Il ne faut pas être tchétchène

André Glucksmann, dans Le Monde du 13 juillet, a publié un long article accablant pour la Russie : « Un mois dans le ghetto tchétchène. » Il a en tête Les Possédés, de Dostoïevski (voilà un livre à relire cet été), et il a raison. « Jeter de l'huile sur le feu, encourager l'escalade des extrêmes, incendier les têtes, les cœurs et les rues, les jeux favoris des Possédés de Dostoïevski annonçaient Lénine. Lequel tira les marrons du feu et parvint à corrompre une partie de l'intelligentsia mondiale. On imagine combien les banques et les hommes d'affaires, séduits à leur tour, résisteront mal aux entreprises de corruption mentales et financières machinées par les nouveaux possédés de Moscou. » Est-ce que Glucksmann n'exagère pas, comme tous les anciens gauchistes ? Poutine « possédé » ? Mais non, regardez-le pousser Blair du coude, et l'autre de se retourner et de lui dire bonjour comme à un vieux copain. Il est membre du club, Poutine, un peu récent, c'est vrai, mais il va s'améliorer. On lui fera faire des croisières. Qu'il massacre quelques Tchétchènes pendant ce temps, en dehors des caméras, bien sûr, ce n'est pas si terrible. Il faut quand même lire Glucksmann : « Les conflits d'intérêts divisent l'équipe au sommet. Les héritiers des organes vétéro-staliniens roulent des mécaniques pour brider la moitié de la Russie, qui désespère, tant sa vie se dégrade. Les oligarques aux poches pleines s'affichent indispensables, vu les bonnes relations qu'ils garantissent avec l'Occident créditeur. Les protagonistes s'entre-déchirent en vertu des lois de la concurrence mafieuse. L'issue reste en suspens, chacun demeure solidaire des autres, mais aiguise ses couteaux. » Pauvre Russie ! Il y a eu le cuirassé Potemkine, il y a maintenant le Sedov poursuivi pour dettes. Vous avez des dettes, Poutine ! Reprenez donc un peu de saké.

30/07/2000