Les apocalyptiques

Symétriques de la béatitude niaise des publicitaires, il y a des intellectuels qui se plaignent systématiquement de tout : du bruit, des téléphones portables, des festivités idiotes, des médias, de l'art moderne, de l'ignorance croissante, de l'insensibilité, selon eux, de leurs contemporains. Leur enfer, c'est les autres. On peut supposer, malgré tout, qu'ils ne vivent pas si mal pendant que les affaires continuent. Ils montent en chaire, font leurs sermons négatifs, sont accueillis à bras ouverts dans les magazines, et rentrent chez eux, le soir, leur devoir accompli, pour retrouver la mauvaise humeur de leur partenaire. La société est plutôt noire, c'est vrai, mais le ciel est aussi, par-dessus le toit, très bleu et très calme. « On n'est pas là pour rigoler », disait récemment Bourdieu au vieil Indien Günter Grass. Ce dernier lui a fait opportunément remarquer qu'un certain rire, celui de Voltaire, par exemple, gardait toute sa force de subversion. Il est vrai que Grass est écrivain, pas professeur.

30/01/2000