En pleine sieste

Le troisième étage de notre grande maison est occupé par deux chambres contiguës — celle de Robinson et celle que je partage avec Hélène —, par une salle de bain le plus souvent fermée à clé et, bien entendu, sur le palier, par le cabinet d’aisances, c’est-à-dire les latrines, les chiottes, les gogues ou le djok, centre historico-topographique de cette épopée contemporaine.

Après le repas de midi, je m’enferme volontiers avec Robinson dans sa chambre. Même si j’enfonce des boules Quies dans mes oreilles, je crois chaque fois qu’il va m’être impossible de m’offrir une petite sieste, tant Robinson est bruyant. Pourtant, la plupart du temps, je parviens à m’endormir et à sommeiller un bon quart d’heure. Ce petit somme est comme un miracle, un don inespéré du quotidien qui me rend la force nécessaire pour arpenter les longues plaines de l’après-midi aux côtés de mon fils.

Tout se passe comme si ma présence assoupie appartenait davantage à Robinson que les diverses activités qui m’écartent de lui : je suis là, calme, étendu silencieusement, et il ne ressent pas le besoin d’attirer mon attention. Peut-être même, en compagnie de mon corps immobile, éprouve-t-il une forme de temporaire apaisement. De mon côté, je trie instinctivement les sons produits par mon fils : s’il geint, s’il gémit, s’il pleurniche, je me réveille ou je n’arrive pas à m’endormir. Mais ses petits cris d’orfraie, de renard ou de télécopieur, je ne les entends guère — on dirait même qu’ils m’aident à m’enfoncer dans le sommeil.