Cecilia
La musique est la vérité. Quand ces lignes seront publiées, Cecilia Bartoli aura de nouveau enthousiasmé Paris. « On peut détester, dit-elle, notre façon sanguine et violente de jouer Vivaldi loin de l'imagerie habituelle. » Un médecin a voulu en savoir plus sur sa prodigieuse virtuosité et la délicatesse de sa voix, y compris dans les démonstrations de force. Il lui a mis une caméra dans la gorge. Voici ce qu'elle raconte : « Quand vous chantez, avec un souffle bien placé, soutenu par le diaphragme, les cordes vocales restent bien tendues, vibrent latéralement, un peu à l'image des cordes d'un violon frottées par l'archet… Sur mon fauteuil, avec ma caméra dans la gorge, les yeux rivés sur l'écran, je me suis mise à chanter des pianissimi, en dosant différemment le souffle, en tentant plusieurs façons de le projeter sur le son. C'était choquant, presque effrayant, obscène. Mais désormais, quand je travaille, je garde cette image à l'esprit. »
Cecilia Bartoli est aussi extraordinaire dans Vivaldi que dans Haendel, Haydn ou Mozart. Elle peut être tour à tour radieuse, enjouée, mélancolique, tendre, déchirée, furieuse, à l'attaque. C'est une guerrière de la grande tradition italienne, aussi simple et gaie dans la vie que savante et déchaînée sur scène. On ne dira jamais assez à quel point le déferlement « baroque » aura été une révolution vers la fin du XXe siècle. La vie voulait se ressentir de nouveau et elle a trouvé pour cela des corps, des gorges, des voix. Cette femme est belle comme Venise en pleine tempête. Dieu merci, on l'a mise en cassettes. Mais je vous laisse, j'ai rendez-vous avec elle. Décidément, ce mois de septembre est un grand mois.
01/10/2000