Oskar Kokoschka,
Nature morte avec chat, Putto et lapin, 1913-1914.
Huile sur toile, 90 x 120 cm.
Kunsthaus Zürich, Zurich.
Kokoschka se libéra de son obsession et voyagea intensément pendant les années 20. En 1930, il retourna dans sa ville natale de Vienne, mais, perturbé par son climat politique de plus en plus oppressant, il partit pour Prague en 1934 et prit la nationalité tchèque. À Prague, Kokoschka peignit un autre autoportrait. De prime abord, cela semble être un autoportrait plutôt sincère. C’était en effet l’intention de départ. Néanmoins, Kokoschka lui donna un titre qui complique et vient apporter une dimension politique à l’image : Bildnis eines entarteten Künstlers (Portrait d’un artiste dégénéré). Il avait déjà commencé à travailler sur ce tableau, lorsqu’il entendit dire que plusieurs de ses œuvres allaient être exposées par les nazis lors d’une manifestation de propagande contre la modernité, Entartete Kunst (Art dégénéré), cette année-là (1937) à Munich. La plus importante entre toutes ses œuvres diffamées était sa Windsbraut. Ses dessins furent dénigrés dans le catalogue de l’exposition, comme étant les œuvres d’un fou. Au total, environ 417 œuvres de Kokoschka furent saisies dans les collections et qualifiées de « dégénérées » ou d’exemples de « bolchevisme culturel ». C’est à la lumière de ces événements et avec le désir de railler la volonté absurde des nazis de cataloguer la culture d’une époque, que Kokoschka peignit ce « portrait d’un artiste dégénéré ». Il serait tentant de voir cette image d’abord comme celle d’une victime. Pourtant, la posture de cet artiste de cinquante-et-un ans, avec sa tête dressée, traduit un sentiment de défiance. En effet, Kokoschka modifia la pose, lorsque son tableau prit sa signification politique, de sorte que ses bras soient croisés dans une expression de résistance d’autant plus affirmée. Dans une lettre écrite en novembre 1938, Kokoschka le décrivait ainsi : « un nouvel autoportrait …suggestif et très bon… on pourrait l’appeler « Autoportrait d’un artiste cloué au pilori ». Mais on dirait que c’est moi qui ris le dernier et aux dépens de ces idiots. »
En 1938, l’accès d’Hitler à la Tchécoslovaquie fut dégagé par les accords de Munich. Kokoschka s’enfuit à Londres avec sa future épouse, Olda Palkovska. Il l’épousa là-bas dans un abri anti-aérien en 1941. Ayant toujours soutenu avec courage ses opinions antinazis, il avait publié une lettre dans un journal allemand critiquant Hitler pour avoir congédié Max Liebermann de son poste de président de l’Académie prussienne parce qu’il était juif. De son exil à Prague, il écrivit plusieurs articles de protestation contre l’inhumanité du régime et les atrocités dont il était capable. À Londres, il s’engagea activement dans des organisations d’exilés et, à partir de 1943, il assuma les fonctions de président du Freier Deutscher Kulturbund (Ligue culturelle allemande libre). Kokoschka devint citoyen britannique en 1947.