Note de l’auteur


Même si ce roman est une œuvre de fiction, une partie de l’histoire s’inspire de faits réels, le recrutement de jeunes gens par la Stasi en particulier. On estime que, à l’époque de la chute du Mur en 1989, environ six pour cent des cent soixante-treize mille collaborateurs officieux de la Stasi avaient moins de dix-huit ans. Ce recrutement des jeunes a commencé en 1970 et s’est amplifié au cours des années quatre-vingt. Vous en saurez plus en consultant le livre Stasi auf dem Schulhof, de Klaus Behnke et Jürgen Wolf.

En RDA, la méthode d’exécution privilégiée était la guillotine jusqu’au milieu des années soixante, époque à partir de laquelle on lui a préféré la balle dans la nuque. Il fallut attendre 1987 pour que la peine de mort soit abolie. En 1982, Erich Mielke, chef de la Stasi, déclara que les agents de la Stasi « devaient avoir recours à l’exécution si nécessaire, même sans procès ». On peut entendre cette déclaration glaçante dans l’exposition permanente du musée de la Stasi, situé dans l’ancien quartier général de l’organisation, à Leipzig.

Bien que la maison de correction évoquée dans ce roman soit fictive, le centre éducatif fermé de Torgau était tristement célèbre pour les violences sexuelles et physiques qu’y subissaient les pensionnaires. Heidemarie Puls, qui y fut enfermée dans les années soixante-dix, a fourni dans son livre Schattenkinder hinter Torgauer Mauern un témoignage direct poignant qui m’a inspiré certains détails de la toile de fond du roman. L’unique maison de correction de Rügen a fermé ses portes dans les années cinquante. Prora, qui est toujours là, vaut cependant la visite.

L’idée du tunnel fictif censé permettre la fuite d’Ackermann et Neumann m’a été inspirée par la galerie de cinquante mètres passant sous le mur de Berlin que s’était fait creuser le dirigeant est-allemand Erich Honecker au cas où ses concitoyens se retourneraient contre lui. Comme Ackermann dans mon roman, il n’eut jamais l’occasion de s’en servir.

L’île de Vilm, qui existe vraiment, servait de villégiature à l’élite politique est-allemande. L’histoire des abus sexuels qui s’y seraient déroulés est quant à elle purement fictive, tout comme celle du bal costumé organisé au sommet du Brocken. La base soviétique de Gross Zicker à Rügen décrite dans ce livre l’est tout autant ; cependant, la base de Klein Zicker (démantelée depuis) était bien située non loin de là.

Je n’ai pas la preuve que les pensionnaires des maisons de correction est-allemandes participaient à la fabrication de meubles pour l’Ouest. En revanche, des prisonniers politiques de la Stasi ont bien participé à la production de certains meubles IKEA dans les années soixante-dix et quatre-vingt, dont le célèbre canapé KLIPPAN. En novembre 2012, Peter Betzel, directeur de la succursale allemande d’IKEA, a présenté des excuses officielles à une salle remplie d’anciens prisonniers après que le cabinet d’audit Ernst & Young eut confirmé que les dirigeants de l’entreprise étaient au courant de ces pratiques.

La partie de l’intrigue concernant l’accord pour le rapatriement des mineurs de moins de seize ans s’inspire d’un article fascinant intitulé « Flight to Freedom », publié sur Internet par Thomas Pucci, un ancien militaire américain. Un jour, au milieu des années soixante-dix, Pucci et son ami Harry Knights ont été témoins de la fuite d’un adolescent de quatorze ans près de la cité de Düppel, à Berlin. Knights a même pris des photos. Bien que le garçon ait réussi à éviter les pistes de la mort et à passer à l’Ouest, Pucci raconte qu’il fut incarcéré par les autorités ouest-allemandes. Trois jours plus tard, d’après la une des journaux, on le remettait aux autorités est-allemandes en vertu du fameux accord.

Au cours d’une enquête pour meurtre datant de 1977, des agents de la Stasi ont vraiment ramené à l’Est une voiture de location ouest-allemande pour lui faire subir des analyses scientifiques et techniques ; je tiens ces informations du professeur Remo Koll, auteur de l’ouvrage Die Kriminalpolizei im Ostteil Berlins (1945-1990). La Stasi avait une branche spécialisée dans les homicides et collaborait étroitement à l’enquête si le suspect était lié au SED (Parti socialiste unifié d’Allemagne), le parti au pouvoir. Il lui arrivait d’ailleurs de prendre la relève de la Kripo dans les enquêtes criminelles : le professeur Kroll cite le cas du meurtre de plusieurs nouveau-nés dans un hôpital de Leipzig en 1986.

Enfin, et bien qu’il soit arrivé à certains dirigeants de parader dans leur Volvo, c’est le plus souvent du haut d’une tribune, dans le plus pur style soviétique, qu’ils assistaient aux défilés officiels. Pour les besoins de l’intrigue, j’ai donc pris la liberté de modifier les souvenirs du défilé du vingt-cinquième anniversaire de la RDA que nous fait partager Karin.

J’espère que la lecture de ce roman vous a procuré autant de plaisir que j’en ai pris à l’écrire et qu’il vous incitera à visiter l’est de l’Allemagne où le fantôme de l’univers totalitaire que fut la RDA est encore très palpable – mais sans doute plus pour très longtemps.

Pour en savoir plus, rendez-vous sur mon site :

www.stasichild.com