Poupée de chiffon

Les cours, l’attente, le train…

La journée a été longue, et je tombe de fatigue. Je prends une douche et me sens soudain plus légère. J’enfile mon pyjama, me lave les dents et me réfugie sous les couvertures.

Ça me fait du bien de retrouver Arthur. Un mois, c’est long. Mais finalement, les semaines sont passées plutôt vite. Il s’allonge à mes côtés, son souffle dans mon cou, et m’entoure de ses bras. Je me sens au chaud, en sécurité. Sereine, je ferme les yeux.

Ses mains glissent sur mes hanches, je les retire doucement et lui dis que je suis fatiguée. Déçu, il me serre fort dans ses bras et me murmure :

— Je t’aime.

Nous nous endormons.

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J’ouvre les yeux. Arthur me fait un grand sourire et m’embrasse. Il est mignon au réveil, on dirait un enfant. Son visage candide, ses yeux noirs et ses cheveux châtains me font fondre.

Je me pelotonne contre lui, pose ma tête contre son cœur. Il me caresse les cheveux. Nous restons un moment sans rien faire. Enfin, il me tire du lit et nous allons déjeuner.

Midi, il est déjà tard. Arthur aime profiter du week-end pour faire un tour en ville ou une balade en forêt. Je me prépare pendant qu’il débarrasse la table, fais le lit et, une fois ces tâches achevées, nous quittons l’appartement pour rejoindre la voiture.

Arthur insère une vieille cassette de son père dans le lecteur. Still loving you. Nous fredonnons les paroles. Je souris en regardant le paysage campagnard défiler sous un magnifique soleil. Il fait beau, et le vent glacé de janvier n’y change rien.

Le parking est bondé, mais pas plus qu’un samedi ordinaire. Couples et familles sont de sortie. Arthur trouve une place in extremis, va prendre un ticket au parcmètre et nous rejoignons le centre-ville.

Le signal du tramway, des rires d’enfants…

Arthur est un garçon tendre et prévenant, le plus attentionné que je connaisse. Il est toujours présent quand j’ai besoin de lui. De deux ans mon aîné, il sait se montrer patient et compréhensif. Il aime ce que j’aime, comprend mes vagues à l’âme et mes peurs. Il m’écoute et me soutient, sans jamais se plaindre. Il me pardonne même mes colères injustifiées. C’est un ange ! Je n’imagine pas ma vie sans lui. Sa présence m’apaise, me guérit. La chaleur de sa main me réchauffe le cœur. Il me donne envie de vivre.

Je ne m’en serais pas sortie sans lui. Chaque fois que le quotidien me paraît vide et dénué de sens, que tout me semble sans issue, il m’assure que, quelle que soit la douleur, elle finit toujours par s’effacer. J’ignore la raison pour laquelle il est aussi patient. N’importe qui en aurait eu marre. Une fille comme moi…

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Tels deux enfants impatients, nous nous dirigeons vers la boutique de bonbons la plus proche. Sucettes, pâtes de fruit, réglisses, gélifiés, caramels, nougats, fruits confits, guimauves. Nous en achetons un gros sachet et sortons du magasin, heureux comme deux enfants.

Nous entrons ensuite dans une bouquinerie à l’angle d’une rue. Je me promène entre les étagères encombrées de livres anciens. On ne sait jamais ce qu’on va trouver, il y a toujours des surprises. Un petit ouvrage à la reliure noire et rouge attire mon attention : Contes à faire peur. L’auteure m’est inconnue. De magnifiques gravures ornent le livre. J’achète ce petit trésor sans la moindre hésitation.

Nous sortons de la bouquinerie et flânons dans les rues. Nous bavardons de choses et d’autres, sans voir les heures passer. Je n’ai pas envie que la journée se termine. Je ne veux pas me séparer de lui une fois encore. C’est difficile de ne pas le voir pendant plusieurs semaines. Les journées me semblent interminables et ennuyeuses, mais ça m’a appris à être patiente. Le retrouver me rend si heureuse que j’en oublie presque la distance qui nous sépare. Ça vaut la peine d’attendre pour quelqu’un que l’on aime tant.

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Dix-huit heures, le soleil se couche. Nous regagnons la voiture et rentrons.

Sitôt arrivés, j’enlève vêtements et chaussures et me précipite sous la douche. Je n’ai pas fermé la porte à clé. Arthur me rejoint. Je me défais en douceur de son étreinte :

— Pas maintenant, j’ai mal au ventre…

— D’accord, d’accord, dit-il d’une voix légèrement étouffée.

Je me rince rapidement et sors de la douche. Tandis que je me sèche, Arthur reste sous l’eau.

Je file dans la chambre et enfile mon pyjama, puis m’enroule dans les couvertures.

L’eau a cessé de couler, Arthur me rejoint et s’allonge à côté de moi. Son corps se presse contre le mien. Je me recroqueville, et lui dit d’une voix tremblante :

— Je suis fatiguée, Arthur…

Il ne répond pas et me serre davantage. Mon estomac se tord.

Je fixe un point sur le mur.

J’ai froid.