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Dirk Barnevelt enleva la housse de son clavier et se mit au travail.

 

« À quelque 25° au nord de l’équateur de Krishna s’étend la mer Banjao, la plus grande étendue d’eau de la planète. Là se cache le Sunqar, empire de légendes et de mystère. Sous les rayons torrides de Roqir pourrissent lentement les galères pointues de Dour et les trirèmes ventrues de Jazmurian, prises dans l’étreinte impitoyable de ce vaste continent flottant mi-aquatique, mi-végétal.

Même les violents orages qui sévissent dans cette partie de la planète arrivent à peine à rider la surface de cet immense marécage glauque. Pourtant, parfois, apparaît un bouillonnement sinistre qui révèle la présence des monstres qui règnent en maîtres incontestés des profondeurs, le plus redoutable étant le gvàm, autrement appelé “le harponneur”. »

 

Barnevelt s’adossa confortablement contre son siège et laissa errer son imagination. Il y avait déjà deux ans qu’il décrivait laborieusement les endroits explorés par Igor Shtain. Les verrait-il un jour ? Peut-être, si sa mère mourait… mais cela était peu probable. Grâce aux progrès de la gériatrie moderne, elle pouvait tenir le coup pendant encore un siècle. Son arrière-arrière-grand-père, qui habitait aux Pays-Bas, était bien vivant. Et puis, pensa-t-il coupablement, ce n’est pas ainsi qu’un homme doit penser à sa mère. Il reprit son récit.

 

« Une fois pris dans cette toile d’herbes et de racines, rien ne peut s’en échapper. Seul ce qui vole, telles ces chauves-souris d’eau qui viennent de la terre ferme pour se nourrir de plancton et d’algues, peut se déplacer au-dessus de cette immensité. Ici le temps est aboli. Rien n’existe sauf le silence et la chaleur, et l’odeur de putréfaction qui monte de cette végétation empoisonnée. »

 

Au moins, songea Barnevelt, ce boulot d’écrivassier valait mieux que d’essayer – comme cela lui était arrivé une fois dans sa vie – de faire entrer de force les pages glorieuses de la littérature anglaise dans les cervelles réfractaires de quelques jeunes paysans uniquement préoccupés par deux sujets : le sexe et comment échapper au plus vite aux rigueurs du système pédagogique.

 

« C’est là, jusqu’au cœur de ce monde funeste, qu’Igor Shtain, le plus célèbre des explorateurs de notre époque, se propose de pénétrer lors de sa prochaine expédition, afin d’éclaircir une fois pour toutes les sinistres rumeurs qui depuis des années courent sur cet étrange Sunqar, toujours inconnu. »

 

Barnevelt s’abîma dans une profonde méditation. Que pouvait-il ajouter ? Et quelle tuile si Shtain ne réapparaissait pas ! Plus d’expédition possible. Toute cette belle prose que lui, Dirk Barnevelt, avait pondue, ne pouvait sortir que si le fameux explorateur était présent. Or, il avait bel et bien disparu.

 

« Oui, direz-vous, mais pourquoi Shtain ne demande-t-il pas tout simplement au pilote d’un vaisseau de le déposer au bord de la mer Banjao ? De là, il partirait en hélicoptère, toutes ses armes et ses caméras pointées vers le sol. Eh bien, parce que Krishna est une planète classée H et que les règlements du Conseil interplanétaire interdisent aux visiteurs venant d’autres planètes de révéler les découvertes technologiques à ses habitants. En effet, bien que ceux-ci soient ovipares, leur apparence extérieure est très semblable à la nôtre et on les considère d’une part trop arriérés et belliqueux pour leur laisser de tels engins entre les mains, mais d’autre part assez intelligents pour apprendre à les utiliser.

C’est pourquoi il n’y aura ni hélicoptère ni armes pour faciliter la tâche du docteur Shtain. Il lui faudra passer par la voie la plus difficile et la plus dangereuse. Mais comment ? Sachant qu’il est impossible de marcher ou de naviguer sur le Sunqar… »

 

Une voix résonnant derrière son épaule le fit sursauter.

— Dirk ? C’est l’heure de la réunion.

C’était Mme Fischman, la secrétaire de la société Igor Shtain & Cie.

— Quelle réunion ? demanda-t-il bêtement.

Mme Fischman leva les yeux au ciel, comme elle le faisait chaque fois que Barnevelt se montrait étourdi.

— La réunion avec la direction, voyons. Ils veulent vous voir.

Il la suivit jusqu’à la salle de réunion, le cœur serré par l’angoisse, tel un homme se rendant devant la Cour martiale pour y entendre le verdict le condamnant. Les trois responsables de la société étaient déjà présents. Il y avait là Stewart Laing, vice-président et administrateur ; Olaf Thorpe, le banquier, et Panagopoulos, trésorier. Depuis la disparition d’Igor Shtain, Mme Fischman complétait ce quatuor directorial.

Bien que le président qui avait donné son nom à la société soit absent en chair et en os, son image en trois dimensions trônait sur le mur et contemplait l’assemblée : un visage au teint rouge brique, extrêmement carré, creusé d’une multitude de petites rides, et dans lequel brillaient froidement des yeux d’un bleu de porcelaine de Chine. L’aspect massif était encore rehaussé par les cheveux roux émaillés d’argent, taillés en brosse courte.

Faisant face à la Direction étaient assis les membres du personnel. Barnevelt trouva tout naturellement sa place à côté du petit Dionysio Pérez, le photographe, qui était écrasé par l’imposante stature de son voisin de droite, George Tangaloa, le xénologue. En bout de table se tenait Grant Marlowe, l’acteur, qui ressemblait comme deux gouttes d’eau au portrait accroché au mur. Bien sûr, la ressemblance était encore beaucoup plus frappante quand il se maquillait pour remplacer le célèbre explorateur dans certaines circonstances, par exemple dans les cas où il était nécessaire de parler en public.

— Ciel ! Qui vois-je ? lança bruyamment Tangaloa pour saluer l’entrée de Barnevelt.

Celui-ci eut un sourire timide et se glissa furtivement sur son siège. Il était bien entendu un actionnaire comme les autres ici présents, mais il détenait si peu de parts de la société que sa voix n’avait pour ainsi dire aucune valeur comparée à celle des autres. Quoi qu’il en soit, la séance d’aujourd’hui n’était pas un conseil d’administration ni même une assemblée d’actionnaires. C’était une réunion de spécialistes ennuyés dont la tâche consistait à exposer devant le public une image synthétique connue sous le label Igor Shtain, alors qu’en réalité le vrai Shtain n’était qu’un fragment de cette entité. La vérité oblige à dire qu’il en était tout de même le principal composant.

— Alors, Stewart ? demanda Marlowe en allumant sa pipe.

— Aucune nouvelle du Vieux, laissa tomber Laing d’un ton lugubre.

— Ces sacrés détectives privés ! grinça Mme Fischman. Ils se font payer des centaines de dollars par semaine, et ils n’ont encore rien découvert ! Je parie qu’avant que nous les engagions ils devaient se contenter de filer des maris infidèles en regardant par les trous de serrure.

— Oh non ! l’arrêta Laing. Ugolini possédait d’excellentes références.

— De toute façon, poursuivit-elle, si nous en restons là, le contrat avec la société Films cosmiques ne vaudra pas un clou !

Laing expliqua calmement :

— Ugolini pense que le Vieux a été emmené sur Krishna.

— Qu’est-ce qui lui fait supposer une chose pareille ? demanda Marlowe en exhalant un lourd nuage de fumée.

— Igor espérait confirmer les rumeurs prétendant qu’il y aurait une connexion entre le Sunqar et le trafic de janru. Le Département mondial des investigations n’a jamais réussi à y faire pénétrer un de ses agents… ou du moins ceux qu’ils ont envoyés ne sont jamais revenus. C’est pourquoi ils espéraient que le Vieux, pour son compte personnel, pourrait apprendre quelque chose. D’un autre côté, grâce à Dirk, ce safari que projetait Igor a reçu un maximum de publicité. Bon. Maintenant, supposons que le principal maillon de l’organisation qui contrôle le trafic de janru soit sur Terre, étant donné les effets de cette drogue sur les êtres humains.

Pérez semblait prêt à fondre en larmes. Laing poursuivit.

— Dans ce cas, pourquoi cette organisation, ayant entendu parler de cette expédition, n’aurait-elle pas décidé de mettre le Vieux au frais ?

Barnevelt s’éclaircit la voix. Son long visage chevalin prit un air embarrassé, comme cela se passait toujours quand il devait s’adresser à un de ses supérieurs. Comment savez-vous qu’ils ne l’ont pas assassiné ? Moi, je me suis souvent posé la question.

— Je ne le… nous ne le savons pas, mais c’est un fait reconnu qu’il n’est pas très facile de faire disparaître toute trace d’un corps, or jusqu’à présent on n’a pas retrouvé la plus petite parcelle d’Igor sur notre planète.

La belle voix grave et modulée de Tangaloa se fit entendre.

— Ce ne serait pas la première fois que les mesures douanières interplanétaires seraient déjouées.

— Je sais, je sais, dit Laing. Mais que voulez-vous, nous avons demandé aux polices privées, municipales, fédérales, nationales et internationales de rechercher Igor, et c’est malheureusement tout ce que nous pouvons faire dans ce sens. Notre problème le plus urgent est le contrat. La seule solution qui nous reste, à mon avis, consisterait à envoyer là-bas quelques-uns d’entre nous pour qu’ils y remplissent le contrat à la place d’Igor. Ils prendront cinquante cartouches de pellicule, dont à peu près le quart sera filmé dans le Sunqar, et que nous enverrons aux Films cosmiques. À ce moment-là, nous saurons où en est notre société. Et si Shtain est sur Krishna, il s’agira de le sortir de là… si cela est possible.

Le regard aigu de Laing balaya son auditoire. Tout le monde l’approuva.

— Maintenant, poursuivit-il calmement, la question suivante est : qui ?

La plupart des personnes présentes prirent subitement un air détaché, l’allure de badauds n’ayant rien à voir dans toute cette affaire et qui seraient uniquement passés dans cette salle par le plus grand des hasards.

George Tangaloa se caressa affectueusement le ventre.

— Dio et moi pouvons le faire, dit-il.

Pérez bondit en l’air.

— Je pas aller ! Pas aller ! Je pas aller avant les ennouis avec mon femme finis. Cette saleté de drougue, cette saleté de femme qui s’en sert sour moi. Ça, pas ma faute…

— D’accord, l’interrompit Laing. Nous connaissons vos ennuis, Dio. Seulement, nous ne pouvons pas envoyer un homme seul.

Tangaloa bâilla.

— Je pense que je pourrai m’en sortir tout seul. Dio m’a expliqué le fonctionnement de la caméra Hayashi et m’a entraîné au maniement de celle-ci.

— Si nous envoyons George seul, persifla Mme Fischman, nous n’aurons pas assez de film pour l’entourer autour d’un doigt… nous pourrons nous estimer heureux s’il nous envoie déjà une photo. Il s’installera dans le premier endroit où il trouvera de bons steaks et de la bière fraîche et…

— Oh, Ruth ! s’indigna Tangaloa, sur le ton de l’innocence bafouée. Essaieriez-vous d’insinuer que je suis indolent ?

— Et comment que vous l’êtes, indolent ! surenchérit l’acteur Marlowe. Vous êtes probablement le plus flemmard des flemmards qui aient jamais débarqué de Samoa. Il vous faudrait quelqu’un comme Dirk pour veiller sur vous…

— Héééé ! hurla Barnevelt, perdant subitement toute timidité. Moi ? Pourquoi moi ? Pourquoi pas vous ? hein ? D’ailleurs, non seulement vous ressemblez au Vie… à Igor, mais vous arrivez même à imiter son espèce d’accent russe. C’est à vous d’y aller, mon vieux…

— Justement, l’interrompit Marlowe en agitant mollement la main, je suis trop vieux pour ce genre d’exercice. Je ne suis qu’un vieux débris. De plus, je n’ai jamais été entraîné à ce genre de…

— Moi non plus ! Et vous avez dit vous-même l’autre jour que je n’étais qu’un intellectuel bon à rien. Alors je ne vois pas quels services je pourrais rendre dans une pareille expédition…

— Vous savez vous servir de la Hayashi et vous savez naviguer, n’est-ce pas ?

— Bof ! Sur le bateau d’un ami, c’est tout. Vous ne pensez tout de même pas que je possède un yacht avec mon salaire, hein ? Naturellement, si vous tenez à m’augmenter…

Marlowe haussa les épaules.

— C’est l’expérience qui compte, pas de savoir comment vous l’avez acquise. De plus, le fait d’avoir été élevé dans une ferme vous servira énormément pour vous adapter à des conditions de vie rudimentaires.

— Mais nous avions l’électricité et l’eau couran…

— Et surtout, surtout, l’interrompit sentencieusement l’acteur, George et vous êtes les seuls à n’avoir aucune personne à charge. Vous êtes libres !

— Et ma mère ? demanda Barnevelt, sentant son visage naturellement coloré virer au rouge écrevisse.

Qu’on lui rappelle ses origines paysannes l’embarrassait toujours. Il avait beau être à présent un citadin comme les autres, il s’imaginait que les salauds nés dans une ville le considéraient comme un péquenot ridicule.

Mme Fischman siffla.

— Nous sommes au courant de tout ce qui concerne votre chère maman, Dirk. Pour vous, la meilleure chose serait que vous échappiez à son influen…

— Écoutez, je ne vois pas de quoi vous…

— Si vous y tenez, nous lui verserons votre salaire pendant votre absence. Vous saurez ainsi qu’elle ne meurt pas de faim. Et, si vous remplissez cette mission, vos dividendes vous rapporteront de quoi payer les dettes que vous avez faites à cause d’elle.

— Assez, ajouta Marlowe, pour vous acheter un bel appartement en duplex avec un maître d’hôtel oriental pour vous servir.

— Vous ne croyez pas qu’il serait mieux servi par une petite bonne française ? demanda Tangaloa d’un air gourmand.

Barnevelt était à présent cramoisi. Il restait obstinément silencieux. Cela tournait toujours mal quand le sujet concernant sa mère était mis sur le tapis. D’un côté, il estimait qu’il devait la défendre, mais en lui-même il craignait que les autres aient raison. Si seulement son père, le Hollandais, n’était pas mort quand lui n’était encore qu’un petit garçon…

— D’autre part, poursuivit Marlowe, je connais mes limites. Je ne pourrais pas plus faire le boulot d’Igor qu’il aurait su faire le mien à New Haven.

— Comment ? demanda Thorpe. Je ne crois pas connaître cette histoire.

Laing raconta l’anecdote.

— Vous connaissez Igor, le plus exécrable orateur du monde. C’est pourquoi Grant le remplace sur scène. Il se sert des films tournés par Igor, comme nous utilisons les récits et articles que Dirk écrit à la place de notre président. Pour les cas d’urgence, nous avons un haut-parleur miniaturisé qui ressemble à une fleur qu’Igor glisse à sa boutonnière. Ce petit appareil contient des textes écrits par Dirk et dits par Grant. Puis nous avons fait subir un entraînement à Igor pour qu’il bouge ses lèvres en synchronisme avec les paroles sortant du haut-parleur.

— Et alors ?

— Alors, il y a deux ans, Grant est tombé malade et Igor a dû se remplacer lui-même. Malheureusement, quand il est monté sur l’estrade et a mis l’appareil en route, celui-ci s’est détraqué complètement, répétant sans arrêt la même phrase : « … Je suis heureux de me trouver parmi vous… je suis heureux de me trouver parmi vous… je suis heureux de me trouver parmi vous », etc. Finalement, la séance s’est très mal terminée. Igor a arraché et piétiné le haut-parleur en hurlant des jurons russes et en insultant l’auditoire, qui se moquait de lui.

Thorpe éclata de rire. Toujours aussi sérieux, Laing se tourna vers Barnevelt.

— Je sais que nous vous demandons beaucoup, Dirk, mais c’est la seule solution. Et puis, étant donné que vous êtes un peu le double d’Igor, ne désirez-vous pas retrouver votre corps originel ?

Tangaloa, souriant comme un Méphisto polynésien, se mit à chanter.

— « Ramenez-moi, oh ! ramenez-moi, mon petit corps à moi… »

Tout le monde rit, sauf Barnevelt.

— Non, ragea-t-il avec la colère excessive de celui qui sent se lézarder ses dernières défenses. Je peux très bien me débrouiller sans Igor Shtain & Cie… En tout cas, ce ne sera certainement pas pire…

— Attendez, Dirk, ce n’est pas tout, l’interrompit Laing. J’ai eu récemment une conversation avec Tsukung, un des patrons du Département des investigations. Ils sont très sérieusement inquiets à propos de ce trafic de janru. Vous avez pu en voir les effets sur Dio et vous avez lu les articles à propos de cette affaire criminelle Polhemus. L’extrait de cette drogue est si puissant qu’il est possible de cacher une centaine de doses dans une dent creuse. Cet extrait est dilué à mille fois son volume et apparaît sous forme de parfums portant des noms évocateurs comme Nuits d’amour et Moments d’extase 1. Le drame, c’est que, même en ne contenant qu’une dose infinitésimale de janru, ces parfums sont réellement efficaces, comme leur nom l’indique. Il suffit à une femme de se vaporiser un peu de cette saloperie pour qu’un homme qui en a respiré une bouffée devienne complètement dingue. À partir de là, elle peut le transformer en un pantin lamentable plongé dans un état semi-hypnoïde.

»  Ce n’est pas tout. Cela n’est efficace que si c’est une femme qui l’utilise sur un homme. D’après Tsukung, il est à craindre que les femmes domineront entièrement les hommes d’ici une vingtaine d’années.

— Ce ne serait pas un si grand malheur, ironisa Mme Fischman. Je devrais bien me servir de ce produit sur mon bon à rien de mari.

— Voyez-vous, Dirk, poursuivit Laing, vous avez l’occasion de sauver la race humaine mâle d’un sort funeste bien pire que la mort… quelque chose d’un peu semblable à ce que votre mère vous a infligé. Ne croyez-vous pas que cela en vaille la peine ?

— En y pensant bien, dit Marlowe, savons-nous si la mère de Dirk ne l’a pas utilisé sur notre ami ?

Barnevelt se révolta violemment contre cette insinuation.

— Non ! non ! Elle a simplement pris un ascendant psychologique sur moi depuis toujours… Mais qu’est-ce que j’y gagne, moi ? Je suis déjà un pauvre bouseux d’esclave. Je n’ai plus rien à perdre.

— Vous pourrez vous détacher d’elle, l’assura Laing.

— Vous ne désirez tout de même pas que les femelles dominent les hommes, comme vous les Occidentaux avez dominé vos bonnes femmes, non ? demanda sarcastiquement Tangaloa.

— Cela fera de vous un homme, ajouta Marlowe. Un jeune type comme vous qui n’a jamais été marié a besoin d’une expérience vraiment extraordinaire pour se révéler.

— Et puis cela vous enrichira énormément en tant qu’écrivain, l’assura Mme Fischman.

— Vous vous rendez bien compte qu’un jeune homme n’ayant encore aucune attache doit en profiter pour partir à l’aventure, dit Thorpe. Si j’avais votre chance…

Panagopoulos ajouta son grain de sel.

— Nous augmenterons votre salaire. Et vous pouvez économiser sur vos frais de déplacement sur Krishna, de telle manière que…

— Pensez à tous ces animaux étranges que vous verrez, dit Tangaloa, vous qui adorez les bizarreries de la nature.

— Et puis, assena Laing, ce n’est pas comme si nous vous demandions d’aller sur Mars et de vivre au milieu de ces insectes géants, en étant obligé de porter sans arrêt votre masque à oxygène. Les Krishniens ont presque l’air humains…

— En fait, ajouta Tangaloa, en dessinant des courbes rebondies avec ses mains, les femelles sont…

— Oh, et puis tant pis, j’y vais ! dit Barnevelt, sachant que tôt ou tard il serait obligé de céder.

De toute façon, quand il n’était encore qu’un gamin, dans la ferme de Chantauqua, ne rêvait-il pas d’aventures semblables ? Allait-il refuser maintenant qu’on les lui servait toutes cuites ?

 

 

1. En français dans le texte.