À travers la narration

Sous forme de dactylogramme A4 relié, encollé et enveloppé dans une couverture jaune, la version antérieure de ce roman est arrivée dans les mains d’un jeune ami, Thibaut L., qui travaille dans une maison d’édition. À son avis, il conviendrait d’introduire dans le récit une progression « qui ne soit pas celle, actuelle, d’une gradation/radicalisation des propos tenus sur la merde ». Tu m’étonnes. L’ennui, c’est que la maladie dont souffre le oui-autiste (ou dont souffre son entourage) n’est rien d’autre qu’une absence totale de progression. Il s’agit de la définition même de l’autisme — d’une de ses définitions. Faut-il dès lors inventer une évolution ? Guérir Robinson ? Convertir son père à je ne sais quelle sagesse, à je ne sais quel mysticisme ? Reprendre le thème éculé de la rédemption par l’écriture ou par l’art ? Ou insérer mes descriptions et mes minirécits dans une large fiction qui poserait une question et donnerait envie d’en connaître la réponse ? Pourquoi ne pas transformer ce roman en polar ? Mon commissaire serait ralenti dans son enquête par les soins qu’il lui faudrait prodiguer à son fils oui-autiste. Ne pourrait-il, au gré d’une association d’idées lumineuse, découvrir la clé de l’énigme en ramassant de la merde étalée sur son tapis persan ? Faut-il mentir en disant la vérité ou dire la vérité du mensonge ?

Robinson, lui, ne ment jamais. Quand il jette un objet mou, qui atterrit à terre en silence sans que je m’en aperçoive, il me le montre avec une honnêteté confondante. Si, par un signe de la main, il m’indique son gobelet, c’est parce qu’il a vraiment soif, et non, comme j’ai parfois tendance à le croire, pour attirer l’attention, pour rester dans la pièce que nous sommes sur le point de quitter, etc. Nulle ruse : la transparence de l’immobilité.