-ils le connoître ?
Ouvre leur coeur, mes vers ne le pourront ouvrir, change les. Mais pour eux quand je veux t'attendrir, moi-même ai-je oublié que ton arrêt condamne le pécheur insolent, dont la bouche profane aux hommes sans ton ordre ose annoncer ta loi ?
Et dois-je t'implorer pour d'autres que pour moi ?
L'impiété s'armoit d'une fureur nouvelle : l'arche sainte en péril m'a fait trembler pour elle, et j'ai crû que ma main la pourroit soutenir : oui j'ai couru. Tu vas peut-être m'en punir ; et mon zèle peut-être irrite ta colere, quand je crains pour ta gloire et celle de ton pere.
O crainte, que la foi doit chasser de mon coeur !
Tu n'as point parmi nous besoin d'un défenseur.
Du prince des enfers que la rage fremisse ; qu'il ébranle, s'il peut, ton auguste édifice : quand mes yeux le verroient tout prêt à succomber, l'arche du dieu vivant ne peut jamais tomber.