Okinawa mon amour

C'est intéressant de voir les maîtres du monde réunis au Japon pour gérer la démocratie mondiale. Clinton vient avec sa fille Chelsea, il est gai, détendu, les négociations impossibles de Camp David n'ont pas l'air de le préoccuper beaucoup, il marche sans cesse sur un terrain de golf imaginaire, lève le bras, sourit, recommence, c'est l'été, tout va bien, on va de cocktail en cocktail. Tony Blair est son frère presque jumeau, souplesse et bonne humeur, dents plus apparentes, style étudiant prolongé, les Irlandais s'agitent, d'accord, mais le Japon, quel rêve. Schröder me paraît triste : qu'est-ce qui ne va pas ? Mauvaise digestion ? Soucis personnels ? C'est le seul à avoir l'air de se demander ce qu'il fait là, on l'oublierait presque. Mais le vrai clou du spectacle, la vedette incontestée, c'est Chirac. Le Japon lui va comme un gant, Paris est loin, Séguin et Tiberi aussi, le quinquennat, le référendum, le RPR, les socialistes, l'Europe. De l'air, nom de Dieu, de l'Asiatique, du sumo ! Ces gros bonzes qui se jettent les uns contre les autres après avoir répandu des poignées de sel, ce choc de buffles engraissés pour se cogner en un éclair, voilà du réel, du concret, du vrai. Bernadette est là, peut-être un peu sceptique, mais bon, son mari est heureux, il rayonne, il fait des jeux de mots pendant sa conférence de presse, ce n'est pas la mauvaise humeur de Poutine qui va l'impressionner. Poutine, lui aussi, est une vedette, mais d'un autre genre. Il est oblique, silencieux, pseudo-timide, très conscient d'être le parent pauvre et couvert de dettes invité chez les riches, il faut filer doux, menacer quand il faut, on peut vous faire des ennuis, savez-vous, n'oubliez pas que le Kremlin existe. Il y a désormais un gris Poutine auquel il faut s'habituer. Allons, à table. Et puis après, il y aura un spectacle très couleur locale. Les spécialistes s'occuperont des questions à régler, ou plutôt des vagues promesses à faire. Silence, les pauvres, admirez la machinerie mondiale. Elle a des défauts, nous le savons, mais que faire d'autre ? Rien, n'est-ce pas ? Vous l'avez dit.

30/07/2000