Émilie Boinard planifiait ses emplettes des Fêtes. Seule à la maison, un vendredi soir avec Mathieu qui était en congé, elle se tourna vers lui pour lui demander:
— Est-ce que Geneviève aime toujours la laitue romaine? Je m’apprête à faire ma liste d’épicerie et je veux que chacun y trouve son compte.
— Bien, ne te fie pas sur Geneviève pour ton souper des Fêtes, maman, elle ne sera pas des nôtres.
— Ah! pourquoi donc?
— Parce que nous avons rompu, elle et moi. C’est fini entre nous.
Stupéfaite, la mère s’écria:
— Mathieu! Qu’as-tu fait là? C’est une fille si charmante!
— Pourquoi, moi? C’est peut-être elle…
— Non, arrête, je te connais, tu l’as fait avec deux autres auparavant. C’est toujours toi qui mets un terme à tes fréquentations!
— Oui, aussi bien l’avouer, c’est moi qui ai rompu.
— Mais pourquoi? Vous étiez faits l’un pour l’autre, vous sembliez avoir des plans… Elle, du moins!
— Effectivement, et c’est ce qui m’a fait reculer, maman. Je ne suis pas prêt à envisager le mariage pas plus qu’une vie à deux. Je suis en plein essor de ma profession et je veux y consacrer tout mon temps. Et être libre de le faire!
— Geneviève n’était sûrement pas un empêchement, elle est si compréhensive…
— À certains moments elle l’était moins et ça me freinait de plus en plus.
— Tu l’aimais comme un fou, Mathieu! C’était la femme de ta vie! Souviens-toi de votre rencontre! J’étais présente, tu l’as pourchassée de tes avances, tu n’en voyais pas clair, tu l’aimais comme tu n’avais jamais aimé, disais-tu!
— Oui, je te le concède, mais avec le temps, le feu s’est peu à peu éteint. Elle me plaisait encore, mais je me questionnais. Étais-je amoureux comme aux premiers jours? Pour enfin me rendre compte que la flamme était à peine visible. Or, avant de lui faire trop de mal, j’ai rompu. Avant qu’elle s’imagine à mon bras, sortant de l’église… C’était presque le cas, elle voulait que je la fiance le plus tôt possible. J’ai donc reculé davantage et, finalement, quand elle m’a mis au pied du mur, j’ai été franc, je lui ai dit que mon cœur ne battait plus…
— Mathieu! C’est ce que tu as dit à Johanne et à Sophie avant elle! D’où vient cette vilaine manie de séduire pour ensuite abandonner celle que tu as conquise? Est-ce une tocade chez toi? Tu fais peur…
— Maman, n’exagère pas, je ne suis pas prêt à m’engager! Pas quand je n’aime plus assez pour le faire. Je crois qu’il est plus honnête de tuer l’amour dans l’œuf que de le laisser se faire couver d’un seul côté. Nous en étions là, Geneviève me tenait pour acquis, elle s’imaginait déjà… Et puis, arrêtons là, c’est ma façon d’être et personne ne va la changer. J’aime tomber amoureux, mais après le coup de foudre, je ne sais pas pourquoi, ça s’estompe graduellement.
— Serait-ce la peur de t’engager qui te pousse à reculer ainsi?
— Non, je ne crois pas… Quand je serai prêt, peut-être…
— Mais Geneviève ne t’attendra pas, Mathieu. Tu auras perdu celle qui aurait pu te rendre heureux.
— Possible, mais je préfère en courir le risque plutôt que de me voir enchaîné avec une femme que j’aime bien, mais que je n’aime pas éperdument.
— Pauvre elle, comme elle doit être malheureuse, comme elle doit pleurer…
— Je n’en sais rien, je ne l’ai pas revue. Geneviève a de la fierté, elle est indépendante, elle ne va pas insister… De toute façon, maintenant que tu es renseignée, peut-on clore le sujet? J’ai la médecine pour faire de moi un homme heureux. N’est-ce pas suffisant pour toi, maman?
— Bien sûr, Mathieu! Te savoir comblée par l’énorme charge qui t’attend réjouit un cœur de mère. Et comme tu as vingt-huit ans, je ne vais pas insister davantage, ta vie t’appartient, tes amours aussi.
Au même moment, Renaud Boinard se pointa après de longues heures de travail. Content de retrouver son fils, de discuter avec lui de médecine et de patients, ils mangèrent en faisant le décompte de leur journée, mais ne pouvant garder cette nouvelle pour elle plus longtemps, Émilie, s’adressant à son mari, lui annonça:
— Aussi bien t’en aviser, Renaud, Mathieu a rompu avec Geneviève.
Le père, sidéré, regardant son fils en fronçant les sourcils, lui demanda:
— Tu l’as quittée, Mathieu, ou est-ce elle…
— Non, c’est moi, papa. Je veux me consacrer à ma profession, je ne suis pas prêt pour le mariage et pour tout ce qu’elle entrevoyait. Ça me stressait de la voir espérer, de l’entendre soupirer, tu comprends? Alors, j’ai fait en sorte de reprendre ma liberté avant d’étouffer dans une relation qui ne menait nulle part. Selon moi, on s’entend… Elle a compris, elle a versé quelques larmes et elle est partie. Je suis certain que Geneviève fera sa vie avec un autre gars dans peu de temps. C’est une fille exemplaire, une future excellente mère.
— Ce qu’elle aurait pu être pour toi, mon fils. N’as-tu pas été trop radical? Moi, je l’aimais bien, Geneviève, je la considérais déjà comme ma belle-fille.
— Ce qui ne sera pas le cas, papa. Et je ne répéterai pas tout ce que j’ai dit à maman, elle te racontera après mon départ, si tu veux bien. Bon, je dois filer maintenant, je suis de garde à l’urgence demain.
— Ça va, Mathieu, vaque à tes occupations. À ton âge, tu sais ce que tu dois faire, je ne vais pas m’interposer dans tes décisions, je respecte ton choix.
Mais Renaud était triste, il aimait énormément Geneviève; il avait espéré que Mathieu en fasse son épouse. Il reconnaissait en elle les qualités de sa chère Émilie. Il se disait que, beaux comme ils l’étaient tous deux, ils feraient de superbes enfants… Mais comment insister quand l’amour n’est plus là? Mathieu s’apprêtait à franchir la porte lorsque Joey surgit dans le portique, content de croiser son frère quelques minutes.
— Est-ce moi qui te fais fuir? Pas même le temps de causer un peu tous les deux?
— Désolé, Joey, mais je me lève tôt demain matin et, avant que papa ou maman te l’apprenne, je t’annonce que c’est fini entre Geneviève et moi.
— Quoi? Vous avez rompu? Tu… tu l’as quittée?
— Oui, c’est fait. Maman te fournira les détails. À un de ces jours!
Mathieu sortit et Joey à peine entré, regardant ses parents, échappa:
— Ben, ça parle au diable! Une autre de flushée! La troisième en quelques années! Bizarre, mon frère! Et pour une fois que j’avais fini par aimer sa blonde! Elle était fine, Geneviève! Mais, bon, si quelque chose le dérangeait…
— Ils ne s’aimaient plus… Non, je me reprends, il ne l’aimait plus. Et quand l’amour s’affaiblit…
— Ben oui! Comme si les filles étaient des chandelles qu’on allume et qu’on éteint! Je ne lui reproche rien, je constate, mais laisse-moi te dire qu’il n’est pas qu’imprévisible, le frère, il est bizarre en maudit! Moi, j’aime mieux ne pas avoir de blonde que d’en fréquenter pour ensuite les dropper comme ça! Trois de suite, maman! Comme des briquets jetables!
Quelques jours s’écoulèrent et, comme elle s’y attendait, madame Boinard reçut un appel de Geneviève un matin, alors qu’elle finissait de déjeuner. Décrochant le récepteur après avoir reconnu le numéro sur l’afficheur, elle répondit:
— Oui, j’écoute…
— Madame Boinard, c’est Geneviève. Je ne vous dérange pas au moins? Pas trop tôt pour vous appeler?
— Bien sûr que non, j’ai terminé mon déjeuner, je suis toujours debout à cette heure. Et je me doute bien de la raison de ton appel, Geneviève, j’en ai été chavirée.
— Oui, Mathieu m’a laissée, je ne suis pas encore remise du choc… Vous en a-t-il donné au moins les motifs?
— Si on veut, à sa façon, il n’a rien précisé, il a seulement avoué vouloir continuer sa pratique en toute liberté.
— Je n’étais pourtant pas un obstacle à sa profession, je me faisais discrète, je n’ai jamais fait allusion à rien…
— Sauf à des fiançailles, Geneviève, et c’est ce qui l’a fait reculer, nous a-t-il dit. Remarque que ta demande était concevable, votre fréquentation était sérieuse, mais je pense que Mathieu l’a perçue comme un engagement trop exigeant…
— Je lui avais même dit que nous pourrions attendre, j’avais clos le sujet, je n’insistais pas…
— Je te crois, n’en doute pas, tu es une fille intelligente et au grand cœur, mais que veux-tu, Renaud et moi ne pouvions nous immiscer davantage dans sa décision. Il a vingt-huit ans, il ne l’aurait pas accepté… Nous avons tenté de vanter tes qualités, mon mari et moi, il les a reconnues, mais il a ajouté que la flamme…
— Oui, je sais, la flamme était éteinte selon lui, quoique de mon côté, je ressentais encore le même amour pour lui. Et je n’ai jamais douté de mes sentiments. Vous vous souvenez comme il m’aimait, madame Boinard? Quand il m’a rencontrée, il était à genoux devant moi pour que je le fréquente. Et tout ce temps passé ensemble… J’ai peine à croire que tout s’arrête brusquement.
Constatant que Geneviève avait des trémolos dans la voix, Émilie se retenait pour ne pas la faire pleurer. Elle voulait bien l’encourager, ne pas trop prendre le parti de son fils, l’assurer que l’avenir allait certes lui permettre de faire la connaissance de quelqu’un d’autre, mais comment dire cela à une fille qui ne se remet pas facilement d’une rupture, surtout d’un rejet? Retrouvant son calme, même si l’émotion intérieure l’étranglait, madame Boinard réussit à articuler:
— La vie a souvent de ces surprises, la joie comme la peine surgissent quand on s’y attend le moins. Il suffit de trouver la force pour accepter, Geneviève, de tourner la page et d’aller au-devant de ce qui se cache encore et qui t’attend.
— Facile à dire pour vous, madame Boinard, vous n’avez jamais eu à vivre une séparation. Je ne vous le reproche pas, mais il est difficile de se mettre dans la peau des autres…
— Tu sais, Caroline a été quittée par son mari après vingt-quatre ans de mariage, juste avant leurs noces d’argent. Subitement, sans même se douter qu’un jour… Et pour une autre femme en plus!
— Elle a au moins connu des années de bonheur avec William, ce qui n’est pas mon cas.
— Il est peut-être préférable d’être quittée avant qu’après un si long parcours, tu ne trouves pas?
— Vu comme ça, oui… Mais Caroline et son mari ne faisaient pas bon ménage, je crois. Ils ne s’entendaient pas sur tout…
— Ce qui aurait pu également survenir dans ta situation, Geneviève, tout comme entre Renaud et moi.
Voyant que madame Boinard entrait toute la famille dans sa rupture en guise de comparaison, Geneviève comprit que la mère de son amoureux semblait pencher du côté de son fils. Non pas qu’elle l’approuvât entièrement, mais elle était solidaire de son état actuel. Et elle n’entrevoyait pour lui que le bonheur qu’il anticipait. Seul ou en couple. Et comme Mathieu avait un penchant pour la liberté totale…
— Bon, je vous laisse sur ces mots, madame Boinard, j’ai des travaux d’élèves à réviser. Avant de raccrocher cependant, j’aimerais que vous sachiez que je garderai toujours un très bon souvenir de vous.
L’interrompant avant qu’elle en ajoute trop, Émilie lui répondit:
— Nous aussi, Geneviève, et salue ton père de notre part.
La conversation était close. Sans même une invitation de madame Boinard à la visiter ou à prendre un café avec elle quelque part. Sans lui parler de la réaction de Joey… Ce qui avait attristé Geneviève qui croyait qu’elle pouvait garder un certain lien avec la famille. Décidément, c’était une double rupture. Après le rejet du fils, c’était au tour de la mère de fermer doucement les volets sans trop la plaindre, ne serait-ce qu’un moment. Chagrinée, relevant la tête, elle se regarda toutefois dans le miroir et, altière, jura en son for intérieur: Une chose est vraie de la part de madame Boinard, quelque chose d’autre se cache et t’attend! À toi de le trouver!
Chez elle cependant, il en était autrement. Son père, Jean-Marc Gicard, regrettait amèrement que Mathieu ait ainsi laissé sa fille sans aucune considération pour ce qu’elle lui avait apporté durant ses durs moments d’études. Il blâmait ce dernier de l’avoir fait pleurer, de l’avoir remuée au point de lui faire manquer deux jours d’enseignement. Mais il avait consolé Geneviève en lui disant:
— Ne t’en fais pas, ma chérie, un autre viendra avec qui tu seras plus heureuse. Je partage ta déception, ça va de soi, mais tu as tant de qualités, tant à offrir à un homme. Ne pleure pas celui qui t’a ainsi trahie. Honore ton orgueil et garde ta fierté, la vie se chargera de t’en récompenser.
Mélanie, de son côté, lui avait dit:
— Ça me fait de la peine, parce qu’il était gentil, Mathieu, mais comme il a été vilain en agissant de la sorte, j’ai changé d’opinion sur lui. C’est égoïste et ingrat ce qu’il a fait!
Sa mère, Diane Julien, qui avait eu vent de la nouvelle lui avait dit au bout du fil: «Tu vois? Ce n’est pas pour rien que je ne l’aimais pas, ce garçon-là! Médecin ou pas, il était un condescendant! Il s’est toujours pris pour un autre, il se croyait au-dessus de tous ceux et celles qui n’étaient pas rattachés à la médecine!»
— Mais voyons, maman, il avait laissé tomber une fille qui se dirigeait en médecine! Ce n’est pas logique ce que tu dis!
— De toute façon, je ne l’aimais pas! Tu trouveras quelqu’un de mieux, tu verras. Un homme simple et avec de bonnes intentions. Un homme que tu pourras diriger…
Et comme la conversation bifurquait vers le féminisme à outrance, Geneviève préféra couper court et répondre à sa mère:
— Laisse! Je vais m’arranger avec ma vie, maman! Je suis en âge de savoir ce que j’ai à faire! Bonne nuit et à un de ces jours!
2006 et 2007 se pointèrent tour à tour et, en juillet, le 18 plus précisément, Mathieu Boinard fêtait ses trente ans entouré de ses parents, de son frère, de son oncle Paul et de sa tante Caroline. Ces deux derniers se tenaient loin l’un de l’autre pour éviter toute discorde entre eux. Levant son verre de vin, Caroline prit la parole pour dire:
— Je veux porter un toast au très brillant docteur Boinard! Quelqu’un d’autre m’appuie?
Tous le firent, ils n’avaient pas le choix, et Mathieu, faisant mine d’en être gêné même s’il en était comblé, lui dit:
— Ce n’était pas nécessaire, Caroline… Ce n’est qu’un an de plus.
Sans lui avouer toutefois, dans sa fausse modestie, que le «brillant» était peut-être de trop. Mathieu, assez imbu de lui-même, tant par sa profession que par la beauté qui se dégageait de son visage, ne baignait pas dans la simplicité. Il avait convenu, à la demande de tante Caroline, de ne l’appeler que par son prénom, car le mot «tante», à son âge, faisait enfantin. Il en avait fait de même avec l’oncle Paul qui ne trouva rien à redire, même si Renaud Boinard était en désaccord avec ces familiarités. Joey, plus réservé sur le sujet, continuait avec les «oncle» et «tante» jusqu’à ce que Paul lui dise à table, ce soir-là:
— Joey, oublie donc le «mon oncle» et appelle-moi Paul comme le fait ton frère. Comme c’est l’idée de Caroline et qu’elle a toujours raison…
— Comment, toujours raison? Ce n’est que logique! À leur âge!
Avant qu’un différend s’engage, Émilie avait cru bon de trancher le gâteau et de le servir avec un digestif, ce que Paul apprécia grandement. On parla de choses et d’autres; Mathieu, de sa pratique évidemment, Caroline, de ses clientes maussades à la pharmacie, Joey, très peu de son emploi, et Paul, de rien… se contentant de reprendre un autre verre de Cointreau que son beau-frère lui offrait. Vers dix heures, tout était terminé. On avait pris un dernier café sur le patio pour profiter un peu de l’été, et chacun était retourné dans son nid douillet. Paul était parti, non sans avoir embrassé Émilie, serré la main de Renaud et celle de Joey, mais il avait évité d’en faire autant avec Mathieu qu’il trouvait pédant et encore moins avec sa sœur qu’il ne pouvait pas supporter.
De retour chez lui, un garçon faisait les cent pas devant son immeuble. Ravi de le voir, l’ayant oublié durant la soirée, le pria d’entrer. Une consolation parmi tant d’autres… À coups de billets de cinquante dollars, quand ce n’était pas plus selon le «spécimen»! Car venait un âge, dans ce milieu, où il fallait payer pour assouvir ses sens, alors qu’autrefois, pour lui, c’était l’échange pur et simple de deux gars du même âge. C’était bien avant Manu…
Parlant de ce dernier, Manuel dit Manu avait téléphoné à Émilie le dernier jour de juillet:
— Allô! Ça va? C’est moi… Je suis un sans-cœur, n’est-ce pas?
— Manu! Enfin toi! Sans-cœur n’est pas le mot, tu es même un ingrat! Toutes ces années et l’éloignement presque total…
— Pardonne-moi, Émilie, j’ai si souvent pensé à toi, mais pour oublier Paul, il m’a fallu faire le vide, plonger dans ma nouvelle vie, ne pas ressasser le passé.
— Bon, ça va, je t’excuse, mais que deviens-tu?
— Je suis de retour chez ma cousine à Québec. Le temps de me trouver un emploi ici ou ailleurs…
— Qu’arrive-t-il de… Je ne me souviens plus de son nom…
— Maurice? Il… il est mort, Émilie. Un infarctus inattendu. Je l’ai perdu en deux jours seulement… Ses enfants se sont occupés de tout. Ils n’ont jamais rien su pour lui et moi, je me suis retenu de pleurer lors des funérailles pour ne rien laisser paraître. Puis, ils ont vendu le Bed and breakfast que je ne voulais pas garder seul. Ils m’ont remis une large part des profits de la vente et je suis parti avec mes bagages. Je n’avais pas d’amis là-bas, que lui, Émilie. Ses enfants m’aimaient bien, mais de loin, je les rencontrais rarement. J’ai donc emballé tout ce que j’avais et je suis revenu chez ma cousine qui avait toujours sa chambre d’amis pour moi.
— Tu comptes te trouver un travail à Québec?
— Je vais essayer. Dans l’hôtellerie si possible, vu mon expérience. Mais tu sais, à quarante-huit ans, ça va m’être moins facile…
— Voyons, Manu, c’est si jeune encore…
— Tu penses ça, toi! On est au Québec, ici, pas aux États-Unis. À cinquante ans, tu tombes parmi les vieux, on ne t’engage plus ou presque. On te met aux oubliettes! On veut des jeunes, du sang neuf, du long terme, pas des hommes et des femmes au bord de la retraite. Ça se passe ainsi partout.
— Mais tu n’as pas cinquante ans, tu es toujours jeune et alerte, et tu n’es pas au bord d’une pension, tu n’en recevras pas.
— Dans ce cas, je vais faire partie du cheap labour! On va m’engager, mais à prix modique, comme si on me faisait une faveur. Ce sera à prendre ou à laisser! J’en ai tellement vu, Émilie…
— Ne sois pas défaitiste. Tu verras, tu trouveras… Dis, tu ne me demandes pas des nouvelles de Paul?
— Non, je n’en veux pas. J’ai tiré un trait depuis longtemps sur ma vie avec lui; je n’y retourne plus, même en pensée. J’ai aimé Maurice, le Ciel me l’a enlevé, c’est maintenant lui, le souvenir de mon passé. Nous avons été si heureux ensemble.
— Bon, je comprends, mais je vais juste te dire qu’il va bien et que sa vie est toujours la même. Rien de plus.
— Grand bien lui fasse! Et comment vont tes deux fils, ton mari, ta sœur?
Émilie lui raconta tout ce qui était survenu au sein de sa famille sans ramener Paul dans la conversation. A la toute fin, espérant le suivre un peu plus à la trace, elle lui demanda:
— Maintenant Manu, vas-tu me laisser un numéro de téléphone pour te rejoindre?
— Oui, celui de ma cousine! Tant que je serai ici, tu pourras me téléphoner. Je ne te donne pas mon courriel cependant, j’ai trop peur qu’il tombe par erreur dans la boîte de réception de ton frère. Un jour viendra où je le ferai, mais d’ici là nous pourrons nous parler quand bon te semblera. Faut maintenant que je te quitte, je dois appeler un type pour un emploi justement. Je te ferai part de ce qui m’arrive quand j’aurai trouvé. Et t’en fais pas pour moi, je suis confortable côté argent et ma cousine ne m’hébergera pas pour rien cette fois. Je vais la rémunérer, même si elle s’y oppose.
— Alors, bonne chance, Manu, prends garde à toi.
— Merci, Émilie. Salue Renaud et embrasse tes garçons pour moi, et un petit bonjour à Caroline en passant.
Manu avait mentionné le nom de Caroline et, curieusement, le soir même, alors que Mathieu téléphonait à sa mère, il lui dit:
— J’ai vu Caroline ce midi à la cafétéria de l’hôpital, elle mangeait avec un homme, elle a trouvé quelqu’un, celle-là?
— Ça me surprendrait, elle ne cherche pas, elle est si hargneuse.
— Bien, ce gars semblait assez près d’elle, il lui a même pris la main qu’elle n’a pas retirée de la sienne.
— Quoi? Caroline? Est-ce un médecin ou quelqu’un de l’hôpital?
— Absolument pas, ils étaient en civil tous les deux, sans sarrau pour lui ni pour elle. Elle était peut-être là pour un examen et il est venu la rejoindre. Si c’est le cas, tant mieux pour elle, ça va lui redonner le sourire. Remarque qu’elle ne m’a pas vu, elle était dos à moi lorsque j’ai payé mon lunch à la caisse et je me suis ensuite réfugié derrière une colonne au bout de la salle à manger. Je les ai vus partir ensemble et elle semblait très heureuse de sa présence. Un bel homme, maman, plus jeune qu’elle cependant… Début de la quarantaine…
— Alors, là, impossible! Caroline ne fréquenterait jamais quelqu’un plus jeune qu’elle, elle a trop de pudeur pour ça! Ça la diminuerait…
— Attention, l’amour est aveugle… Et quelques années de moins, ce n’est pas toujours désagréable. Regarde Paul, ajouta-t-il en riant.
— Mathieu! Comment peux-tu comparer Caroline à Paul? Lui, c’est le sexe, rien d’autre. Elle, si c’est le cas, c’est sûrement le cœur…
— Qui vivra verra, maman, mais ne t’empresse pas de lui dire que je l’ai aperçue en compagnie d’un homme. De ma part, ce ne serait pas convenable…
— Ne va pas plus loin, je lui dirai que c’est une amie à moi qui l’a vue, ne t’en fais pas, tu ne seras pas impliqué, mais il me tarde de savoir. Grand Dieu! Caroline en amour? Ce serait inespéré!
Émilie attendit trois jours avant d’appeler sa jeune sœur pour lui demander tout bonnement:
— Es-tu allée passer des examens à l’hôpital cette semaine?
— En effet, comment le sais-tu?
— Une amie à moi t’a aperçue, je ne te la nommerai pas, tu ne la connais pas, mais elle t’a déjà vue alors que nous magasinions ensemble. Et il paraît qu’un très beau monsieur était avec toi. Qui donc est-il?
— Décidément, on ne peut rien te cacher! C’est un représentant de produits pharmaceutiques qui m’a accompagnée, ce qui m’a évité de prendre ma voiture.
— Et tu leur tiens les mains aux représentants, Caroline?
— Émilie! Que d’indiscrétions de ta part! Il n’est pas dans tes habitudes…
— Allons, la petite sœur, si tu as un ami, partage-le au moins avec moi. Ce n’est pas si secret et ce serait tout à fait normal.
— Eh bien oui, j’ai quelqu’un dans ma vie, nous nous fréquentons depuis peu. Je ne voulais rien te dire avant que ce soit sérieux, ce qui devient le cas peu à peu, mais je n’ai pas couru après, c’est lui qui a fait les premiers pas. J’hésitais parce que, vois-tu, il est plus jeune que moi.
— De beaucoup?
— Bien… il a quarante et un ans… Tu comprends pourquoi j’ai hésité?
— Donc, avec tes cinquante-six ans, ça lui fait quinze ans de moins que toi. Ça ne t’embarrasse pas un peu?
— Oui, je l’admets, mais pas lui. Je suis la femme de sa vie, paraît-il. Il prétend que j’ai l’air aussi jeune que lui. Je ne le crois pas, mais il est si charmant, je m’entends si bien avec lui.
— Il a déjà été marié?
— Non, il a failli l’être à vingt-huit ans, mais ça ne fonctionnait plus. Un peu comme Mathieu avec sa Geneviève… Ils ont rompu et il est resté célibataire depuis. Remarque qu’il n’est pas question de mariage entre nous…
— Mais de cohabitation éventuelle, comme je te connais. Et ce sera chez toi pour l’avoir à ta main! De quel signe astrologique est-il?
— Tu pourrais me demander son nom avant de me réclamer son signe! Luc, de son prénom, est Bélier comme moi.
— Ah! mon Dieu! Ça va rugir dans le couple! Deux Béliers, deux «bosseux»!
— Tu exagères… On s’entend très bien, Luc et moi… On est sur la même longueur d’onde. Et nous ne sommes qu’au commencement de notre relation, laisse-nous au moins le temps de nous apprivoiser. Il est très beau à part ça!
— Oui, je sais, mon amie me l’a dit! Donc, bel homme, jeune et célibataire! Tu as remporté le gros lot, ma chère!
— Presque… Loin de William en tout cas. Plus tendre, plus élégant et sans doute plus fidèle. J’ai peur de notre différence d’âge, mais comme ce n’est qu’une fréquentation… N’en parle à personne encore, surtout pas à Paul!
— Non, il serait trop content de dire qu’il n’est pas le seul à chercher des p’tits jeunes!
— Émilie! Cesse tes plaisanteries! C’est de mauvais goût! Permets-moi d’être amoureuse…
— Bien oui, ma petite sœur, je blague et je souhaite de tout mon cœur que Luc te rende heureuse. Et que ce soit mutuel…
— Ne t’en fais pas, il n’aura pas à souffrir de moi, j’ai l’intention de ne pas le perdre celui-là. Et dire que je m’étais juré…
— Tu vois? Il ne faut jurer de rien, Caroline! Chaque être humain a son destin. Aucune nouvelle de William depuis le temps?
— Non, quand un couple se quitte sans enfants, plus rien ne le rattache par la suite. Je ne sais pas ce qu’il est devenu et il n’a pas cherché à savoir ce qui m’arrivait. Les alliances enlevées, c’est le vide total après, et c’est mieux ainsi, plutôt que d’avoir à se côtoyer jusqu’à la fin de nos jours à cause des enfants. Dieu merci, j’ai été épargnée de ce supplice, et lui aussi! Quel châtiment que d’avoir à revoir jusqu’à la fin de sa vie celui ou celle qui te rappelle que de mauvais souvenirs! Dieu merci, encore!
En novembre, alors que Paul magasinait au centre commercial Place Versailles où il se rendait souvent, il sentit une main se poser sur son épaule. Se retournant, il aperçut son ex-beau-frère, William, en compagnie d’une femme au sourire contagieux. William, qui n’avait jamais aimé Paul, s’efforça de lui demander:
— Comment ça va? Tu as bonne mine! Tu travailles encore fort?
— Oui, pas mal, la routine, quoi! Mais toi…
Comme Paul dévisageait la dame qui accompagnait William, ce dernier s’empressa de la présenter:
— Voici Norma, celle qui partage maintenant ma vie. Norma, mon beau-frère Paul dont je t’ai souvent parlé…
— Sans doute en mal, madame… William et ma sœur…
— Non, c’est fini tout ça, Paul, c’est elle qui me tenait éloignée et qui me pompait… C’est du passé tout ça! Je suis présentement très heureux avec Norma. Nous comptons même nous marier.
— Ah oui? Félicitations! C’est pour quand?
— Nous n’avons encore rien fixé, répondit la dame.
Paul se rendit compte qu’elle avait une voix suave, qu’elle était très belle, très féminine, habillée avec goût, les cheveux noirs tirés en chignon, un sourire engageant…
— Vous êtes d’origine anglaise?
— Italienne plutôt, et ma mère adorait le prénom Norma, elle était férue d’opéras, ce que j’aime aussi…
— L’opéra? Mon Dieu! Ce n’est pas William qui va s’y intéresser!
— Tu serais surpris, Paul, tout se développe dans la vie. Norma m’en a beaucoup appris déjà. J’ai même assisté avec elle à La… La…
Paul éclata de rire devant son trou de mémoire et c’est Norma qui le tira d’affaire:
— La Traviata, Willie! La Traviata de Verdi. Et il a aimé ça! Peu à peu, à mesure qu’il comprend le livret, la musique le passionne.
— Bien, tant mieux, l’important c’est d’assimiler et d’apprécier.
— Bon, on te laisse continuer tes achats, Paul, nous, on s’en va prendre un café en bas. Écoute, dis bonjour à Émilie et Renaud de ma part et aux enfants… Aux grands enfants, maintenant!
— Oui, Mathieu a été reçu médecin, Joey a son bac en histoire…
— Bien, tant mieux pour eux. Content de t’avoir vu.
— Moi de même, William. Au revoir, madame, à un de ces jours peut-être.
— Je vous en prie, appelez-moi Norma, Paul! Ce sera plus sympathique.
Le soir venu, Paul s’empressa de téléphoner à Émilie pour lui faire part de sa rencontre, espérant qu’elle la colporterait à Caroline:
— Tu ne croiras jamais qui j’ai rencontré à Place Versailles!
— Qui donc? Tu sembles énervé…
— C’est bien assez! C’est par hasard, mais j’ai croisé William avec sa blonde!
— Pas sérieux! Il habite ce coin-là?
— Je n’en sais rien, mais il magasinait avec elle.
— Et puis, comment est-elle?
— Très belle, Émilie! Magnifique, même! Avec des yeux noirs, un sourire charmant, vêtue comme une reine. Une grande dame!
— Grande dame? Que fait-elle avec William dans ce cas?
— Bien, elle est en train de le transformer, il a meilleure allure, il s’habille mieux qu’avant et elle l’a initié à l’opéra.
— Quoi? Lui? Voyons donc! Il n’écoutait que du country! Surtout les disques de Dolly Parton, sa préférée!
— Bien là, elle l’a changé, il est allé voir La Traviata avec elle! Une belle femme que je te dis, une Italienne d’origine, une femme avec de la classe…
— Qu’est-ce qu’elle fait dans la vie?
— Écoute, je n’ai pas eu le temps de lui faire déployer son curriculum, on était debout dans une allée! Mais plus jolie que ça…
— Elle doit sûrement l’être si tu t’exclames de la sorte, toi qui n’aimes pas les femmes…
— Attention! Je suis homosexuel, mais je vois clair! Une femme de sa trempe attire toujours mon regard! Tu te souviens comment j’aimais Sophia Loren? J’avais même ses posters au sous-sol. Bien, la blonde à William, c’est à peu près son genre. De plus, tu ne le croiras pas, mais ils vont se marier! Je n’ai pas obtenu la date, mais ce sera sûrement au printemps! Si Caroline savait ça…
— Ça ne la dérangerait peut-être pas, car ta sœur a elle aussi un homme dans sa vie. Elle est amoureuse d’un représentant en produits pharmaceutiques plus jeune qu’elle. À propos, quel âge a la blonde de William?
— Quarante-trois, quarante-cinq… Je ne sais pas…
— Ta sœur a le dessus sur son ex-mari, son chum vient d’avoir quarante et un ans seulement. Quinze ans de différence!
— Ah bien! La garce! La chipie! Elle qui me blâmait sans cesse de jeter mon dévolu sur des plus jeunes que moi! Attends que je l’apostrophe…
— Toi, ce n’est que pour coucher, Paul, ce n’est que physique…
— Et elle? Tu penses que c’est de l’amour? Voyons donc! Des nuits chaudes avec un plus jeune! Émilie, la p’tite sœur, c’est pas Maria Goretti! Elle doit les ouvrir ses draps! Pis en maudit à part ça! Mais attends que le représentant se rende compte de son fichu caractère. Attends qu’elle commence à le runner par le bout du nez comme elle le faisait avec Willie!
— Willie? Depuis quand? Tu l’appelais William, non?
— Bien oui, mais sa belle señora l’appelle Willie! Et elle lui serrait la main comme une femme amoureuse de son mâle. Elle, ça semblait vrai, mais la Caroline, sois patiente… Tu vas voir qu’il va flyer, son nouveau chum, quand il va voir sa face de «beu» furieuse s’il lui parle avant qu’elle soit sortie du lit. Tu te rappelles comment maman la secouait quand elle se levait avec sa face en grimace? Elle lui disait: «Envoye, réveille, pis souris, y fait beau aujourd’hui!»
Après l’appel de Paul, Émilie s’était rendu compte que ce dernier voulait qu’elle téléphone à Caroline pour lui annoncer que son chien était bien mort, que son mari était avec une beauté italienne, mais elle n’en fit rien. Paul avait sans doute exagéré… Et lui, de son côté, était déçu d’apprendre que sa petite sœur avait trouvé un homme plus jeune qu’elle pour partager sa vie. Tenant ses doigts croisés, l’aîné de la famille espérait de tout son cœur que la relation de sa sœur foire et que Caroline se retrouve une fois de plus toute seule, vieille et laide devant son grand miroir.
Le souper du temps des Fêtes eut lieu chez Émilie comme de coutume et les invités s’amenèrent en fin d’après-midi. Paul avait apporté du vin et des desserts. Caroline, venue avec son ami, avait déposé des poinsettias sur la table et Mathieu avait offert des présents à son père et à sa mère, ce que fit à son tour Joey, lorsqu’il arriva au salon bien habillé, les jeans de côté pour la journée. Émilie, véritable cordon-bleu, avait passé outre à la dinde pour servir, cette fois, un faisan bien apprêté dans une sauce au vin. Caroline avait présenté son ami Luc à tout le monde, et ce dernier, quelque peu timide, s’était entretenu avec Renaud qui lui semblait le plus accueillant.
On parla de tout et de rien, du temps qui s’écoulait rapidement, de la nouvelle année qui allait se lever avec ses joies et ses peines. Paul buvait trop, comme d’habitude, un verre n’attendait pas l’autre et sa langue se déliait. Se doutant bien qu’Émilie n’avait pas parlé de sa rencontre avec William, il se permit, une fois au dessert, d’annoncer à sa jeune sœur:
— J’ai vu ton ex, dernièrement. À la Place Versailles! Il était en compagnie de Norma, qu’il m’a présentée…
Caroline, courroucée par l’aveu, l’interrompit pour lui dire:
— Ce n’est ni l’endroit ni le moment, Paul! On a d’autres sujets à discuter!
— Correct, je me tais… Une chose cependant, ils vont se marier!
On aurait pu entendre une mouche voler. Émilie, consciente de l’embarras de Caroline, s’empressa de lui demander ainsi qu’à son ami:
— Vous optez pour le cognac, le Cointreau, la crème de menthe?
— Oui, répondit Caroline, verte de préférence.
Et Paul n’était pas allé plus loin devant le regard réprobateur de Renaud qui n’avait pas apprécié l’indélicatesse. À table, par-dessus le marché! Mais, qu’à cela ne tienne, le grand frère qui commençait à ressentir des vapeurs, avait regardé Luc, le chum de sa sœur pour lui dire:
— C’est drôle, mais il me semble que je t’ai rencontré quelque part, qu’on se connaît, nous deux.
L’invité, mal à l’aise, lui répondit:
— C’est sans doute au ministère pour lequel vous travaillez, il m’arrive souvent de me rendre dans les bureaux du gouvernement…
— Pour y faire quoi?
— Bien, des papiers à remettre, d’autres à signer.
— Coudon, es-tu huissier ou représentant en produits pharmaceutiques?
Luc, de plus en plus mal à l’aise, regarda Caroline qui intervint:
— Bon, ça va, Paul! Dépose la bouteille de vin et parle comme du monde! Tu cherches noise je ne sais à qui, mais ça ne marchera pas si c’est à Luc ou à moi.
— Je ne cherche rien de ce genre… Je cherche juste à savoir où je l’ai vu, ton chum! Ça se pose comme question, non?
— Oui, mais comme ça ne semble pas le cas, tu peux changer de sujet?
— J’en ai pas d’autres, je vais laisser la place à Mathieu qui doit en avoir long à nous dire sur ses patients, mais juste avant, j’suis certain de l’avoir vu quelque part, ton Luc… Si seulement j’pouvais me souvenir de l’endroit… ajouta-t-il, en se grattant le fond de la tête.
Les invités partirent tour à tour, Paul le dernier, évidemment, et passant enfin la porte après avoir embrassé Émilie et serré la main de Renaud, il murmura à Joey:
— Je l’ai déjà vu! J’suis pas fou! Pis j’vais finir par trouver où!