Dans l’ordre ou dans le désordre

Robinson est d’accord avec Paul Valéry : « Le monde est menacé par deux choses : l’ordre et le désordre. » Il le dirait peut-être avec d’autres mots, s’il savait parler. Et comme il ne parle pas, il ne le dit pas, il le fait. Un de ses jeux favoris consiste à vider le contenu d’une boîte par terre, puis à la ranger. Par exemple, la boîte en carton qui contient des balles de plastique creuses, multicolores et légères. Si, alors qu’il les remet une à une dans la caisse, je lui annonce que nous allons descendre pour manger, il me lance un regard anxieux qui semble signifier : « Je ne supporterais pas de quitter ma chambre en la laissant dans un tel état, il faut finir de ramasser les balles, donne-moi donc un coup de main ! » Comme ce souci valéryen me paraît louable, je me mets à la tâche, en vitesse pour éviter que le repas ne refroidisse. Mais, une fois que toutes les boules sont à leur place, juste avant de sortir de la pièce, mon fils se ravise et, d’un geste autoritaire, retourne la boîte, les boules s’éparpillant aussitôt un peu partout, sous le lit et les armoires. Entre le fascisme et l’anarchie, pas de doute pour Robinson : l’ordre constitue une menace plus dangereuse que le désordre.