Louise Michel

Le livre le plus émouvant ces temps-ci ? L'édition, par Xavière Gauthier, de la correspondance générale (1850-1904) de Louise Michel, Je vous écris de ma nuit4. On ne sait ce qu'il faut admirer le plus : le courage, l'endurance inflexible ou le style. C'est la grande voix révolutionnaire de la Commune, ce spectre qui rôde autour du Panthéon et de ses escaliers couverts de sang.

À Victor Hugo, en avril 1872 : « Si je vous parle de moi, c'est que je suis et je resterai de ceux qui portent d'autant plus haut leur bannière qu'elle est plus brisée, tant qu'il me restera un souffle de vie, il appartiendra à la révolution vaincue et je crois que si jamais elle se levait de nouveau, je sortirai de la tombe. »

À Thiers, « chef du pouvoir, Exécuteur, Président de la République, le 28 mai 1872, à 7 heures du matin » : « Vieillard, la tombe vous appelle, l'histoire vous attend ; la vile multitude vous jugera. Que les souvenirs de Transnonain et de Satory planent sur votre dernier sommeil. Assassin ! soyez maudit, vous et les vôtres. »

Louise Michel n'est jamais triste. Pensant à sa déportation en Nouvelle-Calédonie, elle écrit : « Nous partirons l'hiver, par les tempêtes. Pardonnez-moi cette folie-là, mais j'aime le danger. » Encore ceci, au communard Ferré (avant son exécution) : « J'espère qu'en fait d'opinion sur les femmes, vous n'êtes plus réactionnaire et que vous leur reconnaissez le droit au péril et à la mort. »

Et encore : « Il y a des instants où on voit si peu dans le présent et si largement dans l'avenir qu'on a tout l'éblouissement des temps futurs. Qui les verra ? »

Jamais triste, jamais découragée. Ainsi, en 1881 (elle a cinquante et un ans) : « Le mouvement des provinces est si beau que nous devons être à la hauteur de leur courage. De nouvelles élections donneront la majorité à l'ennemi et diminueront nos amis, faisons donc de l'action révolutionnaire. »

On sait à quel point André Breton est resté fidèle à la pensée anarchiste. Le fond noir est aussi au cœur du bonheur. La liberté, la poésie, l'amour y puiseront toujours leurs couleurs les plus éclatantes. Lautréamont et Rimbaud viennent de là.

28/11/1999