Mon père doit avoir entre quarante-cinq et cinquante ans, au vu de son apparence. Son âge ne m’étonne guère mais, confusément, je sens que sa présence n’est pas habituelle, qu’elle est fragile, sans doute éphémère. Mais je ne dis rien, car, depuis plusieurs jours, j’ai cessé de parler, ce qui inquiète mes parents.
Mon vélo est ensuite bousculé par un autocar. Certainement vais-je être écrasé.
Dans ce rêve, mon père non seulement est vivant, mais il a mon âge. J’y suis mon père, en quelque sorte. Et j’y suis aussi mon fils dans la mesure où je le rejoins dans la non-parole.
Longtemps, un de mes rêves les plus fréquents voulait que Robinson se mette à prononcer une longue phrase, subitement, comme dans une blague. Ou bien je me rendais compte que je m’étais trompé à son sujet : il parlait depuis longtemps, mais je ne m’en étais pas aperçu. Ces rêves-là, qui étaient suivis de réveils douloureux comme une retombée de haut, ont laissé place à des cauchemars qui me voient courir derrière Robinson le long d’une autoroute, d’une voie rapide emplie de lourds camions, de chars russes, de brontosaures mécaniques, Robinson accélère l’allure tandis qu’une force invisible me ralentit, je relève mes cuisses en vain, sans plus avancer d’un pas, les voitures me frôlent, où est Robinson ?