Cet amour
Si violent
Si fragile
Si tendre
Si désespéré
Cet amour
Beau comme le jour
Et mauvais comme le temps
Quand le temps est mauvais
Cet amour si vrai
Cet amour si beau
Si heureux
Si joyeux
Et si dérisoire
Tremblant de peur comme un enfant dans le noir
Et si sûr de lui
Comme un homme tranquille au milieu de la nuit
Cet amour qui faisait peur aux autres
Qui les faisait parler
Qui les faisait blêmir
Cet amour guetté
Parce que nous le guettions
Traqué blessé piétiné achevé nié oublié
Parce que nous l’avons traqué blessé piétiné achevé nié oublié
Cet amour tout entier
Si vivant encore
Et tout ensoleillé
C’est le tien
C’est le mien
Celui qui a été
Cette chose toujours nouvelle
Et qui n’a pas changé
Aussi vraie qu’une plante
Aussi tremblante qu’un oiseau
Aussi chaude aussi vivante que l’été
Nous pouvons tous les deux
Aller et revenir
Nous pouvons oublier
Et puis nous rendormir
Nous réveiller souffrir vieillir
Nous endormir encore
Rêver à la mort
Nous éveiller sourire et rire
Et rajeunir
Notre amour reste là
Têtu comme une bourrique
Vivant comme le désir
Cruel comme la mémoire
Bête comme les regrets
Tendre comme le souvenir
Froid comme le marbre
Beau comme le jour
Fragile comme un enfant
Il nous regarde en souriant
Et il nous parle sans rien dire
Et moi je l’écoute en tremblant
Et je crie
Je crie pour toi
Je crie pour moi
Je te supplie
Pour toi pour moi et pour tous ceux qui s’aiment
Et qui se sont aimés
Oui je lui crie
Pour toi pour moi et pour tous les autres
Que je ne connais pas
Reste là
Là où tu es
Là où tu étais autrefois
Reste là
Ne bouge pas
Ne t’en va pas
Nous qui sommes aimés
Nous t’avons oublié
Toi ne nous oublie pas
Nous n’avions que toi sur la terre
Ne nous laisse pas devenir froids
Beaucoup plus loin toujours
Et n’importe où
Donne-nous signe de vie
Beaucoup plus tard au coin d’un bois
Dans la forêt de la mémoire
Surgis soudain
Tends-nous la main
Et sauve-nous.
(Paroles)
L’enfance
dans le lointain de la jeunesse
l’adolescent la méprise et ne veut pas l’entendre
ce n’est plus moi dit-il
c’est un petit qui ne sait pas ce qu’il dit
mais le petit dit ce qu’il sait
même et surtout quand il se tait
L’adolescent grandit
il n’a pas étouffé tous les cris
Il n’a effacé ni les
rires ni les larmes...
Les éducateurs
veulent le jeter dans le grand pareil au même
il ne veut pas penser au pas
il ne veut pas rêver à la baguette...
il veut l’enfance.
(Soleil de nuit)
Le tendre et dangereux
visage de l’amour
m’est apparu un soir
après un trop long jour
C’était peut-être un archer
avec son arc
ou bien un musicien
avec sa harpe
Je ne sais plus
Je ne sais rien
Tout ce que je sais
c’est qu’il m’a blessée
peut-être avec une chanson
Tout ce que je sais
c’est qu’il m’a blessée
blessée au cœur
et pour toujours
Brûlante trop brûlante
blessure de l’amour.
(Histoires et d’autres histoires)
Tristes enfants perdus
Nous errons dans la nuit.
Où sont les fleurs du jour,
Les plaisirs de l’amour.
Les lumières de la vie?
Tristes enfants perdus
Nous errons dans la nuit.
La lune blanche et nue
Dans le ciel nous poursuit.
Son sourire est glacé
Nos cœurs glacés aussi.
Tristes enfants perdus
Nous errons dans la nuit.
Le diable nous emporte
Sournoisement avec lui.
Le diable nous emporte
Loin de nos belles amies.
Notre jeunesse est morte
Et nos amours aussi...
(Soleil de nuit)
Une orange sur la table
Ta robe sur le tapis
Et toi dans mon lit
Doux présent du présent
Fraîcheur de la nuit
Chaleur de ma vie.
(Paroles)
Pour toi pour moi
loin de moi près de toi
avec toi contre moi
chaque battement de mon cœur
est une fleur arrosée par ton sang
Chaque battement c’est le tien
chaque battement c’est le mien
par tous les temps tout le temps
La vie est une fleuriste
la mort un jardinier
Mais la fleuriste n’est pas triste
le jardinier n’est pas méchant
le bouquet est trop rouge
et le sang trop vivant
la fleuriste sourit
le jardinier attend
et dit Vous avez le temps!
Chaque battement de nos cœurs
est une fleur arrosée par le sang
par le tien par le mien
par le même en même temps.
(Choses et autres)
Trois allumettes une à une allumées dans la nuit
La première pour voir ton visage tout entier
La seconde pour voir tes yeux
La dernière pour voir ta bouche
Et l’obscurité tout entière pour me rappeler tout cela
En te serrant dans mes bras.
(Paroles)
Tes jeunes seins brillaient sous la lune
mais il a jeté
le caillou glacé
la froide pierre de la jalousie
sur le reflet
de ta beauté
qui dansait nue sur la rivière
dans la splendeur de l’été.
(La pluie et le beau temps)
Qui est là
Personne
C’est simplement mon cœur qui bat
Qui bat très fort
A cause de toi
Mais dehors
La petite main de bronze sur la porte de bois
Ne bouge pas
Ne remue pas
Ne remue pas seulement le petit bout du doigt.
(Histoires et d’autres histoires)
A Jo Warfield
Je suis née toute nue
Je vis comme je suis née
Je suis née toute petite
Si j’ai grandi trop vite
Jamais je n’ai changé
Et je vis toute nue
Pour la plupart du temps
Ce temps où je vis nue
Ce temps c’est de l’argent
C’est l’amour qui m’a faite
L’amour qui m’a fait fête
L’amour qui m’a fait fée
Où donc est-il parti
L’amoureux que j’avais
Qui me faisait plaisir
Qui me faisait rêver
Qui me faisait danser
Danser à sa baguette
C’était mon chef d’orchestre
Moi son corps de ballet
C’est l’amour qui m’a faite
L’amour qui m’a fait fête
L’amour qui m’a fait fée
Et je vous change en bête
Chaque fois que ça me plaît
Votre amour me fait rire
Votre amour n’est pas vrai
Marchez à ma baguette
Et passez la monnaie
C’est l’amour qui m’a faite
L’amour qui m’a défaite
Et m’a abandonnée
L’amoureux que j’avais
Où s’en est-il allé
Où s’en est-il allé
Où s’en est-il allé.
(Histoires et d’autres histoires)
Le lézard de l’amour
S’est enfui encore une fois
Et m’a laissé sa queue entre les doigts
C’est bien fait
J’avais voulu le garder pour moi.
(Histoires et d’autres histoires)
Je suis allé au marché aux oiseaux
Et j’ai acheté des oiseaux
Pour toi
mon amour
Je suis allé au marché aux fleurs
Et j’ai acheté des fleurs
Pour toi
mon amour
Je suis allé au marché à la ferraille
Et j’ai acheté des chaînes
De lourdes chaînes
Pour toi
mon amour
Et puis je suis allé au marché aux esclaves
Et je t’ai cherchée
Mais je ne t’ai pas trouvée
mon amour.
(Paroles)
Il est midi, tout est tout noir
et soudain rouge de temps en temps
Au coin d’une rue qu’existe plus
la mort se promène comme chez elle.
Moi j’m’en fous, j’attends l’arc-en-ciel
et l’arc-en-ciel, c’est mon amant
L’amour se cache n’importe où
l’amour se trouve n’importe quand
l’amour se fait n’importe comment
l’amour est plus jeune que la mort
même s’ils ont vu le jour en même temps
Au coin d’une rue qu’existe plus
qui vient de partir à l’instant
la mort fait la retape, le ruban.
Moi j’m’en fous, j’attends mon amant
Je suis sure qu’aujourd’hui, pour elle
ça sera sûrement pas un client.
(Choses et autres)
L’amour est clair comme le jour
l’amour est simple comme bonjour
l’amour est nu comme la main
c’est ton amour et le mien
pourquoi parler du grand amour
pourquoi chanter la grande vie?
Notre amour est heureux de vivre
et ça lui suffit.
C’est vrai l’amour est très heureux
et même un peu trop... peut-être
et quand on a fermé la porte
rêve de s’enfuir par la fenêtre
Si notre amour voulait partir
nous ferions tout pour le retenir
que serait notre vie sans lui
une valse lente sans musique
un enfant qui jamais ne rit
un roman que personne ne lit
la mécanique de l’ennui
sans amour sans vie!
(Soleil de nuit)
Moi j’avais une lampe
et toi la lumière
Qui a vendu la mèche?
(La pluie et le beau temps)
Depuis des mois des ans
Des heures et des jours
La belle Marion en pleurs
Sous l’orme attend l’amour
Et l’orme devient mort
La belle attend toujours
Attendez-moi sous l’orme
Lui avait dit le Roi
Et l’orme devient mort
La belle attend toujours
Attendez-moi sous l’orme
Lui avait dit le Roi
Et depuis ce jour-là
La belle Marion en larmes
La belle Marion en larmes
Sous l’orme attend l’amour
Mais les années se passent
Et les mois et les jours
Le Roi n’arrive pas
Il oublie ses amours
Le Roi est sous les armes
Et n’entend pas les pas
De la Belle Marion
Qui sanglote sous l’orme
Et n’entend pas les pas
De la Belle Marion
Qui sanglote sous l’orme
En faisant les cent pas
D’autres années se passent
Avec leurs mois leurs jours
La Belle Marion en larmes
Sous l’orme attend toujours
Mais un beau jour le Roi
Au beau milieu de sa cour
Se souvient de la belle
De l’orme et de l’amour
Qu’on selle mon cheval
Dit-il au grand sellier
Et le voilà en selle
Qui part pour la forêt
La forêt est immense
Pleine de sangliers
Le Roi leur fait la chasse
Oubliant son amour
Mais un jour par hasard
ourant au son du cor
Il tombe de cheval
Auprès de l’arbre mort
Tout juste sur la tombe
Où dort Marion la belle
Tout juste sur la tombe
Où dort Marion la belle
Où dort Marion la belle
de son dernier sommeil
Bercée par les chansons
Des rossignols des bois
Et le Roi se relève
Et s’incline trois fois
Je me suis fait attendre
Marion excusez-moi
Moralité: la Politesse
La Politesse est l’exactitude des rois.
(Soleil de nuit)
Oh! Je voudrais tant que tu te souviennes
des jours heureux où nous étions amis
En ce temps-là la vie était plus belle
et le soleil plus brûlant qu’aujourd’hui
Les feuilles mortes se ramassent à la pelle...
Tu vois je n’ai pas oublié
Les feuilles mortes se ramassent à la pelle
les souvenirs et les regrets aussi
et le vent du nord les emporte
dans la nuit froide de l’oubli
Tu vois je n’ai pas oublié
la chanson que tu me chantais
C’est une chanson qui nous ressemble
Toi tu m’aimais
et je t’aimais
Et nous vivions tous deux ensemble
toi qui m’aimais
et que j’aimais
Mais la vie sépare ceux qui s’aiment
tout doucement
sans faire de bruit
et la mer efface sur le sable
les pas des amants désunis
Les feuilles mortes se ramassent à la pelle
les souvenirs et les regrets aussi
Mais mon amour silencieux et fidèle
sourit toujours et remercie la vie
Je t’aimais tant tu étais si jolie
Comment veux-tu que je t’oublie
En ce temps-là la vie était plus belle
et le soleil plus brûlant qu’aujourd’hui
Tu étais ma plus douce amie...
Mais je n’ai que faire des regrets
Et la chanson que tu chantais
toujours toujours je l’entendrai
C’est une chanson qui nous ressemble
Toi tu m’aimais
et je t’aimais
Et nous vivions tous deux ensemble
toi qui m’aimais
et que j’aimais
Mais la vie sépare ceux qui s’aiment
tout doucement
sans faire de bruit
et la mer efface sur le sable
les pas des amants désunis.
(Soleil de nuit)
L’oiseau qui chante dans ma tête
Et me répète que je t’aime
Et me répète que tu m’aimes
L’oiseau au fastidieux refrain
Je le tuerai demain matin.
(Histoires et d’autres histoires)
Et les verres étaient vides
et la bouteille brisée
Et le lit était grand ouvert
et la porte fermée
Et toutes les étoiles de verre
du bonheur et de la beauté
resplendissaient dans la poussière
de la chambre mal balayée
Et j’étais ivre mort
et j’étais feu de joie
et toi ivre vivante
toute nue dans mes bras.
(Histoires et d’autres histoires)
Tam tam
tout dit je m’aime
tout dit je t’aime
Tout se caresse
et se dévore
Tout se détruit
et vit encore
Hors des leurres de l’heure
hors du temps compté
Simplement ailleurs
où tout est plus vrai.
(Soleil de nuit)
Je suis heureuse
Il m’a dit hier
qu’il m’aimait
Je suis heureuse et fière
et libre comme le jour
Il n’a pas ajouté
que c’était pour toujours.
(Fatras)
Je suis comme je suis
Je suis faite comme ça
Quand j’ai envie de rire
Oui je ris aux éclats
J’aime celui qui m’aime
Est-ce ma faute à moi
Si ce n’est pas le même
Qui j’aime chaque fois
Je suis comme je suis
Je suis faite comme ça
Que voulez-vous de plus
Que voulez-vous de moi
Je suis faite pour plaire
Et n’y puis rien changer
Mes talons sont trop hauts
Ma taille trop cambrée
Mes seins beaucoup trop durs
Et mes yeux trop cernés
Et puis après
Qu’est-ce que ça peut vous faire
Je suis comme je suis
Je plais à qui je plais
Qu’est-ce que ça peut vous faire
Ce qui m’est arrivé
Oui j’ai aimé quelqu’un
Oui quelqu’un m’a aimée
Comme les enfants qui s’aiment
Simplement savent aimer
Aimer aimer...
Pourquoi me questionner
Je suis là pour vous plaire
Et n’y puis rien changer.
(Paroles)
Je sais dire Je t’aime
mais j’sais pas aimer
Ton cœur de rubis
qu’est-ce que j’en ai fait?
J’ai joué à l’amour
j’savais même pas jouer
Ton cœur de rubis
qu’est-ce que j’en ai fait?
La vitre est brisée
l’magasin fermé
l’satin déchiré
l’écrin piétiné
Je voulais t’avoir
j’voulais t’posséder
Je jouais à l’amour
j’ai seul’ment triché
Ton cœur de rubis
qu’est-ce que j’en ai fait?
Maintenant c’est trop tard
j’ai tout saccagé
Ton cœur de rubis
j’peux même pas le fourguer
Y a pas d’recéleur
pour l’amour volé.
(Histoires et d’autres histoires)
Beaucoup d’eau a passé sous les ponts
et puis aussi énormément de sang
Mais aux pieds de l’amour
coule un grand ruisseau blanc
Et dans les jardins de la lune
où tous les jours c’est ta fête
ce ruisseau chante en dormant
Et cette lune c’est ma tête
où tourne un grand soleil bleu
Et ce soleil c’est tes yeux.
(Histoires et d’autres histoires)
Les enfants qui s’aiment s’embrassent debout
Contre les portes de la nuit
Et les passants qui passent les désignent du doigt
Mais les enfants qui s’aiment
Ne sont là pour personne
Et c’est seulement leur ombre
Qui tremble dans la nuit
Excitant la rage des passants
Leur rage leur mépris leurs rires et leur envie
Les enfants qui s’aiment ne sont là pour personne
Il sont ailleurs bien plus loin que la nuit
Bien plus haut que le jour
Dans l’éblouissante clarté de leur premier amour.
(Spectacle)
Immense et rouge
Au-dessus du Grand Palais
Le soleil d’hiver apparaît
Et disparaît
Comme lui mon cœur va disparaître
Et tout mon sang va s’en aller
S’en aller à ta recherche
Mon amour
Ma beauté
Et te trouver
Là où tu es.
(Paroles)
C’était dans un quartier de la ville Lumière
Où il fait toujours noir où il n’y a jamais d’air
Et l’hiver comme l’été là c’est toujours l’hiver
Elle était dans l’escalier
Lui à côté d’elle elle à côté de lui
C’était la nuit
Ça sentait le soufre
Car on avait tué des punaises dans l’après-midi.
Et elle lui disait
Ici il fait noir
Il n’y a pas d’air
L’hiver comme l’été c’est toujours l’hiver
Le soleil du bon Dieu ne brill’ pas de notr’ côté
Il a bien trop à faire dans les riches quartiers
Serre-moi dans tes bras
Embrasse-moi
Embrasse-moi longtemps
Embrasse-moi
Plus tard il sera trop tard
Notre vie c’est maintenant
Ici on crèv’de tout
De chaud de froid
On gèle on étouffe
On n’a pas d’air
Si tu cessais de m’embrasser
Il me semble que j’mourrais étouffée
T’as quinze ans j’ai quinze ans
A nous deux on a trente
A trente ans on n’est plus des enfants
On a bien l’âge de travailler
On a bien celui de s’embrasser
Plus tard il sera trop tard
Notre vie c’est maintenant
Embrasse-moi!
(Histoires et d’autres histoires)
À la grande nuit au petit jour
au grand jamais au petit toujours
je t’aimerai
Voilà ce qu’il lui chantait
Son cœur à elle lui battait froid
Je voudrais que tu n’aimes que moi
Il lui disait qu’il était fou d’elle
et qu’elle était par trop raisonnable de lui
Au grand jamais au petit toujours
au grand jour et à la petite nuit
Bien sûr
si je te dis je t’aime
je t’aime à en mourir
c’est un peu aussi pour en vivre
Et je ne veux pas dire que je n’aime que toi
que je n’aime pas partir
partir pour revenir
que je n’aime pas rire
et qu’à tes tendres plaintes je ne préfère pas ton
sourire
N’aime que moi
dit-elle
ou alors ça ne compte pas
Essaie de comprendre
Comprendre ça ne m’intéresse pas
Tu as raison il ne s’agit pas de comprendre
il s’agit de savoir
Je ne veux rien savoir
Tu as raison
il ne s’agit pas de savoir
il s’agit de vivre d’être d’exister
Tout ça n’existe pas
je veux que tu m’aimes
et que tu n’aimes que moi
mais je veux que les autres t’aiment
et que tu te refuses à elles
à cause de moi
Terriblement avide
Est-ce ma faute je suis comme ça
Bon dit-il et il s’en va
Au grand jamais au petit jour
à la grande nuit au petit toujours
Ce n’est pas la peine de revenir
Elle a jeté les valises par la fenêtre
et il est dans la rue
seul avec les valises
Voilà maintenant que je suis tout seul comme un chien sous la pluie
puis il constate qu’il ne pleut pas
c’est dommage
c’est moins réussi
enfin on ne peut pas avoir tous les soirs une tempête de neige
et le décor n’est pas toujours dramatique à souhait
L’homme laisse tomber les valises
les chemises le rasoir électrique
les flacons
et les mains dans les poches
le col de pardessus relevé
il fonce dans le brouillard
il n’y a pas de brouillard
mais l’homme pense
J’abandonne les bagages je fonce dans le brouillard
Alors il y a du brouillard
et l’homme est dans le brouillard
et pense à son grand amour
et remue les violons du souvenir
et presse le pas parce qu’il fait froid
et passe un pont et revient sur ses pas et passe un autre pont
et ne sait pas pourquoi
Des hommes et des femmes sortent d’un cinéma où derrière une affiche il y a un prélat
et la foule s’en va la lumière s’éteint le prêtre reste là
Qu’est-ce qu’il peut bien foutre derrière cette affiche ce prêtre-là
Comme l’homme le regarde le prêtre disparaît
mais passe de temps en temps la tête
comme le petit capucin de la petite maisonnette des très rustiques baromètres
Une tête plate et livide comme une lune malade
comme un trop vieux blanc d’œuf sur une assiette très sale
Et puis après tout
qu’est-ce que ça peut me foutre
Ce cinéma
c’est peut-être sa boîte de nuit
à ce prêtre
Mais le prêtre pousse un petit cri
comme une petite femme qu’on égorge
comme un petit caniche qui meurt
Dans les brouillards de Londres
en plein Paris la nuit
l’homme s’enfuit
Au grand jamais au petit toujours
poursuivi par son grand amour.
(La pluie et le beau temps)
Ma petite lionne
je n’aimais pas que tu me griffes
et je t’ai livrée aux chrétiens
Pourtant je t’aimais bien
Je voudrais que tu me pardonnes
ma petite lionne.
(Histoires et d’autres histoires)
Fille d’acier je n’aimais personne dans le monde
Je n’aimais personne sauf celui que j’aimais
Mon amant mon amant celui qui m’attirait
Maintenant tout a changé est-ce lui qui a cessé de m’aimer
Mon amant qui a cessé de m’attirer est-ce moi?
Je ne sais pas et puis qu’est-ce ça peut faire tout ça?
Maintenant je suis couchée sur la paille humide de l’amour
Toute seule avec tous les autres toute seule désespérée
Fille de fer-blanc fille rouillée
O mon amant mon amant mort ou vivant
Je veux que tu te rappelles autrefois
Mon amant celui qui m’aimait et que j’aimais.
(Paroles)
Tu es là
en face de moi
dans la lumière de l’amour
Et moi
je suis là
en face de toi
avec la musique du bonheur
Mais ton ombre
sur le mur
guette tous les instants
de mes jours
et mon ombre à moi
fait de même
épiant ta liberté
Et pourtant je t’aime
et tu m’aimes
comme on aime le jour et la vie ou l’été
Mais comme les heures qui se suivent
et ne sonnent jamais ensemble
nos deux ombres se poursuivent
comme deux chiens de la même portée
détachés de la même chaîne
mais hostiles tous deux à l’amour
uniquement fidèles à leur maître
à leur maîtresse
et qui attendent patiemment
mais tremblants de détresse
la séparation des amants
qui attendent
que notre vie s’achève
et notre amour
et que nos os leurs soient jetés
pour s’en saisir
et les cacher et les enfouir
et s’enfouir en même temps
sous les cendres du désir
dans les débris du temps.
(Histoires et d’autres histoires)
Des milliers et des milliers d’années
Ne sauraient suffire
Pour dire
La petite seconde d’éternité
Où tu m’as embrassé
Où je t’ai embrassée
Un matin dans la lumière de l’hiver
Au parc Montsouris à Paris
A Paris
Sur la terre
La terre qui est un astre.
(Paroles)
Toi tu dors la nuit
moi j’ai de l’insomnie
je te vois dormir
ça me fait souffrir
Tes yeux fermés ton grand corps allongé
c’est drôle mais ça me fait pleurer
et soudain voilà que tu ris
tu ris aux éclats en dormant
où donc es-tu en ce moment
où donc es-tu parti vraiment
peut-être avec une autre femme
très loin dans un autre pays
et qu’avec elle c’est de moi que tu ris
Toi tu dors la nuit
moi j’ai de l’insomnie
je te vois dormir
ça me fait souffrir
Lorsque tu dors je ne sais pas si tu m’aimes
t’es tout près mais si loin quand même
je suis toute nue serrée contre toi
mais c’est comme si j’étais pas là
j’entends pourtant ton cœur qui bat
je ne sais pas s’il bat pour moi
je ne sais rien je ne sais plus
je voudrais qu’il ne batte plus ton cœur
si jamais un jour tu ne m’aimais plus
Toi tu rêves la nuit
moi j’ai de l’insomnie
je te vois rêver
ça me fait pleurer
Toutes les nuits je pleure toute la nuit
et toi tu rêves et tu souris
mais cela ne peut plus durer
une nuit sûrement je te tuerai
tes rêves alors seront finis
et comme je me tuerai aussi
finie aussi mon insomnie
nos deux cadavres réunis
dormiront ensemble dans notre grand lit
Toi tu rêves la nuit
moi j’ai de l’insomnie
je te vois rêver
ça me fait pleurer
Voilà le jour et soudain tu t’éveilles
et c’est à moi que tu souris
tu souris avec le soleil
et je ne pense plus à la nuit
tu dis les mots toujours pareils
«As-tu passé une bonne nuit»
et je réponds comme la veille
«Oui mon chéri j’ai bien dormi
et j’ai rêvé de toi comme chaque nuit.»
(Histoires et d’autres histoires)
Quel jour sommes-nous
Nous sommes tous les jours
Mon amie
Nous sommes toute la vie
Mon amour
Nous nous aimons et nous vivons
Nous vivons et nous nous aimons
Et nous ne savons pas ce que c’est que la vie
Et nous ne savons pas ce que c’est que le jour
Et nous ne savons pas ce que c’est que l’amour.
(Paroles)
Quand le lionceau déjeune
la lionne rajeunit
Quand le feu réclame sa part
la terre rougit
Quand la mort lui parle de l’amour
la vie frémit
Quand la vie lui parle de la mort
l’amour sourit.
(La pluie et le beau temps)
Ce n’est pas moi qui chante
c’est les fleurs que j’ai vues
ce n’est pas moi qui ris
c’est le vin que j’ai bu
ce n’est pas moi qui pleure
c’est mon amour perdu.
(Fatras)
C’est la beauté,
dit la détresse,
La volupté,
dit la douleur,
La cruauté,
dit la tendresse,
L’indifférence,
dit le désespoir.
La mort,
dit le malheur.
Ma sœur,
c’est l’amour,
dit l’heur
le bon heur.
(Choses et autres)
Un marin a quitté la mer
son bateau a quitté le port
et le roi a quitté la reine
un avare a quitté son or
...et voilà
Une veuve a quitté le deuil
une folle a quitté l’asile
et ton sourire a quitté mes lèvres
...et voilà
Tu me quitteras
tu me quitteras
tu me quitteras
tu me reviendras
tu m’épouseras
tu m’épouseras
Le couteau épouse la plaie
l’arc-en-ciel épouse la pluie
le sourire épouse les larmes
les caresses épousent les menaces
...et voilà
Et le feu épouse la glace
et la mort épouse la vie
comme la vie épouse l’amour
Tu m’épouseras
Tu m’épouseras
Tu m’épouseras.
(Histoires et d’autres histoires)
À jeun perdue glacée
Toute seule sans un sou
Une fille de seize ans
Immobile debout
Place de la Concorde
À midi le Quinze Août.
(Paroles)
L’âne le roi et moi
Nous serons morts demain
L’âne de faim
Le roi d’ennui
Et moi d’amour
Un doigt de craie
Sur l’ardoise des jours
Trace nos noms
Et le vent dans les peupliers
Nous nomme
Ane Roi Homme
Soleil de Chiffon noir
Déjà nos noms sont effacés
Eau fraîche des Herbages
Sable des Sabliers
Rose du Rosier rouge
Chemin des Écoliers
L’âne le roi et moi
Nous serons morts demain
L’âne de faim
Le roi d’ennui
Et moi d’amour
Au mois de mai
La vie est une cerise
La mort est un noyau
L’amour un cerisier.
(Histoires et d’autres histoires)
Les rivières étaient claires
la mer était propre
le pain était bon
les saisons saisonnières
les guerres oubliées
et l’amour aimé.
(Choses et autres)
Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là
Et tu marchais souriante
Épanouie ravie ruisselante
Sous la pluie
Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest
Et je t’ai croisée rue de Siam
Tu souriais
Et moi je souriais de même
Rappelle-toi Barbara
Toi que je ne connaissais pas
Toi qui ne me connaissais pas
Rappelle-toi
Rappelle-toi quand meme ce jour-là
N’oublie pas
Un homme sous un porche s’abritait
Et il a crié ton nom
Barbara
Et tu a couru vers lui sous la pluie
Ruisselante ravie épanouie
Et tu t’es jetée dans ses bras
Rappelle-toi cela Barbara
Et ne m’en veux pas si je te tutoie
Je dis tu à tous ceux que j’aime
Même si je ne les ai vus qu’une seule fois
Je dis tu à tous ceux qui s’aiment
Même si je ne les connais pas
Rappelle-toi Barbara
N’oublie pas
Cette pluie sage et heureuse
Sur ton visage heureux
Sur cette ville heureuse
Cette pluie sur la mer
Sur l’arsenal
Sur le bateau d’Ouessant
Oh Barbara
Quelle connerie la guerre
Qu’es-tu devenue maintenant
Sous cette pluie de fer
De feu d’acier de sang
Et celui qui te serrait dans ses bras
Amoureusement
Est-il mort disparu ou bien encore vivant
Oh Barbara
Il pleut sans cesse sur Brest
Comme il pleuvait avant
Mais ce n’est plus pareil et tout est abîmé
C’est un pluie de deuil terrible et désolée
Ce n’est même plus l’orage
De fer d’acier de sang
Tout simplement des nuages
Qui crèvent comme des chiens
Des chiens qui disparaissent
Au fil de l’eau sur Brest
Et vont pourrir au loin
Au loin très loin de Brest
Dont il ne reste rien.
(Paroles)