Chevènement, chef de gare

Si on comprend bien le langage imagé du ministre français de l'Intérieur, l'Histoire est un train qui, souvent, n'arrive pas à l'heure. Ainsi de l'Allemagne : elle était sur une bonne voie, elle a « déraillé » dans le nazisme, elle n'est sans doute pas aujourd'hui complètement guérie de cet accident. Une telle conception ferroviaire du temps est plaisante, et on devrait l'enseigner dans toutes les écoles. Autres exemples : la Révolution française n'a-t-elle pas vu sa locomotive s'emballer sous la Terreur ; le stalinisme en Russie, par une erreur d'aiguillage, ne s'est-il pas engagé sur une voie tragique sans issue ; la France pétainiste n'a-t-elle pas encouragé des gares de triage douteuses ? Sommes-nous vraiment guéris de ces défaillances mécaniques ? Ne risquent-elles pas de se reproduire ? Décidément, les trains ne sont pas sûrs, et les trains allemands sont les plus dangereux de tous.

Cependant, du haut de sa tour de contrôle, Chevènement a une vue globale du trafic. La SNCF lui paraît un modèle de sécurité, et il a peut-être raison. Méfions-nous de tout ce qui dépasse la campagne de France. Le fédéralisme est une vieille idée girondine qu'un jacobin de stricte observance se doit de surveiller sans arrêt. Les Français de souche nous comprendront. Quant aux immigrés plus ou moins bien assimilés, ils ne sont pas tous, Dieu merci, comme Rezala, dont Le Figaro Magazine nous relate avec délices les exploits dans les trains français : « Ce n'est pas très difficile de faire les sacs, surtout la nuit, en plus les contrôleurs te laissent tranquille… Émilie, trente secondes avant, je ne savais pas que j'allais la tuer. C'est un flash, tu la vois morte, c'est comme un ordre qu'on te donne en images et après tu l'exécutes. » Les trains, les bus, les métros, que d'histoires ! Y a-t-il au moins des avions en Allemagne ? Il faut l'espérer.

28/05/2000