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Château Cornucopia, Sartène, Corse


Le chauffeur du général Khan ralentit devant le portail fortifié de la villa.

Un garde, en treillis noir muni d’une oreillette et armé d’un Uzi israélien, examina l’habitacle de la Mercedes.

— Pourrais-je voir votre passeport ?

Après avoir examiné celui de Khan, il s’écarta.

— M. Crowley vous attend.

Les lourdes grilles s’ouvrirent.

*
*     *

Depuis son siège dans le second hélico, O’Connor ne quittait pas des yeux le Cougar de tête qui approchait de la terrasse du dernier étage. Soudain, une rafale de mitrailleuse jaillit du corps de garde. Aussitôt, le Tigre qui les couvrait plongea et ouvrit le feu avec son canon 30 millimètres, réduisant temporairement au silence les tireurs au sol, mais le mal était fait. De la fumée s’échappant de l’un de ses moteurs, le Cougar leader effectua une série d’embardées ; son pilote réussit néanmoins à le poser sur les pelouses en face du château. Malgré cet atterrissage assez violent, les forces françaises antiterroristes en jaillirent aussitôt et se déployèrent pour être immédiatement engagées par un nombre impressionnant de mercenaires.

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*     *

Crowley, revolver en main, se retira de la terrasse, juste avant que le Tigre ne la mitraille pour préparer le terrain à O’Connor et ses Seals. Il se rua dans la pièce où Badawi et Aleta étaient détenus.

— Dehors ! leur ordonna-t-il, en les forçant à emprunter un couloir jusqu’à son bureau.

Gardant l’œil sur eux, il tapa le code permettant d’accéder à sa chambre forte souterraine.

— Les mains sur la tête ! Descendez !

Il verrouilla la porte derrière lui avant de les suivre. Nullement décidé à se rendre, il cherchait un moyen de s’en sortir.

— Stop !

Il les dépassa, brandissant son arme.

Il composa le deuxième code et alluma les lumières.

— Entrez là-dedans !

— Mon Dieu ! s’exclama Aleta.

Là, au beau milieu d’œuvres d’art d’une valeur inestimable, et présenté dans sa propre vitrine, se trouvait le masque de Toutankhamon.

— Assis tous les deux ! Derrière ce bureau. Si vous faites le moindre geste, je vous colle une balle dans la tête !

Crowley passa derrière une autre table. Il commençait à entrevoir une solution.

*
*     *

Les cordes de rappel tombèrent comme de longs serpents noirs sur la terrasse ; O’Connor et Kennedy se laissèrent glisser les premiers, suivis par tous les autres.

— On nettoie pièce par pièce, ordonna O’Connor.

— Bon Dieu… on va y passer la nuit. Vous avez vu la taille de ce truc ? marmonna Estrada juste avant d’effectuer une roulade pour se protéger derrière un mur.

Bien lui en prit, car une rafale laboura l’emplacement qu’il venait de quitter. O’Connor répliqua aussitôt. Ruger, mortellement touché, chuta de la poutre du plafond sur laquelle il était installé. Ils ne tardèrent pas à découvrir Khan, apeuré et caché dans un coin, qu’ils menottèrent et arrêtèrent.

Devant le corps de garde, le capitaine Durand lançait l’assaut final.

Comme ils l’avaient si souvent fait dans des villes ou villages d’Irak et d’Afghanistan, les Seals sécurisèrent la maison. Pièce par pièce, étage par étage, ils nettoyèrent le repaire de Crowley, n’y trouvant plus pour l’essentiel qu’un personnel terrifié. Ce ne fut qu’en arrivant dans la tourelle nord qu’ils tombèrent sur Rachel Bannister, ligotée aux colonnes d’un lit à baldaquin.

— Où est Crowley ? lui demanda O’Connor.

Au lieu de répondre, Rachel, au bord de l’hystérie, se mit à lui débiter son histoire. Malgré son inquiétude pour Aleta, il se força à l’écouter avec calme.

— Il y a une chambre forte, dit-elle finalement, les yeux écarquillés, avant de les conduire dans le bureau de Crowley.

— Écartez-vous… ordonna O’Connor. On va faire sauter la serrure.

Ils se mirent à couvert dès que la charge fut installée. Malgré l’explosion contenue, ils durent attendre que la fumée se dissipe avant de se risquer dans l’escalier de pierre qui les mena… à une deuxième porte en acier.

O’Connor et Kennedy échangèrent un regard. Le second plaça une nouvelle charge explosive.

— À couvert !

Ils battirent en retraite, remontant plusieurs marches, M14 à la main.

Quand la vue fut dégagée, O’Connor se raidit. Crowley se tenait juste derrière le seuil, planqué derrière Aleta, lui braquant une arme sur la tempe.

— Reculez ou je lui en colle une !

O’Connor et Kennedy obéirent, remontant dans le bureau. Crowley et Aleta ne tardèrent pas à apparaître. Elle était pâle comme un linge.

— Maintenant, voilà comment ça va se passer, fit Crowley en ricanant. Votre hélico va nous amener, cette petite salope et moi, à l’aéroport de Figari. Il devra se poser juste à côté d’un de mes Gulfstream. Au moindre geste suspect des Français ou de qui que ce soit, elle prend une balle dans la tête.

Tout à sa tirade, Crowley n’avait pas remarqué Rachel qui se trouvait toujours dans la pièce, cachée derrière la porte à moitié démolie. S’emparant d’un lourd presse-papiers en fer, elle le lui écrasa sur le crâne avec toute la rage d’une femme bafouée.