On voudra bien excuser le caractère fragmentaire et rapide à la fois des remarques qui vont suivre – modeste contribution à la position et à la discussion du problème de la prise de conscience de leur spécificité par les universitaires médiévaux.
Notations fragmentaires : on s'est borné à une suite de sondages, à travers un nombre limité d'œuvres et de personnages, en un seul centre universitaire : Paris. L'Abélard de l'Historia Calamitatum et le Philippe de Harvengt du De Institutione Clericorum (éclairé par des extraits de sa correspondance) pour le XIIe siècle, quelques documents relatifs aux grands conflits doctrinaux et corporatifs du XIIIe siècle (avec une attention spéciale accordée au milieu sigérien et aux propositions condamnées de 1277), quelques textes gersoniens enfin pour le début du XVe siècle, voilà les bases de notre enquête, à trois époques donc nettement caractérisées du milieu universitaire : la genèse, la crise de la maturité, l'engourdissement du déclin du Moyen Age.
Et, à l'intérieur encore de ces choix, d'évidentes limitations : non seulement l'adultération apportée à la pureté du témoignage par la personnalité souvent forte, obnubilante même, des protagonistes, par les déformations dues aux circonstances étroitement conjoncturelles des polémiques, mais encore le rétrécissement causé par le recours à de simples morceaux choisis dans une pensée et une vie les débordant largement : ni Abélard, ni Siger de Brabant, ni Gerson ne se limitent à la faible portion de leur œuvre à laquelle on s'est adressé.
Notations rapides, non seulement parce qu'à travers ces coupes chronologiques la vie profonde et continue de l'Université risque d'échapper, parce que nous ne pouvons ici aborder au fond l'ensemble des problèmes économiques, sociaux, politiques, institutionnels, intellectuels, spirituels, dans lesquels sont pris les moments, ici isolés1 – où nous auraient entraînés, par exemple, les grands débats du XIIIe siècle ? –, mais rapides aussi et surtout parce qu'on s'est résigné à ne diriger quelque lumière que sur certains aspects du grand problème théorique abordé ici – dont la problématique est encore très incertaine.
Prise de conscience : problème central et combien difficile de l'histoire ! Il faudrait mener l'investigation par de multiples voies convergentes, définir des domaines privilégiés d'observation – d'expérimentation même –, les outils, les méthodes et finalement reconnaître – peut-être ? – un critère fondamental pour saisir ce phénomène essentiel : l'instant décisif où les infrastructures sont perçues, où le groupe se reconnaît, s'affirme, naît une seconde fois, décisivement, par la conscience de son originalité.
Thème heureux donc – jusque dans ses difficultés – d'autant plus qu'il se rattache, en le faisant s'approfondir et s'épanouir, au thème de la Mediävistentagung de 1960 : la vocation.
Le niveau auquel on se place ici – une galerie d'approche parmi d'autres – est essentiellement celui de la formulation intellectuelle du rôle de l'universitaire par rapport à d'autres groupes, d'autres classes de la société. C'est dans cette recherche de la différence, et parfois de l'opposition, que nous essaierons de repérer quelques étapes de la prise de conscience par les universitaires de leur état et de son évolution au sein de la société de l'Occident médiéval.
Aux temps d'Abélard et de Philippe de Harvengt il n'y a pas sans doute encore d'universitaires. Mais, dans ces écoles urbaines, dont Abélard est le premier représentant éclatant et dont Philippe de Harvengt est un des premiers à reconnaître l'existence, la nouveauté et l'utilité, sont en train de naître un nouveau métier et de nouveaux artisans : le métier scolaire et sa hiérarchie de scolares et magistri d'où vont sortir universités et universitaires2.
Dans l'Historia Calamitatum, Abélard3 se définit d'abord – sur le plan du tempérament individuel, mais d'un tempérament qui est aussi, d'entrée de jeu, professionnel – par rapport au monde de la petite noblesse dont il est issu. Notation précieuse, il indique que dans son milieu la règle semblait l'alliance entre une certaine culture intellectuelle et la pratique militaire : litterae et arma4. Pour lui le choix est nécessaire et dramatique. Nouvel Esaü, en sacrifiant la « pompa militaris gloriae » au « studium litterarum », il doit renoncer du même coup à son droit d'aînesse. Ainsi le choix de ce qui va devenir un métier le fait radicalement sortir de son groupe social, il est renoncement à un genre de vie, à une mentalité, à un idéal, à une structure familiale et sociale. A la place un engagement total : « Tu eris magister in aeternum. »
Il est pourtant intéressant de noter qu'Abélard – et il n'y a sûrement pas là seulement un artifice de rhétorique – s'exprime au sujet de sa carrière à l'aide d'un vocabulaire militaire. Pour lui la dialectique est un arsenal, les arguments des armes, les disputationes des combats. La Minerve pour laquelle il abandonne Mars est une déesse armée et belliqueuse5. Il attaque, comme un jeune chevalier, ses vieux maîtres6, son apprentissage scolaire est celui d'un conscrit – « tirocinium »7. Les luttes intellectuelles sont pour lui des tournois8. Ainsi le fils du petit noble du Pallet reste marqué par l'empreinte de son origine – comme son siècle l'est par le style de vie et le vocabulaire de la classe dominante. C'est le siècle de saint Bernard, où les athletae Domini forment la militia Christi9.
Se dégageant, pour se définir, du milieu chevaleresque, Abélard, en vertu non seulement des vicissitudes de son existence mais, plus profondément, de l'état clérical à son époque, échoue en partie à se différencier par rapport à un autre milieu : le milieu monastique. Dans les monastères où il doit s'enfermer, ce sont moins l'indignité des mœurs, la rusticité, l'hostilité qui lui rendent cet exil insupportable, que l'impossibilité d'y mener la vie de recherche intellectuelle et d'enseignement qui sont désormais incompatibles avec la vie monastique10.
Transplanté dans le milieu monastique comme en une terre étrangère, il y dépérit et s'y révèle stérile : « je considérais en pleurant l'inutilité et la misère de la vie que j'allais mener, la stérilité aussi bien pour moi que pour autrui dans laquelle j'allais vivre et le fait qu'après avoir été auparavant d'une grande utilité pour les clercs, maintenant, ayant dû les abandonner à cause des moines, je ne serais d'aucune utilité ni pour eux ni pour les moines et je perdrais le fruit des recherches entreprises et de mes efforts »11.
Hostilité au milieu monastique traditionnel mais aussi au monachisme nouveau – qui d'ailleurs commence à s'essouffler en ce XIIe siècle –, celui des ermites, des prédicateurs itinérants, des chanoines réguliers et de tous les réformateurs de la vie monastique – ceux que dédaigneusement il appelle les novi apostoli12.
Son milieu, c'est le milieu urbain : « ad urbem... rediens »13, voilà la direction où lui, ses disciples, ses émules sont sans cesse poussés. Lors de l'épisode « érémitique » du Paraclet – « ils ressemblaient plus à des ermites qu'à des étudiants »14 – l'enthousiasme des étudiants se change rapidement en nostalgie de la ville. La prise de conscience des futurs universitaires n'est qu'un aspect de la prise de conscience de la nouvelle société urbaine.
Ce nouveau groupe social scolaire, par-delà sa différenciation d'avec le milieu monastique, affirme plus généralement son impuissance et sa répulsion à vivre d'autre chose que de sa profession spéciale, de son propre type de travail : « C'est alors qu'une intolérable pauvreté me contraignit plus que tout à la direction d'une école, puisque j'étais incapable de travailler la terre et que je rougissais de mendier. Retournant donc au seul métier que je connaissais je fus forcé de me détourner du travail manuel pour me servir de ma langue »15. Texte capital où le refus du travail manuel et de la mendicité annonce les grands conflits et les grandes options du XIIIe siècle : « Je ne suis ouvrier des mains », dira Rutebeuf.
Au bout de l'activité et de la quête des nouveaux étudiants et savants il y a donc pecunia et laus16 : le salaire17 sous une forme quelconque et la gloire. Ici nous touchons à deux autres éléments de la conscience du groupe : sa base économique et sa morale professionnelle.
Morale qui est d'abord un état d'esprit. Abélard – pris encore dans les conceptions morales de son temps et le cycle traditionnel des péchés18 – ne dissimule pas que la dignité du nouveau groupe19 devient aisément gloire – dedecus, gloria20 – et finalement orgueil, cette superbia « qui me naissait surtout de la science des belles lettres »21. Péché qui n'est que la déformation de la conscience professionnelle et qui, à travers l'élaboration théorique aristotélicienne, deviendra au XIIIe siècle, dans le milieu sigérien notamment, la magnanimité du philosophe.
Voici enfin rencontré le mot qui marque le dernier degré auquel est parvenue chez Abélard la prise de conscience de la spécificité du groupe nouveau auquel il appartient. Pour un groupe nouveau, pour un type nouveau, la consécration, c'est l'étiquette.
Ici d'ailleurs se rencontre la limite, en plusieurs sens, de l'universitaire médiéval. Le nom qu'il préfère, en définitive, celui de philosophe, mériterait à soi seul une minutieuse analyse qu'on nous pardonnera de ne pas tenter ici. Notons seulement la référence aux Anciens, aux païens – aux gentils –, les implications intellectuelles et métaphysiques du mot. Avec le primat de la philosophie, c'est le primat de la raison sur l'autorité qui est du même coup affirmé. Le mot de philosophe cristallise les attitudes abélardiennes – « indigné je répondis que ce n'était pas mon habitude de procéder par routine mais par l'intelligence »22 –, l'opposition à l'ancienne dialectique et à l'ancienne théologie23.
Même en prenant les précautions nécessaires – sans accorder au vocabulaire du XIIe siècle une signification et une portée anachroniques – il faut reconnaître ici la novation, la hardiesse, la longue portée. Nous retrouverons dans le milieu sigérien un nouveau progrès du philosophe – et nous en soulignerons alors les harmoniques et les prolongements historiques. Philosophe : c'est un nom par lequel non seulement on prend conscience mais aussi on s'engage24.
Avec Philippe de Harvengt, si nous ne progressons guère dans le temps, nous recueillons le témoignage précieux d'une personnalité à tous égards très différente d'Abélard – ce qui souligne la valeur du complément et de la confirmation qu'il apporte au maître parisien.
Philippe de Harvengt25 est un modéré et sur bien des points un traditionaliste. D'autant plus significative est son adhésion au nouveau mouvement scolaire que l'abbé de Bonne-Espérance appartient à un de ces ordres qui se sont davantage voués à peupler et à mettre en valeur les solitudes qu'à hanter les villes, les centres préuniversitaires. Signe donc des temps que la reconnaissance par ce Prémontré de la nécessité pour les clercs de suivre le mouvement – signe annonciateur de la fondation au XIIIe siècle des collèges universitaires monastiques, emboîtant le pas des Mendiants.
Certes Philippe condamne aussi bien les étudiants vagabonds26 que les affamés de science pure, de la science pour la science – témoignage par ailleurs intéressant sur l'existence de ce courant scientiste, ou encore ceux qui cherchent seulement à faire commerce de leur savoir27.
Certes le couronnement de la science est pour lui la science des Écritures – primauté que le curriculum universitaire reconnaîtra d'ailleurs à la théologie28.
Mais il a pleinement conscience, non seulement, ce qui est bien connu, de la nécessité pour les clercs d'étudier, mais il connaît et accepte les conditions nouvelles de l'acquisition de la science.
Il faut d'abord se rendre dans une de ces villes scolaires au premier rang desquelles il met Paris. L'éloge de Paris dans la lettre à Héroald est fameux29. Mais Paris, foyer d'enseignement et de culture, est par lui ailleurs célébré, par exemple dans la lettre à Engelbert : « L'honneur ne consiste pas à simplement avoir été à Paris mais à avoir acquis à Paris une science honorable »30.
Il sait que la vie scolaire est un métier : negotia scholaria31. Ce métier a ses exigences économiques et techniques. Il faut pour devenir savant dépenser de l'argent, ou plutôt affronter la pauvreté, non la paupertas voluntaria qui sera celle des Mendiants, mais la pauvreté inévitable de l'étudiant impécunieux32. A cet apprenti il faut des instruments de travail : sans doute l'enseignement reste encore largement oral33 mais déjà le livre est devenu l'indispensable outil : « heureuse cité, dit-il, de Paris, où les saints rouleaux manuscrits sont compulsés avec un tel zèle »34, et encore : « j'estime qu'il n'y a rien de plus convenable pour un clerc que d'être suspendu à l'étude des belles-lettres, de tenir en main un livre... »35.
Surtout il prend conscience – bien que sa solution soit, comme d'habitude, celle d'un compromis modéré – de la nécessité pour le clerc de choisir entre le travail intellectuel et le travail manuel. Le passage où il traite du problème36 est d'une spéciale importance. En effet dans le grand débat sur le travail manuel, qui a animé le monde monastique aux XIIe et XIIIe siècles, il adopte l'attitude de l'ancien monachisme – hostile en fait, malgré du lest jeté en raison du travail manuel, slogan à la mode du XIIe siècle –, mais dans une perspective nettement différente de celle d'un Rupert de Deutz ou d'un Pierre le Vénérable, attentifs avant tout à défendre contre le nouveau monachisme la tradition post-bénédictine et clunisienne d'une vie monastique vouée à l'opus Dei – dans une perspective nouvelle, moderne, celle que nous verrons s'affirmer au XIIIe siècle avec les Mendiants. C'est la conscience de la spécialisation du clerc savant qui limite étroitement la part dans son existence du travail manuel. Avec moins de tranchant, comme toujours, Philippe de Harvengt rejoint bien ici Abélard : labourer des mains n'est plus l'affaire (negotium) du clericus scolaris.
Enfin Philippe de Harvengt, tout en ménageant, à sa manière, une conciliation et même une hiérarchie entre le monastère et l'école, le cloître et le cabinet de travail, les distingue soigneusement dans un texte lui aussi de grande portée : « La première et principale place doit être tenue auprès des clercs par le cloître monastique... Mais la seconde place ce doit être la fréquentation des écoles, dont l'amour doit conduire le clerc éclairé à repousser les choses laïques, afin de ne pas monter dans la nef du cloître sans cargaison suffisante, pour ne pas faire naufrage mais au contraire pouvoir saisir la barque ou le radeau proches... »37.
Ainsi l'antagonisme entre saint Bernard et Philippe de Harvengt dépasse largement le cadre du fait divers qui les opposa38. Au moine-combattant qui vient à Paris pour essayer de débaucher les étudiants, qui fait du monastère la seule schola Christi, qui jette l'anathème sur Paris-Babylone39, s'oppose l'abbé éclairé qui, par-delà l'effort pour concilier le cloître et l'école, reconnaît l'utilité, la nécessité et la spécificité de celle-ci et salue la sainte cité de la science – « merito dici possit civitas litterarum »40 – Paris-Jérusalem.
Le grand conflit entre Mendiants et séculiers au XIIIe siècle met à nu l'acuité atteinte dans la prise de conscience de leur corps par les universitaires parisiens41. Il ne fait pas de doute que le parti séculier – même si le débat se camoufle derrière des questions de doctrine et même si d'autres problèmes que les corporatifs y ont joué un rôle de premier plan – s'est attaqué aux universitaires mendiants parce qu'il était persuadé de l'incompatibilité de la double appartenance à un ordre monastique et à une corporation universitaire.
Nous ne retiendrons ici que deux points.
L'un, capital, est l'effort tenté par certains, surtout par Siger de Brabant et ses amis, pour donner une base théorique à leur conscience professionnelle. Mais on ne voit pas toujours que l'entrée des Mendiants dans les universités a posé à ces moines – surtout aux Franciscains – des problèmes qui mettent en lumière la prise de conscience de l'état universitaire.
Nous nous bornerons à illustrer ce conflit intérieur, mais éclairant au-delà des frontières monastiques, par un exemple.
Même si la question n'a pas provoqué chez les Franciscains d'aussi âpres querelles et n'a pas été aussi centrale pour l'ordre que la question de la pauvreté, la science, c'est-à-dire en fait – et cette équivalence est révélatrice de la situation intellectuelle au XIIIe siècle – la fréquentation des universités a été un des problèmes clés de l'ordre après la mort de saint François.
La position du saint est connue. S'il admet la connaissance approfondie des Écritures, il condamne la science chez les Mineurs. Son attitude repose sur la conviction que la science est incompatible avec la pauvreté. Incompatibilité qui vient d'abord de ce que, ayant du savoir une vision traditionnelle, saint François, imbu de la conception thésaurisatrice du haut Moyen Age, voit dans la science une possession, une propriété, un trésor. Il est renforcé dans cette idée par les aspects nouveaux que la science a pris de son temps : fréquenter les universités, posséder des livres va contre la pratique de la pauvreté.
Dans l'effort dramatique de ses disciples – de certains de ces disciples, mais parmi les plus importants et les plus illustres – pour s'adapter aux conditions pratiques de l'existence au XIIIe siècle sans renier l'esprit de leur fondateur, la justification du savoir tient une place de choix.
Le texte capital est ici l'Expositio IV magistrorum super regulant42. La phrase commentée de la règle est la suivante : « Du salaire de leur travail qu'ils n'acceptent pour eux-mêmes et leurs frères que ce qui est nécessaire au corps à l'exclusion de l' argent ».
Et voici le commentaire des maîtres : « Sur ce point la question est de savoir si les frères, de même qu'ils reçoivent des livres et d'autres choses dont ils peuvent se servir, peuvent recevoir la matière première propre à leur métier et en faire par leur travail quelque chose avec quoi ils acquerraient ensuite de quoi pourvoir aux nécessités du corps, comme par exemple du parchemin pour faire des livres, du cuir pour faire des chaussures, etc. Et pourraient-ils également recevoir de l'or et de l'argent et des métaux avec lesquels ils fabriqueraient de la monnaie et d'autres choses précieuses, avec lesquelles ils achèteraient ce qui leur est nécessaire. Pour certains on ne peut recevoir en propriété aucune matière première, mais on peut seulement prêter son travail à autrui qui possède la matière première pour se procurer le nécessaire. Et ceci, à cause de la propriété qui est liée à la possession de la matière première que l'on reçoit en vue de vendre. Pour d'autres il faut distinguer parmi les matières premières. Il y a en effet des matières premières qui n'ont pas de valeur, toute la valeur provient du travail, comme par exemple les rideaux et les nattes faits avec des joncs ou des matières similaires ; une telle matière première ne figure dans la fortune de personne et ceux qui sont de cet avis disent que les frères peuvent recevoir une telle matière première... »
Ainsi, à travers une argumentation traditionnelle au monde monastique, l'accent est mis sur l'ars, sur le travail, sur le métier. Le livre matériel ainsi admis, à plus forte raison le sera bientôt son contenu, le travail intellectuel dont il devient l'inévitable support.
Saint Bonaventure, dans l'Epistola de tribus quaestionibus, ne se contente pas de légitimer l'usage des livres et la pratique de la science, il limite au maximum les obligations concernant la pratique du travail – au prix parfois d'étonnantes contradictions avec la lettre même du Testament de saint François – dans le visible dessein de sauvegarder tout le temps et toute l'attention nécessaires au travail intellectuel43.
Ainsi l'objection du travail manuel se trouve levée aussi bien en regard de la pratique essentielle de la mendicité que du travail intellectuel. Ainsi s'achève un débat capital, déjà jalonné par les textes d'Abélard et de Philippe de Harvengt, et auquel saint Thomas d'Aquin, face aux attaques de Guillaume de Saint-Amour et de ses amis et disciples, va donner une saisissante conclusion dans le Contra Impugnantes44.
Avec saint Thomas est affirmée sans ambages la nécessaire spécialisation du travailleur intellectuel. L'universitaire a son métier. Qu'il laisse à d'autres le soin de travailler manuellement – ce qui a aussi sa valeur spirituelle – mais qu'il ne perde pas son temps à ce qui n'est pas son affaire. Ainsi au plan théorique est légitimé le phénomène essentiel de la division du travail – fondement de la spécificité de l'universitaire.
Mais il revenait aux maîtres séculiers et singulièrement aux tenants de l'« aristotélisme intégral » ou de l'averroïsme de tenter de donner à la prise de conscience des universitaires sa formulation la plus intransigeante.
Cette formulation on la trouvera d'abord dans les Quaestiones morales de Siger de Brabant45 et dans le De Summo Bono de Boèce de Dacie46. Comme l'a bien vu le P. Gauthier47 la bataille fut livrée autour de l'humilité et de son antithèse éthique : la magnanimité. Il s'agit en effet – Aristote et l'Éthique à Nicomaque venant à point fournir l'arsenal où puiser – de fonder en théorie cette dignitas, cette gloria de l'universitaire déjà mise en avant par Abélard. C'est l'« aristocratisme païen de la morale aristotélicienne » qui fournit une réponse. La prise de conscience de l'universitaire culmine dans la définition d'une vertu spécifique placée au sommet de la hiérarchie éthique et qui sert de fondement à la proclamation de la supériorité du status universitaire caractérisé par cette vertu majeure48.
Ainsi la Quaestio 1a de Siger : « Première question : l'humilité est-elle une vertu ? » à laquelle il répond : « On démontre que non. Car l'humilité est opposée à la vertu, c'est-à-dire à la magnanimité qui est la recherche des grandes choses. L'humilité au contraire chasse les grandes choses »49 est le point de départ naturel pour l'exaltation des vertus intellectuelles liées au status universitaire telle qu'elle apparaît dans la Quaestio 4a : « Autre question : que vaut-il mieux pour les philosophes : être célibataires ou mariés ? Il faut répondre que le but du philosophe c'est la connaissance de la vérité... Les vertus morales ont pour fin les vertus intellectuelles. La connaissance de la vérité est donc la fin dernière de l'homme... »50.
On saisit bien ici la démarche qui conduit à certaines des propositions condamnées en 1277. Proposition 40 : « il n'y a pas de meilleur état que celui du philosophe »51. Proposition 104 : « l'humanité n'est pas la forme d'une chose mais de la raison »52 – point de départ possible, par-delà la scolastique, pour un « humanisme » universitaire, intellectuel et « rationaliste ». Proposition 144 : « tout le bien accessible à l'homme consiste dans les vertus intellectuelles »53. Proposition 154 : « les seuls sages du monde ce sont les philosophes »54. Proposition 211 : « notre intellect peut par ses dons naturels atteindre la connaissance de la cause première »55.
Position extrême, surtout sous la forme polémiquement ramassée, peut-être déformée, caricaturale, que lui donne le Syllabus de 1277. Mais position assez répandue parmi les universitaires parisiens de la seconde moitié du XIIIe siècle pour qu'on la retrouve, à peine mitigée, chez un « contemporain modéré et informé » comme Jacques de Douai56.
On aura remarqué que l'étiquette, le mot-définition, le mot-enseigne est décidément ce mot de philosophe déjà employé par Abélard. Le terme n'est pas sans signification. Sans doute il se réfère surtout, pour les sigériens, au paganisme antique. Mais, par-delà, il évoque pour nous une lignée. Sous les mutations que le temps lui imposera, il est légitime de reconnaître, mutatis mutandis, dans le philosophe du XIIIe siècle l'ancêtre avorté du philosophe du XVIe siècle – ce sceptique religieux qui est l'idéal, par exemple, d'un Charron – et du philosophe du XVIIIe siècle. Type individuel, groupe professionnel et intellectuel, les viri philosophici du Ms. Paris BN Lat. 14698 sont bien des préfigurations des philosophes de l'Aufklärung.
Philosophes qui s'opposent bien sûr aux théologiens d'abord (et c'est aussi la rivalité de l'« artiste », universitaire pur, universitaire par excellence, et du théologien)57, mais aussi aux homines profundi – faux savants, obscurantistes mis en cause par la proposition 91 de 1277 : « La raison du philosophe lorsqu'elle démontre que le mouvement du ciel est éternel n'est pas coupable de sophisme ; il est étonnant que des hommes profonds ne voient pas cela »58.
Philosophes forts, bien sûr, de la raison ou plutôt de leurs vertus intellectuelles qui élèvent leur état au-dessus des autres – mais aussi qui prennent conscience que leur dignité est peut-être de se borner à certaines vérités démontrables, que leur vocation est peut-être de se contenter d'expliquer, non de prêcher. Dans la célèbre passe dialectique entre saint Thomas d'Aquin et Siger de Brabant dont parle le P. Gauthier59, ne peut-on déceler chez Siger une prise de conscience de cette neutralité scolaire – si difficile aujourd'hui encore à conquérir ?
On nous permettra, pour terminer, de chercher au début du XVe siècle, en guise d'épilogue, l'image qu'avaient d'eux-mêmes les universitaires, et d'aller demander cette image au chancelier Jean Gerson60. Sans doute ici encore il est présomptueux d'essayer de définir l'universitaire gersonien et la conscience qu'il avait de lui-même sans avoir cherché à élucider les rapports qu'il entretient avec ces réalités nouvelles et fondamentales que sont la docte ignorance et la devotio moderna.
Constatons seulement – sans chercher à analyser ni le contenu positif de ces réalités intellectuelles et spirituelles ni les raisons profondes qui conduisent les universitaires du déclin du Moyen Age à ces reniements et à ces mutations – que les fondements de la spécificité et de la dignité universitaires tels qu'ils ont été définis d'Abélard à Siger de Brabant ont disparu ou sont efficacement sapés.
Sans doute Gerson rappelle les vertus proprement intellectuelles, scientifiques de l'Université. Elle est mère des estudes, maistresse de science, enseigneresse de vérité. Gerson à maintes reprises (avec une insistance qui se comprend par référence au roi fou à qui et à l'entourage de qui il s'adresse) souligne la supériorité de la médecine sur la charlatanerie. Il fait l'éloge des médecins contre les « sorciers, magiciens, charmeurs et telles folles gens »61, il place au-dessus de tous les faux guérisseurs les « maîtres en médecine qui ont étudié tout leur temps es livres de ceux qui ont trouvé et déclaré la médecine ».
Mais quelle est cette vérité qu'elle enseigne, cette lumière qu'elle répand – elle qui est le beau cler soleil de France, voire toute Chrestienté62, le beau clair luminaire de toute saincte Eglise et Chrestienté63 ?
Il y a trois manières de vie : a) la vie corporelle, charnelle et personnelle ; b) la vie civile, politique ou universelle ; c) la vie de grâce, divine ou spirituelle. Mais de ces manières « la premiere est defaillable, la seconde permanable, la tierce perdurable »64. Sans doute l'Université gouverne les trois vies, c'est-à-dire tout : la vie corporelle est régentée par la Faculté de médecine, la vie politique par les Facultés des Arts et des Décrets, la vie divine par la Faculté de Théologie. Mais la hiérarchie qui existe entre ces niveaux confère un prix particulier au second et au troisième de ces niveaux.
Ainsi son rôle intellectuel s'efface devant son rôle politique et son rôle spirituel. Rôle politique qui est d'ailleurs défini comme subordonné à des fins proprement spirituelles. L'Université « tend à la bonne franchise et liberté du peuple de France, et à la restauration, non point du temple matériel, mais spirituel et misticque de toute la saincte Eglise... »65.
Le but, c'est en fait l'ordre et la paix. Mais, par-delà les grandes conciliations du moment : réconciliation nationale du peuple français déchiré par les factions, réconciliation de la Chrétienté par la fin du Grand Schisme, un objectif plus profond apparaît, la conservation de l'ordre existant. Aux licenciés en droit civil, Gerson le dit bien66. Et quand il évoque, avec quelque réticence, les tyrans, c'est en définitive pour les féliciter de faire respecter la propriété et l'ordre67.
Les universitaires des XIIe et XIIIe siècles avaient conscience de leur vocation de découvreurs, ceux du XVe se contentent d'être des conservateurs. D'où – nous sommes loin de la magnanimité – un constant dénigrement des aspects intellectuels et matériels de la profession universitaire. Devant les futurs juristes, curieusement, Gerson réduit à une pure utilité négative le bienfait de leur science, qui n'existe que par suite du péché ; le droit, la justice ne sont que des conséquences inévitables du mal : « Le Seigneur n'aurait pas eu besoin de légistes ni de canonistes dans l'état primitif de nature, tout comme il n'en aura pas besoin dans l'état de la nature glorifiée »68 et, en conclusion, la théologie est supérieure au droit.
Le court écrit où il déclare vouloir se démettre de sa charge de chancelier69 n'est à première vue qu'un lieu commun. Mais Gerson est sincère. C'est qu'il méprise tous les aspects techniques du métier universitaire. Il est vrai qu'il préférerait dire la messe, prier, se recueillir plutôt que de faire du travail administratif.
Enfin aux étudiants du collège de Navarre, il donne une singulière charte de conservatisme. L'éloge qu'il y fait des sentiers battus70, même quand on a pratiqué ce conservateur grandiloquent et médiocre, étonne. Si l'on relit sa louange des médecins, on s'aperçoit qu'il ne les prise que pour leur science livresque des Anciens. O Hippocrate ! O Galien !
Qu'est d'ailleurs à ses yeux l'Université ? Une personne de droit divin, fille du Roy et surtout fille d'Adam, venue du Paradis Terrestre par les Hébreux, l'Égypte d'Abraham, Athènes et Rome. La translatio studii s'est transformée en loi de succession par la grâce de Dieu. La corporation artisanale est devenue une princesse du sang71.
D'où la superbe avec laquelle il écarte les malotrus qui ont le front de rappeler l'Université à sa fonction professionnelle : « e s'aucun dit : De quoy se veult elle entremettre ou mesler ? Voise estudier ou regarder ses livres : c'est trop petitement advise, que vauldroit science sans operation ? »72.
Ainsi l'universitaire gersonien prend conscience d'une nouvelle vocation, politique en somme, mais plus largement nationale et internationale. La conscience professionnelle de l'universitaire médiéval se change au seuil du monde moderne en conscience morale. Quelle est la place de l'universitaire dans la nation, dans la société universelle ? Quelles valeurs a-t-il à proclamer, à promouvoir, à défendre ?
Cette nouvelle prise de conscience, née d'un ébranlement profond, les universitaires contemporains sont-ils parvenus à la réaliser pleinement ?
En tout cas l'universitaire gersonien en reniant la conscience professionnelle se refusait les moyens d'exercer ces nouvelles prérogatives. L'université n'était plus qu'une caste. Sans doute était-elle ouverte encore à des parvenus : Gerson insiste sur le fait que, par son recrutement social, l'Université de Paris, ouverte à toutes les classes, représentait bien l'ensemble de la société. Mais elle était une caste par sa mentalité et sa fonction. La corporation des manieurs de livres se changeait en un groupe de théologiens rabâcheurs s'érigeant en policiers de l'esprit et des mœurs, des brûleurs de livres. Ils allaient même commencer par brûler Jeanne d'Arc – malgré Gerson.
En laissant – malgré certains efforts méritoires – les progrès de la science s'accomplir grâce à des humanistes dont la plupart furent étrangers à leur caste, ils renonçaient à jouer le rôle spirituel qui ne pouvait trouver de fondement légitime que dans l'accomplissement de leur rôle professionnel. Leur conscience corporative dévoyée les empêchait de mener à terme leur prise de conscience publique.
1 Pour une vue d'ensemble de ces problèmes, on peut consulter J. Le Goff, Les Intellectuels au Moyen Age, 1957. H. Grundmann, Vom Ursprung der Universität im Mittelalter, Berichte über die Verhandlungen der Sächsischen Akademie der Wissenschaften zu Leipzig, tome CIII, 103 cahier 2, 1957 et le rapport de S. Stelling-Michaud au XIe Congrès international des Sciences historiques, Stockholm, 1960.
2 Sur cette métamorphose et cette naissance les meilleurs guides nous paraissent G. Paré, A. Brunet et P. Tremblay, La Renaissance du XIIe siècle, Les Écoles et l'Enseignement, 1953 et Ph. Delhaye, « L'organisation scolaire au XIIe siècle », in Traditio 5 (1947).
3 Il n'est pas question d'esquisser ici une bibliographie d'Abélard. Rappelons le classique et magistral ouvrage d'E. Gilson, Héloïse et Abélard, 2e éd., 1948. Parmi les travaux particulièrement suggestifs, A. Borst, « Abälard und Bernhard », in Historische Zeilschrift, 186 /3, déc. 1958 et M. Patronnier de Gandillac, « Sur quelques interprétations récentes d'Abélard », in Cahiers de Civilisation médiévale, 1961, 293-301. On utilise ici l'excellente édition de J. Monfrin, Bibliothèque des Textes philosophiques, 1962.
4 « Patrem autem habebam litteris aliquantulum imbutum antequam militari cingulo insigniretur ; unde postmodum tanto litteras amore complexus est, ut quoscumque filios haberet, litteris antequam armis instrui disponeret » p. 63, 13-17. Sur la culture des laïcs à cette époque cf. P. Riché, in Mélanges saint Bernard, 1953 et Cahiers de Civilisation médiévale, 1962 et la riche étude de H. Grundmann, « Literatus-Illiteratus. Der Wandel einer Bildungsnorme von Altertum zum Mittelalter, in Archiv für Kulturgeschichte, 40 (1958), 1-65.
5 P. 63-64, 24-28.
6 P. 64, 37.
7 P. 64, 46.
8 P. 64, 58.
9 Dans un article : « Héloïse et Abélard », in Revue des Sciences humaines (1958), P. Zumthor a cru pouvoir reconnaître dans les rapports d'Abélard et d'Héloïse le type d'un amour « courtois ». Même si l'on peut retrouver un certain style d'expression qui s'en rapproche, il nous semble que le couple Abélard-Héloïse se situe sur un plan, dans une atmosphère tout différents, sinon opposés. Nous ne voulons pas sortir de notre sujet en essayant d'expliquer ici pourquoi il nous apparaît plutôt comme le premier couple « moderne » d'Occident. Rappelons simplement que Jean de Meung qui le prendra pour parangon dans la seconde partie du Roman de la Rose a précisément écrit un roman « anti-courtois » comme l'a bien montré C. Paré, Les Idées et les lettres au XIIIe siècle. Le Roman de la Rose, 1947.
10 C'est dans la bouche de ses adversaires, ce qui donne encore plus de valeur à la constatation, qu'il place la remarque « quod scilicet proposito monachi valde sit contrarium secularium librorum studio detineri » (82, 683-685). Plus directe est l'opposition entre « monachi » et « philosophi » (77, 506 sqq.) sur laquelle nous reviendrons.
11 P. 99, 1283-1289.
12 P. 97, 1201.
13 A propos de Guillaume de Champaux, 67, 133.
14 P. 94, 1092-1093.
15 P. 94, 1109-1113.
16 P. 81, 645.
17 Rappelons la formule bien connue : « Scientia donum Dei est, ergo vendi non potest » à laquelle est consacré l'article utile mais manquant de background économique et social de G. Post, K. Giocarinis, R. Kay, « The medieval heritage of a Humanistic Ideal », dans Traditio, II (1955).
18 Nous nous proposons, à l'occasion d'un travail sur les manuels de confession d'étudier la métamorphose de la vie psychologique et spirituelle qui se manifeste notamment par la substitution d'une morale sociale (celle des états) à une morale individuelle (celle des péchés capitaux).
19 P. 78, 533-535.
20 P. 75, 428,431.
21 P. 71, 266-267.
22 P. 69, 208-210.
23 P. 82-83, 690-701, souligné a contrario p. 84, 757-759.
24 Sans méconnaître, au contraire, la nécessité de replacer le terme dans le terrain sous-jacent, on sera déçu du peu de portée des remarques de E.R. Curtius, La Littérature européenne et le Moyen Age latin. C. XI. Poésie et Philosophie, 248-260. Ed. franç. 1956.
25 Sur Philippe de Harvengt cf. Dom U. Berliére, in Revue bénédictine (1892 et A. Erens, dans Dictionnaire de Théologie catholique, 12-1, 1407-1411.
26 Ep. XVIII ad Richerum, dans PL, CCIII, 158.
27 De Institutions Clericorum, III, XXXV dans PL, CCIII, 710.
28 Ibid., 706.
29 PL, CCIII, 31.
30 Ibid., 33.
31 Ep. XVIII ad Richerum dans PL, CCIII, 157.
32 De Institutione Clericorum, PL, CCIII, 701. « Sicut autem isti a labore discendi nociva revocantur prosperitate, sic multi, ut aiunt, praepediuntur paupertate. Videntes enim sibi non ad votum suppetere pecuniariae subsidia facultatis, imparati sufferre aliquantulae molestias paupertatis, malunt apud suos indocti remanere quam discendi gratia apud exteros indigere ».
33 « non tam audiri appetens quam audire », PL, CCIII, 157.
34 PL, CCIII, 31.
35 Ibid., 159.
36 De Institutione Clericorum, PL, CCIII, 706. « Possunt enim (clerici) et curas ecclesiasticas licenter obtinere, et labori manuum aliquoties indulgere, si tamen ad haec eos non vitium levitatis illexerit, sed vel charitas vel necessitas quasi violenter impulerit. Apostolus quippe et sollicitudinem gerebat Ecclesiarum, quia eum charitas perurgebat, et laborabat manibus quando necessitas incumbebat. Denique cum Timotheum instrueret, non ab eo laborem relegavit penitus, sed eum potius ordinavit, ut ostenderet non esse alienum a clerico aliquoties laborare, si tamen id loco suo noverit collacare. Debet enim studium praeponere scripturarum, et ei diligentius inhaerere, laborem vero manuum, non delectabiliter sed tolerabiliter sustinere, ut ad illud eum praecipue alliciat delectatio spiritalis, ad hunc quasi invitum compellat necessitas temporalis. »
37 PL, CCIII, 159.
38 Ph. Delhaye : « Saint Bernard de Clairvaux et Philippe de Harvengt », dans Bulletin de la Société historique et archéologique de Langres, 12 (1953).
39 De conversione ad clericos sermo, dans PL, CLXXXII, 834-856.
40 Ep. ad Heroaldum, dans PL, CCIII, 31.
41 Il existe une vaste littérature sur le conflit. L'essentiel en est cité dans la mise au point, d'un esprit traditionnel, de D. Douie, « The conflict between the Seculars and the Mendicants at the University of Paris in the XIIIth century », dans Aquinas Society of London, Aquinas Paper no 23, 1954.
42 Exposilio quatuor magistrorum super regulam fratrum minorum (1241-1242), éd. L. Oliger, 1950.
43 K. Esser, « Zu der “Epistola de tribus questionibus” des hl. Bonaventura », dans Framiskanische Studien, 17 (1940), 149-159, a bien montré que saint Bonaventure avait emprunté la plus grande partie de son commentaire au joachimite Hugues de Digne (Expositio Regulae publiée in Firmamenta trium ordinum beatissimi patris nostri Francisci, Paris, 1512, pars IV). A propos de l'attitude de saint François à l'égard du travail manuel, Bonaventure renchérit sur Hugues de Digne, donnant un détail qu'on ne trouve que chez lui dans la littérature franciscaine du XIIIe siècle : « Ipse autem (Franciscus) de labore manuum parvam vim faciebat nisi propter otium declinandum, quia, cum ipse fuerit Regulae observator perfectissimus, non credo quod unquam lucratus fuerit de labore manuum duodecim denarios vel eorum valorem » (loc. cit. 153). Cf. contra Testamentum : « Et ego manibus meis laborabam, et volo laborare. Et omnes alii fratres firmiter volo, quod laborent de laboritio, quod pertinet ad honestatem » (H. Boehmer, « Analekten zur Geschichte des Franciscus von Assisi », dans Sammlung ausgewählter Kirchen- und Dogmengeschichtlicher Quellensschriften, 4, 1930, p. 37).
44 Contra impugnantes Dei cultum et religionem, I, IV ad 9 : « Quando enim aliquis per laborem manuum non retrahitur ab aliquo utiliori opere, melius est manibus laborare, ut exinde possit sibi sufficere, et aliis ministrare... Quando autem per laborem manuum aliquis ab utiliori opere impeditur, tunc melius est a labore manuum abstinere... sicut patet per exemplum Apostoli, qui ab opere cessabat, quando praedicanci opportunitatem habebat. Facilius autem impedirentur moderni praedicatores a praedicatione per laborem manuum quam Apostoli, qui ex inspiratione scientiam praedicandi habebant ; cum oporteat praedicatores moderni temporis ex continuo studio ad praedicandos paratos esse... »
45 Ed. F. Stegmüller, Neugefundene Quaestionen..., dans : RThAM 3 (1931), 172-177.
46 Boèce de Dacie, De Summo Bono sive de vita philosophie, éd. Grabmann, dans AHD 6 (1931), 297-307.
47 R.-A. Gauthier, Magnanimité. L'idéal de la grandeur dans la philosophie païenne et dans la théologie chrétienne, 1951.
48 Cf. notamment le texte cité par R.-A. Gauthier 468, n. 2 et attribué par lui à Jacques de Douai : « Sicut tamen alias dixi, status philosophi perfectior est statu principis... »
49 F. Stegmüller, toc. cit., 172.
50 Ibid., 175.
51 H. Denifle et A. E. Chatelain, Chartularium Universitatis Parisiensis, I, 545.
52 Ibid., I, 549.
53 Ibid., I, 551.
54 Ibid., I, 552.
55 Ibid., I, 555.
56 R.-A. Gauthier, op. cit., 469, en note.
57 Cf. la proposition 153 de 1277 : « Quod nichil plus scitur propter scire theologiam. » Denifle et Chatelain, I, 552.
58 Ibid., I, 548.
59 R.-A. Gauthier. Trois commentaires « averroïstes » sur l'Ethique à Nicomaque, dans AHD 16 (1948), 224-229.
60 Sur Gerson on sait l'importance des travaux de Mgr Combes et de l'article de Mgr P. Glorieux. La vie et les œuvres de Gerson dans AHD (1950-1). Vol. 25 /26, p. 149-192. Louis Mourin. Jean Gerson, prédicateur français, 1952, est utile. Je n'ai pu consulter G. H. M. Posthumus Meyjes, Jean Gerson, zijn kerkpolitek en ecclesiologie. 1963.
61 Vivat Rex, éd. de 1951, fo IIro et 45 vo.
62 Ibid., fo 2 ro.
63 Ibid., fo 3 ro.
64 Ibid., fo7 vo.
65 Ibid., fo 4 vo.
66 « Recommendatio licentiandorum in Decretis », dans Gerson, Opera, Paris, 1906, t. II, 828-838. « Dominus ita vobis opus habet... et hoc ad regimen suae familiae grandis quietum et tranquillum... Ea enim demum vera pax erit, ea gubernatio idonea, ea servitus placens Domino, si manet unicuique debitus ordo. Ordo autem quid aliud est nisi parium dispariumque rerum sua unicuique tribuens collatio. Hunc ordinem docere habetis... » (ibid., 829).
67 « On parle d'aucuns pais gouvernez par tyrans, qui travaillent en plumant leurs subiects : mais le demeurant est seur et bien gardé, tellement qu'il n'est homme qui osast ravir un seul poussin, ou geline sur la hart... » (Vivat Rex, fo 33 vo).
68 « Recommendatio », Opera, II, 832.
69 De onere et difflcultate officii cancellariatus et causis cur eo se abdicare voluerit Gersonius. Opera, 1606, II, 825-828.
70 « Sequamur tritum iter commodius plane et ab errorum scandalorumque discrimine remotius » (ut, posthabitis recentioribus, antiquiores legant, Opera, 1906, I, 558).
71 L'Université de Paris est qualifiée de « la fille du Roy », dans : Vivat Rex, ffos 2 ro, 4 vo, etc.
72 Vivat Rex, fo 9 ro.