PAUL KLEE
(1879 près de Berne – 1940 Muralto)

 

 

 

Photographie de Paul Klee.

 

 

Paul Klee n’était pas à proprement parler un expressionniste typique. En effet, si l’on considère son Œuvre, on peut même arguer que ce n’était pas du tout un expressionniste. Bien qu’il s’agisse de deux artistes très différents, Klee ressemble à Beckmann dans la mesure où il résiste à toute catégorisation. Néanmoins, il fut un membre important du milieu expressionniste, et participa à plusieurs expositions et journaux significatifs du mouvement, à cette époque. Il contribua de façon conséquente aux activités du Blaue Reiter à Munich. Dans l’entre-deux-guerres, Klee fut facilement associé au Bauhaus. Il y enseigna de 1920 à 1931, et élabora une méthode d’enseignement et de conférence innovante, consignée dans des milliers de notes et de dessins. À Dessau, Klee partagea avec Kandinsky une maison de maître conçue par Walter Gropius dans le style moderne du neues Bauen (nouvelle construction), blanche, cubique et au toit plat. Bien que par son tempérament, il ne fût pas un Bauhäusler typique, Klee constituait une force majeure dans l’école, associée à la « sachlichkeit » (objectivité) et au rationalisme. Si l’on considère également que son Œuvre intéressa les dadaïstes de Zurich et qu’il fut plus tard défendu par les surréalistes, on peut alors même parler d’une certaine versatilité.

La réputation de Klee était celle d’un artiste introverti et rêveur. C’est une image qu’il cultivait en partie lui-même. Son imagination semblait contenir une réserve inépuisable de formes, de situations et de juxtapositions étranges, constituant une espèce de réalité parallèle. En effet, ses journaux intimes montrent qu’il pouvait être très passionné, impulsif, sociable et fermement convaincu de sa propre importance artistique. Comme Schiele, il fit preuve d’un grand talent dès son plus jeune âge. Les premières esquisses de Klee datant de 1903-1905, époque où il vivait encore dans sa ville natale de Berne, et qu’il nomme « Opus I », sont des images mémorables, délicatement exécutées, teintées d’une certaine morbidité fin de siècle et d’un goût pour la satire acérée. Le « héros » avec son aile dans l’une d’entre elles, par exemple, est doté d’une aile tellement chétive et imparfaite qu’il est confiné au sol, comme une dinde. L’image suggère l’incompatibilité entre le besoin d’apothéose de l’homme et la réalité de la vie terrestre imparfaite.

En 1911, Klee fut présenté à August Macke. Peu après, il rencontra Marc et Kandinsky. Ils l’accueillirent dans le groupe exposant sous le nom de Blaue Reiter et il contribua à leur almanach. En avril 1912, Klee se rendit à Paris et fut profondément impressionné par l’ « orphisme » abstrait de Robert Delaunay. Remarquable pour un artiste tellement intéressé par la couleur, cependant, Klee travaillait presque exclusivement avec le médium graphique et utilisa peu de couleurs dans son Œuvre jusqu’en 1914. C’est au printemps de cette année-là, qu’il entreprit un périple de deux semaines à travers la Tunisie, avec les peintres August Macke et Louis Moillet. Le voyage constitua une percée pour Macke et pour Klee. Sous le charme de la lumière et des couleurs d’Afrique du Nord, les deux artistes produisirent certaines de leurs meilleures œuvres pendant le séjour, et aussi par la suite. Les carnets de Klee parlent avec enthousiasme d’une pleine lune spectaculaire, de visions « bibliques » de jardins, de dromadaires et de chameaux, de cactus, de charmeurs de serpents et de mangeurs de scorpions. Klee réalisa plusieurs aquarelles sur le parcours, qui furent pour lui une source d’inspiration pour les années à venir.