Les Universités et les Pouvoirs publics

au Moyen Age et à la Renaissance

I. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES

 

La difficulté de l'étude des rapports entre universités et pouvoirs publics du XIIe au XVIIe siècle ne tient pas seulement aux lacunes de la documentation, surtout pour la période la plus ancienne, à l'insuffisance des études monographiques, au trop petit nombre de données numériques et de travaux de caractère statistique. Elle provient surtout du sujet lui-même. Il s'agit en effet de difficultés inhérentes :

1o à la diversité des universités elles-mêmes et à leurs contradictions internes.

Même en ne prenant pas les universités dans le sens primitif de corporation (universitas en général magistrorum et scolarium) mais dans celui de centre d'enseignement supérieur (c'est-à-dire de studium generale, sans entrer dans les discussions sur le sens précis de cette expression ni sur le niveau exact de l'enseignement dispensé dans les universités médiévales), on se trouve encore en face d'organismes divers, complexes, ambigus :

a) Il n'y a pas toujours coïncidence entre l'organisation professionnelle (en général aux mains des maîtres groupés en collèges de docteurs) et l'organisation corporative et notamment financière où maîtres et étudiants ne jouent pas le même rôle dans toutes les universités (cf. au moins pour les XIIe-XIVe siècles le modèle bolonais à prépondérance des étudiants et le modèle parisien à prépondérance des maîtres).

b) Les universités n'offrent pas le même visage scientifique, ni du point de vue des disciplines enseignées ni du point de vue de leur organisation institutionnelle : les facultés ; il est rare qu'une université comporte toutes les facultés, encore plus rare que ses diverses facultés aient la même importance (du point de vue des rapports avec les pouvoirs publics il est par exemple capital que la faculté dominante soit celle de théologie ou une faculté orientée vers les carrières « lucratives » ou « utilitaires » – droit ou médecine –, et plus encore que l'université comporte ou ne comporte pas une faculté de droit civil, c'est-à-dire romain : cf. le cas de Paris et de la bulle d'Honorius III de 1219).

c) Le statut juridique des universitaires est mal défini. Sans doute les privilèges qu'ils acquièrent tendent à définir un statut spécial des universitaires (status studentium ou ordo scholasticus) mais ce statut, qui se rapproche du statut ecclésiastique, s'applique à des personnes dont l'état social concret est divers et pour beaucoup ambigu, ni tout à fait ecclésiastique, ni tout à fait laïc. Sans doute l'évolution de la signification du terme clericus, qui tend à signifier précisément savant, lettré et qui, dans certaines langues, évolue même vers le sens de fonctionnaire (clerk anglais, clerc français), trahit cet effort d'adaptation du vocabulaire aux réalités sous la pression du fait universitaire. Mais le for universitaire demeure difficile à définir, source de conflits constants, tandis que la condition des universitaires oscille entre les deux pôles du cléricat et du laïcat.

d) Les universitaires ne sont pas les seuls dans la société du Moyen Age et de la Renaissance dont la condition soit définie à la fois d'un point de vue économique, comme des professionnels, des techniciens, des hommes de métier, et d'un point de vue social comme des privilégiés, c'est le cas de tous les membres de corporation. Mais chez les universitaires cette ambiguïté peut atteindre un aspect fondamentalement contrasté, selon que l'universitaire est un salarié ou un prébendé. Or non seulement ces deux types d'universitaires dont la dépendance économique et juridique par rapport aux pouvoirs publics est radicalement différente peuvent se rencontrer dans une même université mais les mêmes universitaires subsistent souvent de rémunérations de type mixte. Enfin, et ceci est surtout vrai pour les étudiants, le caractère d'une université change beaucoup selon la proportion de pauvres et de riches qui la composent et cette proportion peut notablement varier d'une université à une autre (en fonction notamment de la physionomie sociologique de son enracinement urbain : Paris et Cambridge par exemple sont presque à deux pôles à cet égard).

e) De même qu'elles accueillent des membres de toute origine sociale, ce qui met les pouvoirs publics en face de groupes pratiquement uniques dans la société stratifiée du Moyen Age et de la Renaissance, de même les universités sont ouvertes à des personnes de toute nationalité. Non seulement il en résulte une tension fondamentale entre les autorités locales ou nationales et ce groupe international mais l'organisation des universitaires en « nations » dont le nombre et la nature varient suivant les universités et qui ne répondent pas à des critères strictement nationaux ni géographiques complique encore la structure des universités et leur personnalité face aux pouvoirs publics.

 

2o Face à ce partenaire-protée, les pouvoirs publics sont eux-mêmes divers et multiples.

a) Même quand les universités ne sont confrontées qu'à une seule autorité publique, celle-ci peut être : une ville (et il faut distinguer entre les rapports de l'université avec le corps politique qui gouverne la ville : conseil urbain, commune, échevinage, podestat, etc., et le groupe social qui la domine, et par-delà avec la société urbaine globale), un pouvoir seigneurial, un pouvoir princier ou royal, le pouvoir impérial (dans ce dernier cas se pose le problème de la nature du pouvoir impérial dans le siège de l'université : exemple des rapports de l'université de Bologne avec Frédéric Barberousse ou Frédéric II, ou de l'université de Prague, université bohémienne ou impériale ?).

b) Le cas du pouvoir impérial introduit à la constatation que les universités ont la plupart du temps affaire non à un seul pouvoir public mais à une multiplicité de pouvoirs publics entre lesquels existe soit une hiérarchie souvent difficile à définir et à respecter, soit des oppositions plus ou moins nettes d'intérêts et de politiques (cas de Bologne entre la Commune et l'Empire). Il s'agit ici d'une situation caractéristique du Moyen Age, et qui rappelle, mutatis mutandis, les cas de vassalité multiple.

 

3o Non seulement les deux partenaires, universités et pouvoirs publics, changent entre le XIIe et le XVIIe siècle, mais la nature de leurs relations change également. On se trouve donc en face d'une évolution à plusieurs variables.

a) Une première différence naît de la différence des origines, et le contraste principal est ici entre les universités créées par les pouvoirs publics et les universités nées « spontanément », mais l'opposition entre ces deux types d'universités et de rapports n'est pas aussi tranchée qu'il pourrait sembler au premier abord. En effet les universités nées « spontanément » se sont formées sous l'action sinon de facteurs du moins de situations dans lesquelles l'attitude et les besoins des pouvoirs publics et des forces qu'ils représentaient a toujours joué un rôle plus ou moins grand. D'autre part la naissance de ces universités s'est accomplie soit avec l'aide des pouvoirs publics soit malgré leur hostilité plus ou moins grande.

b) Créées ou nées spontanément, les universités ont vu dès leur origine leurs rapports avec les pouvoirs publics définis et orientés différemment suivant la date de leur origine. Bien que l'évolution générale ait agi dans le sens d'une uniformisation de la nature des rapports entre universités et pouvoirs publics, la nature de ces rapports n'a pas été en général la même selon que les universités sont apparues au XIIe, XIIIe, XIVe, XVe ou XVIe siècle.

 

4o Les rapports entre universités et pouvoirs publics ont été encore singulièrement compliqués par les rapports des deux partenaires avec l'Église, non seulement à cause du rôle dominant joué par l'Église et par la religion (la Réforme compliquant encore la situation au XVIe siècle), mais par la position ambiguë de l'Église elle-même comme pouvoir temporel et spirituel à la fois, et le caractère dans une large mesure « clérical » des universités. On ne prendra en considération dans ce rapport autant qu'il est possible de faire cette distinction, que l'aspect temporel des rapports entre l'Église et les universités, là où le pouvoir ecclésiastique apparaît comme un pouvoir public.

 

5o Soulignons enfin une difficulté inhérente à la nature d'une grande partie de la documentation concernant notre problème. Il s'agit souvent de statuts, de privilèges, de constitutions, etc., c'est-à-dire de documents législatifs, administratifs, théoriques. La réalité concrète des rapports entre les universités et les pouvoirs publics a dû être bien souvent assez éloignée de ces principes. La difficulté de saisir ces rapports concrets rend plus délicat encore notre sujet.

*

Tenant compte de ces difficultés, nous nous sommes résignés aux choix suivants :

a) Nous avons fait davantage un inventaire des problèmes et proposé un cadre pour les aborder que nous n'avons cherché à les résoudre.

b) Nous avons écarté trois types de plan possibles : 1o un plan par types d'universités : bien qu'une typologie des universités rendrait de grands services à l'histoire des universités et que nous espérons que la discussion de notre rapport aidera à la constituer, il ne nous semble pas qu'il puisse y avoir par rapport à notre sujet un critère opérationnel de classification des universités ; 2o un plan par types de pouvoirs publics, ce plan nous paraissant paresseux et peu propre à mettre en lumière les aspects de notre sujet les plus importants pour définir la contribution de l'histoire universitaire à l'histoire globale et à la méthode historique ; 3o un plan chronologique, qui risquait de dissoudre dans l'événementiel l'essentiel qui est de mettre en valeur les structures et les problèmes, mais nous avons conservé une grande coupure chronologique, située, malgré la diversité des cas locaux ou nationaux ou régionaux, au milieu du XVe siècle, séparant ainsi une période médiévale et une période renaissante, coupure qui nous paraît avoir une valeur fondamentale aussi bien pour notre problème que pour l'histoire générale dans laquelle nous nous efforçons de le situer.

Nous avons donc opté pour un plan selon les aspects et les fonctions des universités. Nous ne nous dissimulons pas que ce plan nous conduit à des distinctions et à un découpage plus ou moins abstrait, mais il nous a semblé le plus propre à mettre en lumière l'essentiel : la nature et le rôle du milieu universitaire dans les sociétés globales où il est engagé et dans lesquelles il agit : les états de quelque nature qu'ils soient, urbains, seigneuriaux, nationaux, etc.

c) Nous nous sommes surtout attachés à mettre en valeur ces rapports à travers les tensions et les conflits, plus particulièrement révélateurs de la nature des groupes sociaux et des institutions dans lesquelles ils s'incarnent. Mais nous n'oublions pas que les rapports entre les universités et les pouvoirs publics ne se définissent pas seulement par des antagonismes, qu'ils ne se sont pas réduits à une suite de crises et de luttes mais qu'ils se sont aussi prêtés les uns aux autres appui et soutien, que leurs relations se définissent aussi bien par des services réciproques et qu'un respect mutuel l'a souvent emporté sur les oppositions fondamentales ou occasionnelles.

 

II. UNIVERSITÉS ET POUVOIRS PUBLICS AU MOYEN AGE (XIIe-milieu du XVe S.)

 

I. Les universités comme corporations.

 

a) En tant que corporations, les universités médiévales recherchent un monopole scolaire, c'est-à-dire avant tout le monopole de la collation des grades qui les met, surtout au début de leur histoire, en conflit avec l'autorité ecclésiastique mais non avec les pouvoirs publics.

b) Elles recherchent ensuite l'autonomie juridique, dont elles obtiennent aussi relativement facilement la reconnaissance par les pouvoirs publics qui suivent en général la tradition inaugurée dès 1158 par Frédéric Barberousse pour Bologne (Authentica Habita, « source de toutes les libertés académiques »). Il semble que, à Paris par exemple, l'autonomie juridique de l'université a été reconnue par Philippe Auguste dès 1200, avant la Papauté (qui la reconnaît soit en 1215, soit même seulement en 1231).

c) Dans la mesure où, comme toute corporation, l'université vise à contrôler le métier scolaire, les pouvoirs publics ne voient en général que des avantages à cette organisation de l'ordre professionnel qui s'insère dans l'ordre public général.

d) Dans cette perspective les pouvoirs publics ne voient aucun inconvénient à mettre la corporation universitaire au rang des corporations jouissant de privilèges spéciaux, tels que l'exemption du guet et du service militaire, qui s'accordent par ailleurs avec le caractère « clérical » des universitaires.

e) Tout comme des officiers urbains, seigneuriaux ou royaux assuraient la surveillance d'autres corporations (contrôle de la qualité, des conditions de travail, des poids et mesures, des foires et marchés, du respect des statuts, etc.) dans l'intérêt même de la corporation et de ses chefs, le contrôle exercé par certains officiers communaux sur les universités, en Italie notamment, ne semble pas avoir soulevé de difficultés majeures, mais l'activité de ces magistrats (reformatores, gubernatores, tractatores studii) n'a pas été suffisamment étudiée.

/) Un caractère très particulier de la corporation universitaire aurait pu entraîner des conflits avec les pouvoirs publics. Dans la plupart des autres corporations les membres, en tout cas les maîtres, étaient économiquement indépendants des pouvoirs publics, dans la mesure où ils vivaient des bénéfices (au sens moderne) et des revenus de leur métier. Or les maîtres universitaires, bien qu'ils se soient fait reconnaître la légitimité de se faire payer leur travail par les étudiants, ne parvinrent pas à vivre de ces collectae ou des avantages matériels qu'ils soutiraient aux étudiants (droits et cadeaux à l'occasion des examens, bien que la collation de la licentia docendi soit en principe gratuite). L'essentiel de leur rémunération venait donc, à côté des bénéfices ecclésiastiques, des salaires et des revenus qui leur étaient octroyés par les villes, les princes ou les souverains. En échange, les pouvoirs publics exigeaient le droit de présentation lié au patronat. Ainsi la corporation universitaire ne jouissait pas entièrement d'un des privilèges essentiels des corporations, l'autorecrutement. Elle semble cependant s'être facilement résignée à cette limitation de son indépendance en échange des avantages matériels que représentait la dotation des chaires par les pouvoirs publics (les cas relevant de ce problème sont d'ailleurs en général tardifs comme la consultation à ce sujet de l'université de Cologne par l'université de Louvain et les incidents de 1443-1469 sur l'interprétation par le Magistrat de Louvain de la bulle d'Eugène IV de 1443 arrêtant les modalités de nomination des professeurs prébendés).

g) Reste comme motif de conflits, et occasion de conflits effectifs la violation fréquente par les fonctionnaires communaux ou royaux du for universitaire : étudiants et maîtres emprisonnés au mépris des statuts, soustraits à la juridiction universitaire (cas fréquents à Oxford, Cambridge, et surtout à Paris où le prévôt est le plus souvent la bête noire des universitaires). Mais il s'agit en général d'abus de pouvoir de fonctionnaires le plus souvent désavoués, plus ou moins volontiers et plus ou moins rapidement, par les autorités publiques supérieures. Et ces affaires ne dépassent guère le cadre de conflits de juridiction en matière de police. Si elles tournent parfois à l'aigre, c'est en raison d'autres caractères du milieu universitaire (cf. 4 et 5).

 
2. Les universités comme centres de formation professionnelle.
 

a) Les universitaires sont animés soit par le simple désir de la science, soit par le désir de faire une carrière, honorifique ou lucrative, ou par tous ces désirs à la fois. Il n'y a là rien qui les conduise nécessairement à entrer en conflit avec les pouvoirs publics, au contraire. La période de formation et de développement des universités correspond en effet à une période de développement, de spécialisation et de technicisation des offices publics. Il n'est pas jusqu'au développement des facultés de médecine qui ne corresponde à un effort accru des autorités en matière de salubrité et de santé publique avec le développement de l'urbanisme puis, à partir de la Grande Peste, avec la lutte contre les épidémies considérée par les pouvoirs publics comme un aspect essentiel de leur action et de leur devoir. La recherche de débouchés par les universitaires rencontre la demande accrue des pouvoirs publics.

b) Le caractère fortement théorique et livresque de la formation professionnelle universitaire, de la scolastique, n'est pas un obstacle à sa réponse aux besoins des pouvoirs publics. En effet la spécialisation réclamée par les offices publics est très limitée : savoir lire et écrire, connaître le latin, les principes d'une science juridique ou l'habileté à argumenter à partir de quelques textes est essentielle, des principes de comptabilité très élémentaires et des rudiments de science économique encore plus frustes (cf. le De Moneta de Nicole Oresme). D'autre part le goût des princes et des souverains pour la théorie politique, voire pour un gouvernement « scientifique », c'est-à-dire inspiré par des principes scolastiques (cf. le rôle de l'aristotélisme à la cour de Charles V de France, à la cour de Pologne, de l'aristotélisme et du platonisme ou d'un amalgame des deux inspirations dans le gouvernement des oligarchies et des seigneuries italiennes) rencontre les tendances intellectuelles des universitaires.

c) A côté de l'aspect utilitaire du travail universitaire, son aspect désintéressé, loin de déplaire aux pouvoirs publics, leur paraît nécessaire à leur gloire, qui fait une large part au prestige intellectuel parmi les prestiges indispensables à des régimes mi-utilitaires, mi-magiques (cf. 5).

d) Le fait que les carrières poursuivies par les universitaires sont dans une large mesure encore des carrières ecclésiastiques n'est pas mal vu non plus des pouvoirs publics. D'abord parce que les fonctionnaires publics sont encore dans une proportion notable des ecclésiastiques : les cadres ecclésiastiques et les cadres civils se confondent encore souvent. Ensuite parce que ces pouvoirs sont chrétiens et que la religion et les hommes de religion leur paraissent utiles et nécessaires, par eux-mêmes. D'ailleurs, il est rare que ce qui est utile à l'Église ne soit pas d'une certaine façon utile aux États : par exemple les prédicateurs ou les théologiens formés dans les universités pour lutter contre l'hérésie ou le paganisme (par ex. Toulouse et la lutte contre le catharisme, Cracovie et l'évangélisation de la Lithuanie) peuvent aussi servir des desseins politiques (les rois de France et la pénétration dans le Languedoc, la politique lithuanienne de Ladislas Jagellon).

e) Quand il y a conflit entre les universitaires et les pouvoirs publics, il s'agit en général de conflits limités à certains aspects locaux et dans lesquels les universités ne sont que partiellement engagées et visées (par exemple hostilité des Toulousains contre les inquisiteurs dominicains issus de l'université). Souvent même ces conflits sont essentiellement internes et ne sortent du sein des universités que lorsque les pouvoirs publics soutiennent une fraction universitaire (à Paris Saint Louis soutenant les maîtres appartenant aux ordres Mendiants ; lors du Grand Schisme les départs d'universitaires liés aux obédiences à tel ou tel pape ; à Prague en 1409 le roi de Bohême soutenant la « nation » tchèque contre les Allemands des autres « nations », etc.).

 
3. Les universités comme groupe économique de consommateurs.
 

Les universités représentent dans les villes médiévales un groupe de non-producteurs, un marché de consommateurs dont l'importance numérique ne doit pas être sous-estimée (à Oxford par ex. d'après le poll tax de 1380-1381 il y avait alors probablement 1 500 universitaires – c'est-à-dire personnes jouissant des privilèges de l'université – environ pour une population totale de 5 000 à 5 500 personnes, c'est-à-dire 1 universitaire sur 3 à 4 Oxoniens).

a) Normalement cette clientèle aurait dû réjouir les autorités urbaines, dans la mesure où elle a dû « faire marcher le commerce ».

b) Mais, dans une économie qui reste largement de subsistance, ce groupe important de non-producteurs a dû accroître les difficultés des autorités urbaines en matière de ravitaillement et le déséquilibre de l'économie urbaine des villes universitaires.

c) De plus la population universitaire comportait (cette proportion ayant varié selon les époques) un nombre important d'étudiants pauvres (en 1244 à Oxford Henri III fait nourrir le jour anniversaire de « feue sa sœur Eleanor » 1 000 « pauperes scolares ») et la question du pouvoir d'achat du groupe universitaire se pose.

d) Surtout les universitaires jouissaient d'importants privilèges économiques : exemption de taxes, impôts, péages, etc. Plus encore ils bénéficiaient de prix taxés spéciaux pour les logements et les vivres (mieux même, au moins dans certaines villes universitaires, comme Oxford, en raison de la pénurie de locaux universitaires pendant longtemps, les logements qui avaient été une fois loués à des universitaires à des prix taxés ne pouvaient plus ensuite être rendus à des locataires non universitaires et détaxés). Enfin ils avaient le droit de contrôler et de faire respecter pour l'ensemble de la population urbaine les taxations qu'ils avaient obtenues ou fait contribuer à obtenir (assises) si bien que l'on a pu dire que les habitants, quels qu'ils fussent, des villes universitaires avaient bénéficié au Moyen Age de conditions de vie meilleur marché que dans les autres villes. C'est d'ailleurs à propos d'un conflit d'ordre économique que les bourgeois d'Oxford, dans une pétition au roi d'Angleterre, ont pu affirmer qu'il y avait « deux communes à Oxford, celle des bourgeois et celle de l'université et que cette dernière était la plus puissante ». C'est en effet sur ce point que les oppositions entre les pouvoirs urbains et les universitaires ont été les plus vives et ont suscité des conflits nombreux et violents. Les privilèges économiques des universitaires et l'hostilité qu'ils ont suscitée dans les milieux bourgeois qui dominaient les villes démentent la « justice économique » dont on a fait souvent une caractéristique des villes médiévales et montrent que la loi de l'offre et de la demande y était considérée comme la règle, en dépit de toutes les réglementations. A cet égard on peut même se demander si les théories scolastiques sur le juste prix (dans la mesure où elles n'entérinaient pas purement et simplement la liberté du jeu du marché) ne répondaient pas aux intérêts économiques du groupe universitaire sur le marché urbain.

e) Il y a toutefois un secteur où le milieu universitaire se présentait à la fois comme un groupe de producteurs et de consommateurs : c'est le marché des manuscrits (cf. l'importance à Bologne de ce marché dans l'ensemble de l'économie urbaine). Il serait en tout cas très important d'évaluer quelle a pu être, dans les villes universitaires, l'influence du marché universitaire sur l'évolution des prix (loyers, objets de première nécessité et notamment vivres, produits de luxe ou de demi-luxe).

 
4. Les universités comme groupe socio-démographique.
 

Les universitaires formaient enfin, au milieu de la population urbaine un groupe masculin, à forte majorité de célibataires et de jeunes. Or le caractère clérical de ce groupe était suffisamment lâche pour qu'un grand nombre se sentent non soumis à certaines règles de conduite des ecclésiastiques : continence, sobriété, abstention de la violence. Forts au contraire de privilèges juridiques qui leur assuraient sinon l'impunité, du moins des sanctions moins graves, un grand nombre d'universitaires (et cela, quoique évidemment dans une moindre mesure, vaut pour les maîtres comme pour les étudiants) se livrent à des violences auxquelles les poussent l'âge, le déracinement, l'appartenance pour une majorité d'entre eux aux deux classes sociales les plus portées à la violence, la noblesse et la paysannerie : c'est « the wilder side of University life » (Rashdall). Il est par ailleurs bien évident que les provocations ou les excès de la répression policière n'ont pu qu'accuser ce qui nous paraît, malgré tout, être fondamentalement un aspect, marginal sans doute, mais réel, d'une opposition sociale, sinon de la lutte des classes. D'autant plus que les bourgeois (même si on les voit user de violence contre les universitaires en certaines occasions et si des universitaires d'origine bourgeoise sont impliqués dans des actes violents) cherchent à promouvoir jusque dans la vie courante un ordre paisible face auxquels les universitaires appartiennent plutôt au monde de la violence médiévale.

Quand on songe à la part prise par les universitaires dans les rixes, le tapage nocturne, la pratique des jeux de hasard, la fréquentation des prostituées et les affaires de mœurs, la fréquentation des tavernes (on a noté que certains des plus graves conflits entre « town and gown » ont eu leur origine dans une taverne : par ex. à Paris en 1229, à Oxford en 1355) on voit combien le « genre de vie » d'une partie notable de la population universitaire était contraire à la morale sociale des couches dominantes de la société urbaine.

Enfin si ce comportement violent ou « scandaleux » était assez largement répandu dans la population universitaire (sans prendre toutefois au pied de la lettre les généralisations abusives d'un moraliste hargneux et morose comme Jacques de Vitry) il était plus particulièrement le fait d'une partie de la population étudiante : les clercs vagabonds, descendants des Goliards, catégorie spéciale des clercs gyrovagues, ancêtres de la bohème estudiantine. Il serait très intéressant de faire l'histoire de cette catégorie qui ne s'identifie pas avec le groupe des « pauperes scolares » (dont beaucoup, les boursiers des collèges par exemple, étaient au contraire fort bien intégrés dans la partie la plus « rangée » du milieu universitaire), dont le nombre, la composition sociale, le comportement ont varié au cours de l'histoire. L'étude d'un milieu social par ses marges, surtout quand elles ont eu l'importance de cette catégorie, est toujours éclairante.

 
5. Les universités comme corps de prestige.
 

Des aspects essentiels des rapports entre universités et pouvoirs publics s'expliquent par le prestige qui s'attachait aux universités.

a) Ce prestige était d'abord celui qui s'attachait à la science elle-même. Bien que les universités, par de nouvelles méthodes et un nouvel état d'esprit aient puissamment contribué à modifier le caractère de la science et à la détourner de son aspect magique et thésaurisateur pour en faire un savoir rationnel, pratique, communiqué non par une initiation sacrée mais par un apprentissage technique, le savoir incarné par les universités prit très tôt l'aspect d'un pouvoir, d'un ordre. Ce fut le Studium, à côté du Sacerdotium et du Regnum. Les universitaires cherchèrent ainsi à se définir comme une aristocratie intellectuelle, dotée de sa morale spécifique et de son code propre de valeurs. Cette tentative fut particulièrement poussée chez certains milieux aristotéliciens et averroïstes qui essayèrent de constituer et de légitimer en théorie une caste de philosophi (les sages universitaires) dont la vertu essentielle aurait été la magnanimité (cf. le milieu sigérien à l'université de Paris au XIIIe siècle).

b) Si, pendant le Moyen Age, le Sacerdotium et le Regnum se sont davantage heurtés qu'ils ne se sont favorisés mutuellement, il n'en a pas été de même des rapports entre Regnum et Studium. Les pouvoirs publics ont essentiellement considéré la possession d'universitaires comme une parure et une richesse publique, et ce en raison du prestige de la science dont ils semblaient avoir le monopole. Les formules qui, depuis l'Authentica Habita (parce que le monde sera gouverné et illuminé par sa science), répètent ce lustre de la science universitaire dans les textes de privilèges accordés aux universités par les pouvoirs publics ne sont pas de simples lieux communs ni des formules vides, elles sont l'expression d'une motivation profonde.

c) Parallèlement à ce prestige intellectuel, les universités ont cherché à acquérir un prestige extérieur, qui serait comme le signe de leur éminente dignité : costumes, cérémonies, etc. Le faste universitaire devint un des signes extérieurs de la richesse et de la dignité des villes et des États. Aussi les conflits de préséance et les manques d'égards qui opposaient les universitaires à certains officiers publics donnèrent lieu à certains des conflits les plus aigus entre universités et pouvoirs publics (par ex. à Paris pénitence publique du receveur général des impôts devant l'université en Place de Grève en 1372, conflit de préséance lors des funérailles de Charles V en 1380, « affaire Savoisy » en 1404).

d) Les pouvoirs publics reconnaissent ce caractère de représentation, d'illustration des universités, en leur faisant soit à titre individuel (inceptio des nouveaux maîtres) soit à titre collectif (banquet corporatif du dies Aristotelis) des cadeaux de prestige (gibier des forêts royales, vin offert par la commune, etc.).

e) Si les universités profitent de ce prestige pour jouer un rôle public, elles se livrent rarement à une activité vraiment politique qui pourrait les amener en conflit avec les pouvoirs publics (ou bien il s'agit de politique religieuse, comme lors du Grand Schisme, ce qui s'accorde avec leur caractère « clérical » et, dans une certaine mesure, avec leur caractère international). Par ex. si Simon de Montfort semble avoir bénéficié de sympathies à l'université d'Oxford, il semble s'être agi surtout de sympathies individuelles ; même à Paris, la plus « politisée » des universités, l'attitude à l'égard des Anglais et des Bourguignons après le traité de Troyes n'est pas à proprement parler politique et le titre de « fille aînée du roi » que l'université prend à cette époque est plus, précisément, une dignité, que la reconnaissance d'un rôle politique ; même l'université de Prague après le décret de Kutna Hora n'est pas appelée à jouer un rôle officiel politique dans le royaume de Bohême, etc.

f) C'est en jouant de cet élément de prestige que, dans leurs conflits avec les pouvoirs publics, les universités ont utilisé soit effectivement soit comme menace, leur principal moyen de pression, leur arme majeure : la grève et surtout la sécession. D'où l'âpreté avec laquelle les universités naissantes se sont fait reconnaître ce droit, avec l'aide de la papauté, qui l'accordait d'autant plus volontiers qu'elle n'était pas directement intéressée en général.

 
6. Les universités comme milieu social.
 

En définitive le fondement et le mécanisme des rapports entre les universités médiévales et les pouvoirs publics sont à chercher dans le fait que les universitaires médiévaux constituent un milieu social original : une intelligentsia médiévale. Mais il reste encore à déterminer par des études précises les caractères de ce milieu.

a) Il se recrute dans toutes les catégories de la société mais il importe de savoir dans la mesure où la documentation le permet quel est, pour chaque université, aux différentes périodes de son histoire, le pourcentage des différents milieux d'origine de ses membres et quelle est la carrière de ses membres suivant leur origine sociale. Il importe également de connaître comment se structurent les différentes catégories d'universitaires à l'intérieur du milieu universitaire : pauvres et non-pauvres, maîtres et étudiants, universitaires des différentes facultés, etc. Alors seulement une étude comparative de la structure sociale du milieu universitaire et de celle des sociétés globales avec lesquelles ils sont en rapport permettra de situer sur une base sociologique sérieuse leurs rapports.

b) Il est transitoire : les universitaires, sauf une minorité ne restent pas dans les universités, ils en sortent. Il faudrait une série d'études statistiques sur les carrières des universitaires : combien achèvent leurs études jusqu'à la conquête de grades, combien restent dans les universités, ce que deviennent ceux qui en sortent. Alors seulement on pourra évaluer le rapport pour les pouvoirs publics du capital qu'ils investissent dans l'aide financière, juridique, morale aux universités.

c) Il est international : et ici encore la répartition à l'origine (recrutement) et à l'arrivée (carrières) par nationalités des universitaires permettra seule de préciser les rapports des universités avec les organismes politiques.

d) Enfin il faudrait pouvoir évaluer la cohésion, l'homogénéité de cette intelligentsia médiévale et définir ses caractéristiques fondamentales pour savoir ce qu'elle apporte aux formations politiques : compétence, prestige, contestation ? L'« état » universitaire qui offre à la plupart de ses membres un moyen d'ascension sociale a-t-il menacé ou fortifié la stabilité des sociétés médiévales ? A-t-il été un élément d'ordre, un ferment de progrès, un soutien des traditions ou un destructeur des structures ?

 

III. LIGNES GÉNÉRALES DE L'ÉVOLUTION DES RAPPORTS ENTRE UNIVERSITÉS ET POUVOIRS PUBLICS A LA RENAISSANCE (milieu XVe-XVIe s.)

 

a) Si l'évolution de ces rapports est en grande partie due au fait que les universités d'une part et les pouvoirs publics de l'autre évoluent eux-mêmes, les changements les plus grands semblent se produire dans l'évolution des pouvoirs publics plutôt que dans celle des universités. Les pouvoirs publics sont plutôt l'élément moteur et les universités l'élément conservateur, freinant. Les universités qui semblaient plutôt avoir pris de vitesse les pouvoirs publics au Moyen Age (à l'origine en tout cas les universités nées « spontanément » se sont imposées aux pouvoirs plus que ceux-ci ne les ont suscitées et les pouvoirs publics ont cherché plutôt à les encadrer, à les discipliner) sont désormais plutôt à la remorque des pouvoirs publics.

b) Les universités ont pourtant évolué au cours de la période médiévale. Mais cette évolution s'est surtout orientée vers la dégénérescence du milieu universitaire en caste : fermeture relative du milieu social (diminution du nombre des pauvres, népotisme), âpreté dans la défense des privilèges comme signes distinctifs de caste, insistance de plus en plus grande sur un genre de vie de privilégiés, etc. Cette sclérose sociale allant de pair avec une certaine sclérose intellectuelle (Spätscholastik), les universités à la fin du Moyen Age offraient aux pouvoirs publics un milieu moins ouvert, moins riche de possibilités que pendant la période précédente.

c) Face aux progrès de l'autorité publique, les universités perdent une grande partie de leurs libertés essentielles, surtout là où le pouvoir monarchique ou princier fait des progrès aux dépens des pouvoirs locaux (en France notamment) : perte de l'autonomie juridique (l'université de Paris est soumise au Parlement dès 1446) et du droit de sécession (dernière tentative à Paris en 1499 et menace à Louvain, en 1564, de la nation allemande de quitter la ville).

d) Soumises juridiquement, les universités l'étaient aussi économiquement. Bien que le financement des universités par les pouvoirs publics se soit effectué par des moyens variés (salaires, prébendes, mais aussi dotations par l'octroi de revenus de nature économique liés au développement du commerce : revenus de péages à Heidelberg ou de fermes du sel à Cracovie par exemple, ou, dans les Etats réformés, de biens monastiques sécularisés comme à Tübingen, Wittenberg, Leipzig, Heidelberg), la part croissante de ces subventions publiques dans le budget des universitaires et des universités réduisit encore leur indépendance.

e) Le caractère international des universités s'estompa également. D'abord les universités se fermèrent soit statutairement, soit en fait aux maîtres et étudiants des villes ou nations qui étaient en guerre avec les pouvoirs politiques des villes ou pays dont les universités dépendaient : le caractère national des guerres affecta ainsi le milieu universitaire. D'autre part avec la Réforme et le triomphe du principe « cujus regio ejus religio » les universités se divisèrent en universités catholiques et universités protestantes et la division religieuse contribua à accentuer la nationalisation ou en tout cas la régionalisation des universités. Surtout, même là où la fréquentation étrangère demeura importante (et un assez large internationalisme des universités se maintint à la Renaissance), les étrangers furent de plus en plus exclus des offices, de postes de direction des universités.

f) Sans doute le prestige des universitaires et des universités demeurait grand et c'est en grande partie pour des raisons de prestige qu'un nombre croissant de princes et de villes dans la seconde moitié du XVe siècle et au XVIe siècle créèrent des universités (surtout en Europe centrale qui avait pris, sur le plan universitaire, malgré une première vague de créations à partir de 1347, un retard mal expliqué) mais les intentions utilitaires de ces fondateurs prenaient de plus en plus le pas sur les motifs désintéressés : ces universités devaient avant tout être des pépinières de fonctionnaires, d'administrateurs, de magistrats, de diplomates, de serviteurs du pouvoir public. Le fait d'ailleurs que l'humanisme se développait en partie à l'extérieur des universités qui avaient ainsi perdu le monopole de la culture et de la science favorisait leur conversion vers des carrières utilitaires, ce que facilitait aussi la laïcisation croissante des universitaires. Ainsi, alors que, sauf peut-être pour les universités ibériques et évidemment pour Naples, seule tentative médiévale d'université d'État, les universités du Moyen Age n'étaient favorisées « pro commodo suo » par les pouvoirs publics que secondairement, cette préoccupation était passée au premier plan.

g) Sur le plan spirituel également les universités tendaient de plus en plus à jouer un rôle surtout utilitaire. Elles tendaient à devenir des gardiennes et des surveillantes de l'orthodoxie, à remplir une fonction de police idéologique, au service des pouvoirs politiques. A vrai dire les universités remplirent cette fonction plus ou moins rigidement selon toute une gamme de nuances, entre Paris, où la Sorbonne se distingua dans la chasse aux sorcières, et Venise (c'est-à-dire surtout Padoue où une grande liberté idéologique semble avoir régné).

h) Ainsi les universités en devenant plus des centres de formation professionnelle au service des États que des centres de travail intellectuel et scientifique désintéressé, changeaient de rôle et de physionomie sociale. Elles devenaient moins les creusets de formation d'une intelligentsia originale, qu'un centre d'apprentissage social par lequel passaient les membres des catégories qui formaient l'ossature administrative et sociale des États modernes, et bientôt de l'absolutisme monarchique. Sans qu'il soit facile de démêler ce qui est cause ou effet du changement de rôle des universités dans ce phénomène, il semble (car bien que la documentation universitaire soit beaucoup plus riche pour la Renaissance que pour le Moyen Age nous manquons encore plus d'études précises pour cette époque tant les périodes d'origines ont exercé de fascination sur les historiens) que l'origine sociale des universitaires, en tout cas des étudiants, ait notablement changé à la Renaissance, la proportion des universitaires d'origine bourgeoise et surtout d'origine noble ayant beaucoup augmenté, ce qui manifeste encore l'insertion des universités dans les cadres sociaux dirigeants de l'ère monarchique.

i) Ainsi la Renaissance voit une domestication des universités par les pouvoirs publics, qui restreint singulièrement les motifs et les possibilités de conflits. Ceux-ci se limitent désormais à des conflits mineurs portant, au niveau local, surtout sur des questions d'intérêts matériels ou d'amour-propre corporatif, au niveau national sur des problèmes de religion et de police intellectuelle.

 

CONCLUSION

 

Bien que du Moyen Age à la Renaissance la nature des rapports entre universités et pouvoirs publics ait subi une mutation profonde due avant tout à l'assujettissement des premières aux seconds, on peut dire que pendant les deux périodes les conflits ont porté sur des aspects mineurs et que le Regnum et le Studium se sont réciproquement porté aide et respect. Il faudra attendre les bouleversements de la révolution industrielle pour que, dans un cadre devenu national, les universités, tout en continuant par certains côtés à être les dépositaires et les défenseurs de certaines traditions et d'un certain ordre, deviennent les foyers d'une nouvelle intelligentsia, une intelligentsia révolutionnaire mettant davantage en cause les pouvoirs publics et ne leur obéissant que dans la mesure où ils servaient eux-mêmes des principes et des idéaux transcendant la simple raison d'État et les intérêts des classes dominantes.

 

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1 ou qui, parus peu avant 1960, n'ont pu être utilisés par S. Stelling-Michaud dans son rapport au Congrès de Stockholm mais antérieurs à 1965, date de présentation de cette étude au Congrès de Vienne.