Le jour le plus long

Dès les premières heures du jour, deux hommes armés avaient été placés à l’entrée du portail ouvert dans la muraille, et qui donne accès à la plage, avec pour consigne de barrer le passage aux éventuels candidats à la baignade, lesquels étaient en fait des plus rares en raison d’une forte houle. Quand je m’y aventurai, ceux que j’avais pris pour des gendarmes en tenue de plongée m’enjoignirent de déguerpir, sans que j’aie pu entrevoir sur la plage autre chose qu’un groupe d’hommes qui n’avaient rien d’estivants.

 

De retour à l’hôtel, je ne manquai pas d’observer, à l’heure du déjeuner, le comportement du maître d’hôtel qui, loin de me prêter la moindre attention, m’ignorait ostensiblement. Comme je lui en faisais la remarque, l’individu, en qui je reconnus aussitôt l’un des deux cerbères de la plage, me demanda sans plus de façons si je disposais d’une voiture, auquel cas, me dit-il, j’aurais à me rendre au plus vite au terminal du ferry pour y chercher un homme et une femme qui se feraient reconnaître sitôt débarqués, et les ramener avec leurs bagages à l’hôtel le plus discrètement possible. M’y étant refusé, je me vis enjoint de regagner ma chambre et de n’en pas ressortir avant d’y avoir été convié.

Au matin, tout sembla être rentré dans l’ordre. Le téléphone ayant été rétabli après avoir été coupé durant la nuit, en raison me dit-on de violents orages qui n’avaient pour autant pas troublé mon sommeil, étonnamment profond, je commandai, n’ayant pas dîné la veille au soir, un copieux petit déjeuner que je pris dans ma chambre. Pour plus de sûreté, je ne quittai pas celle-ci avant le soir, où après avoir travaillé tout le jour, je descendis à nouveau pour dîner, et constatai avec satisfaction que le maître d’hôtel avait changé. Comme je m’enquérais du sort de son collègue, je m’entendis répondre qu’il ne s’agissait là que d’un remplaçant temporaire, qui n’appartenait pas au personnel régulier de l’hôtel, et qu’on ne reverrait sans doute jamais.