ATTENDRE UN LIVRE

Mon éditrice est pressée. Elle veut mon livre sur l’impatience tout de suite.

Elle n’a pas perdu de temps, elle a déjà fait une maquette et annoncé à la presse le nombre de pages qu’il aura.

Me voilà condamné à écrire 210 pages d’« un récit plein de tendresse, d’humour et de mélancolie sur la patience et nos urgences ».

Je comprends sa précipitation…

Elle n’ose pas me le dire. C’est pour conjurer le sort.

Elle a peur que je meure avant de l’avoir terminé.

 

Cela dit, si je disparais, elle pourra éditer à titre posthume les pages déjà écrites. Ce sera bon pour la pub.

Je pense aux ventes de disques de Johnny.

Je pense à Schubert, à ses neuf symphonies. La plus célèbre est celle qu’il n’a pas achevée.