Depuis sa prime enfance, Robinson voue à l’aspirateur un culte dionysiaque. À sa forme biscornue, à l’alternance de ses matières dures et molles. À son corps et son cou, sa queue électrique et sa trompe télescopique. À ses roulettes apparemment mal proportionnées. Malgré son air de bloc de béton immobile et stable, l’aspirateur bouge, lentement mais sûrement, comme si son buste suivait son étrange bouche rectangulaire. Et, bien qu’il se taise la plupart du temps, quand le grand non-autiste le décide, il se met à pousser un chant à nul autre pareil, profond, continu, vaguement inquiétant, aspirant le silence et recouvrant le bruit.
Pour ma part, quand Robinson n’est pas là, j’ai une bonne excuse pour laisser la poussière s’accumuler sur les tapis : ce serait trop bête de passer prosaïquement l’aspirateur, de façon profane, en privant son adorateur d’un moment de culte extatique et ménager.