Au jour le jour, II (injonctions paternelles)

Regarder ce qu’il fait, apprendre à lire debout. Travailler partout, aux aguets, dans le discontinu. Porter partout son ordinateur portable.

Regarder ce qu’il fait. Le conduire aux toilettes dès qu’il se réveille, même s’il regimbe d’un air encore assoupi — ou alors changer, quelques minutes plus tard, des draps entre-temps gorgés d’urine. Regarder ce qu’il fait. Éteindre sa veilleuse devenue invisible dans la lumière du matin. Regarder ce qu’il fait. Replacer, entre son sommier et son matelas, la planche qui l’empêche de transformer son lit en trampoline. Remettre la petite pièce qui bouche la prise de courant après avoir passé l’aspirateur dans sa chambre. Refermer la fenêtre à clé. Lui retirer des mains la bouteille dont il vient de s’emparer. Aller rechercher son jouet préféré en haut de l’armoire. Regarder ce qu’il fait. L’aider à récupérer, au fond du pot, les dernières cuillerées de yaourt à la fraise. Couper sa viande. Lui servir à boire. Éponger l’eau qu’il a renversée par terre. Regarder ce qu’il fait. Remettre ses chaussures. Le tenir par la main. Le moucher. Le torcher. L’embrasser. Lui parler (tout de même). Regarder ce qu’il fait.