LA NUIT DE L’IMPATIENCE

Pour les enfants, le plus beau jour, ce n’est pas le jour de Noël. C’est la veille du jour de Noël.

La veille, on attend, on imagine… On a dans la tête tous les cadeaux du monde.

Demain, jour de Noël, on aura seulement son cadeau : il faudra s’en contenter.

Nous allions mes frères et moi à la messe de minuit à la chapelle de Bonsecours, notre père n’était jamais là. Il fêtait Noël au bistrot.

Je me souviens encore des anges joufflus qui virevoltaient au-dessus de l’autel. De la musique de l’harmonium et de la chorale des religieuses qui chantaient « Il est né le divin enfant » et « jouez hautbois et résonnez musettes ».

 

Quand on rentrait à la maison, on avait droit à un morceau de brioche, un chocolat chaud et le cadeau.

Je me souviens d’une année où j’avais demandé au petit Jésus que mon papa ne boive plus et qu’il ne fasse plus pleurer maman. Je lui demandais aussi un revolver. Je voulais un Solido. Exprès je n’avais pas dit la marque. On m’avait dit que le petit Jésus savait tout et lisait dans nos pensées : on allait voir si c’était vrai !

 

Je n’ai pas eu un Solido mais un revolver sans marque et papa a continué à boire jusqu’à la fin de sa courte vie. Il est mort à 43 ans.

J’ai depuis, à l’égard de Jésus, une certaine méfiance.