Ulysse

Et puis tout à coup, dans ce mois de juillet maussade, la lumière, l'éclair : la retransmission, depuis Aix, du Retour d'Ulysse dans sa patrie, de Monteverdi. William Christie dirige son orchestre et ses chanteurs depuis le clavecin. Et c'est tout simplement sublime d'énergie, de violence, de justesse sarcastique et âpre. Ce Vénitien de Monteverdi a tout compris du drame physique d'Ithaque. Et, grâce à lui, le vieil Homère envahit la scène. On écoute, on touche, on voit. « Ulysse avait tiré : la flèche avait frappé Antinoos au cou : la pointe traversa la gorge délicate et sortit par la nuque. L'homme frappé à mort tomba à la renverse : sa main lâcha la coupe ; soudain, un flot épais jaillit de ses narines : c'était du sang humain ; d'un brusque coup ses pieds culbutèrent la table, d'où les viandes rôties, le pain et tous les mets coulèrent sur le sol, mêlés à la poussière. » (Odyssée, XXII). Je me demande s'il est bien raisonnable de laisser ce genre de littérature en circulation. Qu'en pense le Conseil d'État ? N'y a-t-il pas là incitation à la violence et au meurtre ? Je vais préparer un dossier : la Bible n'est pas nette, c'est un fait. Shakespeare devrait être expurgé. Quant à Homère, écoutez encore ça : « Ah ! chiens, vous pensiez donc que, du pays de Troie, jamais je ne devrais rentrer en ce logis ! vous pilliez ma maison ! vous entriez de force au lit de mes servantes ! et vous faisiez la cour, moi vivant, à ma femme !… sans redouter les dieux, maîtres des champs du ciel !… sans penser qu'un vengeur humain pouvait surgir !… Vous voilà maintenant dans les nœuds de la mort ! » Pas mal, n'est-ce pas ?

30/07/2000