À la mi-mars 1992, mark McCahill se rend à San Diego pour la première fois de sa vie et s’installe au Hyatt Islandia, un hôtel de luxe surplombant mission Bay. Pour ce natif de minneapolis, chercheur en informatique en charge du projet Gopher à l’Université du Minnesota, la Californie ressemble à un rêve exotique peuplé de soleil et de palmiers, comparé au Minnesota enfoui sous la neige en cette saison. McCahill, âgé de 36 ans, dirige alors le Microcomputer Center (Centre de micro-informatique) de l’Université de Twin Cities à minneapolis. Avec Farhad Anklesaria, programmateur du centre, il a été invité à participer à la 23e convention de l’Internet Engineering Task Force (IETF), rassemblant peu ou prou toutes les têtes pensantes qui décidaient de la manière dont Internet était censé se développer : « Les dieux de l’Internet », comme les nommait McCahill avec une certaine ironie dans le Minnpost de septembre 2016 ; « des gens en jean et en T-shirt, quelquefois pieds-nus, conversant avec beaucoup d’excitation », se rappelait Tim Berners-Lee, qui assistait aussi à la conférence. Lui et McCahill méritent de figurer en bonne place au panthéon des « dieux de l’Internet », Berners-Lee en tant que créateur du World Wide Web, monde virtuel tissé de liens hypertexte qui permettait aux premiers internautes de naviguer d’un site à l’autre, et McCahill, bientôt dieu déchu, inventeur du protocole de navigation Gopher qui aurait bien pu prendre la place du World Wide Web si ce dernier ne l’avait finalement détrôné.
Cette 23e conférence organisée par l’IETF avait une importance toute particulière au vu des circonstances. En 1992, Internet était sur le point de devenir une technologie largement ouverte au grand public : 6 000 réseaux différents y cohabitaient, dont un tiers outre-mer, et une application mise au point cette année-là, appelée le World Wide Web, permettait de naviguer avec facilité d’un site à l’autre. Mais le World Wide Web n’était pas seul : le Gopher de McCahill permettait déjà d’effectuer des recherches plus aisément sur le réseau et de naviguer d’un serveur à un autre grâce à une interface logicielle gérant l’accès aux données en ligne. En 1994, l’administration Clinton privatisa le backbone, c’est-à-dire le réseau NSFNET autour duquel s’étaient greffés les autres sous-réseaux, afin de passer le relais à des firmes privées, chargées de prendre en main les communications longue distance. Mais deux ans auparavant, la commercialisation et l’usage massif du réseau s’annonçaient déjà quand Tim Berners-Lee présenta le 18 mars 1992 le projet du World Wide Web dans une salle de conférence de l’Hôtel Islandia. Berners-Lee expliqua à l’auditoire qu’il était désormais possible de connecter l’information mise en ligne à partir des différents serveurs qui constituaient le « réseau des réseaux » de l’Internet en utilisant le logiciel du CERN qui permettait de cliquer sur un mot, une phrase ou un document pour en retrouver un autre, qu’il soit mis en ligne sur le même site ou hébergé sur un serveur distant. Comme une araignée tissant les fils de son piège, la « Toile » du World Wide Web permettait de capturer et de relier toutes les informations les unes aux autres par des fils invisibles.
Dans la compétition qui s’annonçait pour proposer cet outil d’accès universel à l’information en ligne, le World Wide Web avait déjà des concurrents, dont certains plus anciens que lui. Il y avait prospero, un ensemble de protocoles et d’applications intégrées permettant de rechercher, indexer et accéder à des données en ligne. Prospero avait été développé à la fin des années 80 par Clifford Neuman, à l’Université de Washington. Au moment où se tenait la conférence de l’IETF, Neuman avait intégré l’Institut des Sciences de l’Information de l’Université de Californie du Sud où il travaillait également avec Ari medvinsky à la conception de NetCheque, un système de paiement en ligne pionnier permettant de signer des chèques par e-mail ou par le biais d’autres protocoles de signature électronique, dont le principe pavait d’ailleurs la voie au futur Bitcoin de Satoshi Nakamoto. Il y avait aussi wAIS, système de recherche dans les bases de données des ordinateurs distants, développé également à la fin des années 1980, ou encore « Hyper-G », un projet autrichien qui ne dépassa jamais le stade de la conception théorique.
Mais il y avait surtout Gopher, projet sur lequel mark McCahill et son collègue Farhad Anklesaria avaient commencé à travailler à peu près au même moment que Berners-Lee et Cailliau sur le World Wide Web, et qui était opérationnel depuis 1991. C’était le concurrent le plus sérieux du Web parce qu’il était simple – il suffisait de télécharger et installer Gopher pour commencer à effectuer des recherches sur l’Internet – et parce qu’il était déjà fonctionnel, ce qui n’était pas encore tout à fait le cas du Web de Berners-Lee. En réalité, quand McCahill et Anklesaria viennent présenter leur création, cela fait déjà quelques mois qu’une partie des invités l’utilisent assidûment pour rechercher des informations et télécharger des fichiers sur le net. Les deux concepteurs de Gopher, qui avaient emprunté pour nommer leur projet le nom de la mascotte de leur université, « The Golden Gopher », « la marmotte dorée », n’avaient pas imaginé que leur invention était déjà allée si loin, et pour eux l’avenir semblait soudain plein de promesses.
À l’époque où McCahill travaille sur Gopher, au tout début des années 1990, avec Farhad Anklesaria, David Johnson, Paul Linder et Bob Alberti, le Centre de micro-informatique de l’Université du Minnesota a un petit air de Silicon Valley avant l’heure. McCahill, qui pratiquait la planche à voile sur ses temps de loisirs, sentait monter la vague d’une nouvelle révolution informatique ; un sentiment que, malheureusement, une bonne partie des responsables des recherches en informatique de l’Université du Minnesota ne partageait pas. Un schisme s’était même opéré entre le groupe de McCahill et les « grands prêtres de l’informatique » qui croyaient, en termes de recherche, dans le pouvoir des machines puissantes et encombrantes qui avaient servi jusque-là les développements techniques, et avaient du mal à accepter l’idée d’une démocratisation de l’informatique grâce à l’ordinateur personnel. En conséquence, le Centre de micro-informatique de l’Université du Minnesota apparaissait au début des années 1990 comme une cellule schismatique et potentiellement hérétique de l’université. Quand Anklesaria fit la démonstration d’un serveur (une machine stockant des données disponibles en ligne) et d’un client (une machine capable d’effectuer des recherches en ligne pour se connecter au serveur) à McCahill, celui-ci prit conscience qu’il s’agissait de la direction dans laquelle il fallait aller mais se douta qu’il recevrait peu de soutien de la part de l’université. Utilisant le système d’exploitation développé par Steve Jobs avec sa société NeXT fondée en 1985 et le protocole mis au point par son confrère Anklesaria, McCahill mit au point l’un des tout premiers logiciels permettant d’explorer les banques de données mises en ligne à partir de multiples serveurs distants sur Internet grâce à un moteur de recherche. L’interface était sobre, voire austère : pas d’image, du texte et des liens sur lesquels il suffisait de pointer son « Gopher » (c’est comme ça qu’on disait) pour aller explorer les arcanes d’Internet. Le tout était d’une simplicité d’utilisation enfantine. C’est Anklesaria qui trouva le nom « Gopher », jeu de mots entre « Gopher », « marmotte », la mascotte de l’université, « gofer », « homme à tout faire » et le terme « Gopher » qui en informatique désigne un logiciel permettant d’établir un tunnel de communication entre deux machines sur Internet. En 1991, alors que McCahill et Anklesaria baptisent la première version fonctionnelle de leur système, Tim Berners-Lee fait fonctionner avec succès la première version du World Wide Web sur lequel il travaille depuis 1989, également à partir d’ordinateurs NeXT.
L’équipe de développement de Gopher était composée d’individus assez folkloriques. McCahill lui-même affectionnait le style hippie-geek aux cheveux longs. Paul Lindner, programmeur associé au projet, ponctuait ses courriels de citations tirées de paroles du groupe de rock alternatif Babes in Toyland et le reste de l’équipe se partageait entre amateurs de heavy metal et fans de Nirvana si bien que les serveurs utilisés pour le développement du projet Gopher furent nommés mudhoney, Danzig et Anthrax. Bob Alberti, qui avait participé à la conception du premier jeu de rôle en ligne multijoueurs prénommé Milieu et renommé Scepter of Goth en 1983, était plus tourné quant à lui vers la musique folk. On l’autorisa à baptiser le dernier serveur Indigo, en hommage à son groupe préféré, les Indigo Girls. La petite équipe travailla sans relâche pour achever le projet en trois semaines et le présenter au comité directeur de l’université au cours d’une réunion plénière. La réunion fut un désastre.
Dans tous les pays du monde et à toutes les époques, le monde universitaire a nourri des avancées intellectuelles admirables comme la sclérose et l’immobilisme les plus affligeants. De la même manière que le pauvre Denis papin au XVIIe siècle se vit confronté en terre germanique ou à Londres aux multiples rivalités et mesquineries de savants et chercheurs qui contribuèrent à enterrer ses recherches révolutionnaires, les concepteurs de Gopher furent confrontés dans leur université à des représentants particulièrement bornés, directeurs de recherche ou administrateurs jaloux de leur pré carré ou incapables de concevoir la moindre entorse au protocole hiérarchique et capables de ruiner les meilleures initiatives en s’en félicitant auprès de leurs collègues pendant des années. Bob Alberti se souvient ainsi d’une universitaire sautant littéralement sur place en hurlant : « Nous ne pouvons pas faire ça ! Nous ne pouvons pas faire ça ! » en entendant la présentation du projet Gopher. Il n’y a pas que dans la France de Giscard et du minitel qu’on était capable de laisser passer une innovation majeure en raison d’un attachement obsessionnel et déraisonnable au bon vieux principe du « on a toujours fait comme ça jusqu’à présent ! ». En Amérique aussi ce genre de choses arrive et l’équipe de Gopher en fit la triste expérience. La direction de l’Université du Minnesota n’acceptait tout simplement pas l’idée que l’on puisse mettre à disposition du public un service de recherche et de navigation non-centralisé qui se passerait des ressources informatiques centrales de l’université pour s’en remettre à un ordinateur NeXT et quelques serveurs portant des noms de groupe de metal et donnerait à n’importe quel individu la possibilité d’arpenter Internet à partir d’un ordinateur personnel. « Ne faites plus jamais ça ! », hurla-t-on aux oreilles de McCahill, Alberti, Linder et Anklesaria… et les crédits du projet Gopher furent coupés.
La petite équipe décida donc de continuer à travailler de manière indépendante au développement de Gopher : « Dans cette bureaucratie de fief, où personne ne travaille avec personne, ce qui nous unissait dressait aussi tout le monde contre nous », se rappelle McCahill. En avril 1991, il prend la décision de rendre Gopher public en donnant accès au logiciel sur Internet via un serveur FTP, la façon plus commune de partager l’information sur Internet à l’époque, c’est-à-dire en téléchargement directement à partir de répertoires de fichiers mis en ligne. En quelques semaines, le produit commença à être utilisé au sein d’une communauté de plus en plus importante, un peu partout aux États-Unis et dans le monde. Gopher fut, selon McCahill, le premier phénomène viral d’Internet. Les responsables de l’université, recevant de plus en plus d’appels d’utilisateurs de Gopher demandant quand une nouvelle version du logiciel allait être distribuée ne savaient pas quoi répondre, incapables de comprendre de quoi on leur parlait exactement. Au bout d’un an, des centaines de serveurs Gopher avaient commencé à éclore un peu partout, mis en place par des particuliers utilisant le logiciel. Al Gore, sénateur à ce moment, vint même rendre visite à l’équipe des concepteurs. Mais la direction de l’Université du Minnesota qui s’était opposée dans un premier temps au projet Gopher souhaitait maintenant avoir sa part du gâteau. Lors de la GopherCon organisée en 1993, Shin Yen paul, l’un des rares membres du conseil d’administration à avoir soutenu le projet dans ses premières phases de développement, dut annoncer que les utilisateurs de Gopher devraient désormais payer une redevance de plusieurs centaines de dollars à l’Université du Minnesota pour continuer à l’utiliser. Gopher était un logiciel open source et la plupart des utilisateurs avaient contribué à l’améliorer en ajoutant des modifications au programme. Le sentiment de trahison fut total et cela tombait très mal car au même moment, le World Wide Web de Berners-Lee ne cessait lui d’étendre sa toile alors que le CERN avait sagement annoncé que le logiciel était disponible gratuitement. Tout en exigeant la perception d’une redevance, l’Université du Minnesota n’accorda cependant pas un centime de plus sur ses fonds au développement de Gopher, et la petite équipe de McCahill se trouva confrontée à l’impossible tâche de devoir mettre Gopher aux standards désormais fixés par le World Wide Web de Cailliau et Berners-Lee. À l’impossible nul n’est tenu : comment réussir à tenir le pari technique de l’intégration d’images dans l’interface et de sa modernisation avec une équipe composée seulement de six concepteurs et sans un soutien financier adéquat ? En 1993, le trafic Internet généré par Gopher était toujours plus important que celui du Web de Berners-Lee et Cailliau mais la tendance commençait à s’inverser. Et les concepteurs de Gopher passèrent eux-mêmes à côté d’une opportunité quand Tim Berners-Lee proposa à mark McCahill lors de la conférence IETF de mars 1992 de travailler ensemble à un hybride Gopher/web. McCahill refusa car il trouvait que le projet de Berners-Lee n’était pas assez avancé.
Deux ans plus tard, en 1994, les choses avaient bien changé. Le World Wide Web gagnait chaque jour plus d’utilisateurs. Le premier navigateur commercial, mosaic, était arrivé sur le marché en 1993 et l’administration américaine avait accepté de laisser les rênes du vieux NSFNET aux opérateurs privés. Le net était devenu une affaire commerciale et la technologie progressait vite, autorisant une navigation bien plus rapide sur les applications telles que le World Wide Web, que les mauvaises langues avaient un temps surnommé le « World Wide Wait ». La possibilité d’afficher des images sur le Web assura son succès final, tandis que Gopher restait technologiquement à la traîne. Pour Bob Alberti, la pilule du succès du Web et de la défaite de Gopher fut difficile à avaler : « Au début, Berners-Lee put communiquer sur Internet à propos du Web grâce à Gopher qui permettait aux gens de télécharger des fichiers ou de trouver des groupes de discussion dans lesquels ils parlaient du projet. » Néanmoins, reconnaît tristement Alberti, c’est l’image qui a donné la victoire finale au Web, la possibilité donnée à n’importe qui d’afficher sur son ordinateur personnel l’image en couleur d’une femme nue. « C’est ce qui a amené à beaucoup faire avancer Internet », reconnaît Alberti : « le porno ». Plus prosaïquement, Farhad Anklesaria admet lui que « vous devez être au bon moment et au bon endroit pour que votre innovation décolle et devienne populaire ». Apparemment, le début des années 90 et l’Université du Minnesota n’étaient ni le bon moment ni le bon endroit. Ce fut d’ailleurs l’université qui porta le coup de grâce à Gopher en imposant à l’équipe des programmeurs de mettre au point un système de gestion informatique du budget plus efficace, quand l’institution se retrouva dans le collimateur du fisc en 1995. Cette dernière corvée enleva à McCahill et à son équipe toute possibilité de continuer à travailler sur Gopher qui s’éteignit pour de bon. Bonne mère, l’Université du Minnesota a cependant fini par rendre hommage à mark McCahill en affichant sa photo, accompagnée d’une citation dans le Wall of discovery, situé à l’entrée de l’établissement : « Nous étions les types qui menaçaient de semer la zizanie de différentes manières. Du moins nous étions des agitateurs, en aidant les gens à utiliser les micro-ordinateurs, et nous faisions bouger les lignes. » La reconnaissance est venue bien tard. Trop tard en tout cas pour que la « toile » soit inventée plutôt dans une université du Minnesota qu’en Suisse.
Du projet Gopher il ne reste plus rien ni personne. McCahill est parti à l’université de Duke en 2007, Lindner s’est installé en Suisse afin de travailler pour les Nations-Unies en 1996. Anklesaria a pris sa retraite en 2016 et le premier serveur, le MotherGopher, a été débranché par quelqu’un à l’université vers la fin des années 90, sans que personne ne sache vraiment quand ni par qui. Il reste pourtant aujourd’hui un peu plus d’une centaine de serveurs disséminés de par le monde, permettant au réseau Gopher de continuer à exister, parallèlement au World Wide Web, grâce en particulier aux efforts de Cameron Kaiser, un Gophernaute passionné résidant dans le sud de la Californie en charge du projet overbite, proposant le téléchargement de versions améliorées et mises à jour du logiciel Gopher et l’accès au réseau Gopher via le serveur du projet overbite.
L’accès au réseau Gopher toujours existant est extrêmement simple puisqu’il suffit de se rendre sur la page d’accueil d’overbite (http://gopher.floodgap.com/overbite/). Il est possible à partir de là d’installer Gopher overbite sur Firefox, Chrome ou Internet Explorer ou de cliquer tout simplement sur le lien intitulé Public Gopher Proxy pour accéder à Gopher via la page d’accueil mise en ligne à partir du serveur de Cameron Kaiser et de sa société Floodgap : http://gopher.floodgap.com/gopher/. Ensuite, il suffit de cliquer sur le lien nommé « standard version » dans la colonne Proxy access pour avoir véritablement accès au GopherSpace qui survit sur Internet parallèlement au Web. La découverte de cet univers hors du temps numérique donne une étrange bouffée de nostalgie. Si l’exploration urbaine est à la mode aujourd’hui, à en croire les centaines de vidéos postées sur Youtube, une virée sur Gopher donne l’impression de s’adonner à une forme inédite de netexploration en naviguant sur le vieux concurrent du World Wide Web. Pour autant, contrairement aux entrepôts abandonnés qu’affectionnent de plus en plus les amateurs de ruines urbaines, Gopher est loin d’être abandonné, visité quotidiennement par une communauté curieuse et assidue de Gophernautes et maintenu en vie par quelques centaines de passionnés sur un réseau de serveurs lilliputien en comparaison du World Wide Web.
Sans être assimilé à un darknet tel que Freenet ou Tor, Gopher constitue pourtant bien un véritable réseau parallèle qui trouve sa place dans les interstices d’Internet. Animé par une petite communauté de Gophernautes, il propose de se connecter à de multiples sites consacrés à des thématiques variées, de l’informatique à la cuisine en passant par la politique, la météo, la musique, l’économie, les critiques de cinéma et autres. En revanche, pas plus que sur Freenet il n’est possible d’y trouver la recette de la blanquette de veau, et le graphisme des pages reste très sommaire. Mais comme en témoigne le responsable d’overbite, l’une des principales portes d’accès à Gopher sur Internet et sur le Web : « Il est plutôt agréable d’avoir ce petit écosystème parce que personne ne publie de publicités intrusives dans le Gopherspace ou ne tente de traquer vos habitudes de navigation Internet. Le protocole de Gopher rend la première option difficile et la seconde presque impossible. »
Comme le proclament les aficionados de Gopher, à bien des égards, le petit réseau parallèle est l’antithèse de ce qu’est devenu le World Wide Web, à savoir un réseau immense, invasif et intrusif, dans lequel l’utilisateur est constamment traqué par la publicité et les entreprises de toutes sortes qui font commerce de ses données personnelles. Le réseau Gopher est, osera-t-on dire, un réseau littéraire dont l’image et la vidéo sont presque totalement bannies, et où la culture de l’immédiateté et de la facilité n’a pas sa place. Il faut parcourir, lire, apprendre, avec la sensation très étrange de pénétrer dans un monde resté à peu près à l’écart du Big Browser/Brother du World Wide Web. À la différence de Freenet, I2P ou Tor, Gopher ne garantit pas l’anonymat à ses utilisateurs – à eux de se débrouiller pour cela par d’autres moyens – mais seulement le calme, la tranquillité et le retour à une certaine conception du partage de l’information faisant de la lenteur et de la patience des vertus plutôt que des désavantages. Comme le proclame la page célébrant les 25 ans du réseau : Plain text is beautiful !