Elian
On s'étonne et s'indigne des réseaux pédophiles, comme de la tenace perversion dont ils sont les symptômes, mais on assiste, dans la foulée, au plus beau spectacle de pédophilie inconsciente mondiale, la dispute sur le corps du petit Cubain Elian. Là, rien ne manque : les manifestations patriotiques succèdent aux crises d'hystérie, les femmes se pâment et pleurent, le dictateur Castro pointe son doigt, la justice américaine est représentée par une matriarque de choc, le petit garçon est mitraillé par les caméras et les photographes. Veut-il ou ne veut-il pas rentrer à Cuba, on ne sait pas bien, il est probable qu'il voudrait continuer à jouer tranquillement dans son coin. Elian est devenu un héros national, un militant malgré lui, un guérillero du socialisme. Voici son père, maintenant, un bébé dans les bras, venu rechercher son fils. Les exilés de Miami protestent, la nursery explose, Salomon est absent et ne peut donc pas proposer qu'on coupe le petit garçon en deux pour voir qui l'aime vraiment. Plan suivant : commando de choc, on arrache l'enfant à son placard, force reste à la loi, hurlements divers. Elian, de héros, devient star : le film cinéma prend bientôt la relève du reality show. Mise aux enchères : quelle est la première marque américaine qui achètera les droits publicitaires de l'enfant prodige ? Le contrat est en cours. Pas mauvaise opération, pense Castro en allumant un cigare. Tel est donc le village planétaire. Debord, dans ses Commentaires sur la société du spectacle, nous a prévenus : « Les villages, contrairement aux villes, ont toujours été dominés par le conformisme, l'isolement, la surveillance mesquine, l'ennui, les ragots toujours répétés sur quelques mêmes familles. » Ce n'est qu'un début.
30/04/2000