Échecs

Vladimir Kramnik, le nouveau champion du monde d'échecs, a vingt-cinq ans. Il vient du bord de la mer Noire, son père est sculpteur, sa mère professeur de musique. Voici ce que dit son entraîneur : « Comme Kasparov a des moyens énormes et des ordinateurs très puissants à sa disposition, il était évident que n'ayant pas le même équipement il nous fallait choisir une ouverture où les machines ne feraient pas la différence. De plus la défense berlinoise est excellente parce qu'on y obtient des positions très difficiles à analyser. »

Tel est l'art de la guerre. Un individu quel qu'il soit doit s'y préparer sans arrêt. Il a devant lui, prétendant dominer sa vie, une montagne d'ordinateurs. Les informations les plus contradictoires défilent devant ses yeux à toute allure. Il lui faut trouver son chemin dans ce tourbillon. Application au milieu littéraire : le roman de Jean-Jacques Schuhl, Ingrid Caven21. Au début, l'ordinateur ne capte pas sa présence, le bouquin continue sa percée comme un virus latéral, il apparaît tout à coup en pleine lumière, il obtient, à la surprise générale, le prix Goncourt. Les observateurs parlent alors de complot, de réseaux, d'intrigues, de trafic d'influence. Je deviens même à ce sujet « le nouveau parrain des lettres », comme si les choses s'étaient passées normalement, « à l'ancienne ». Mais non, il s'agit d'une partie que l'on pourra étudier en profondeur et qui ne se reproduira pas de sitôt. La vraie raison de ce succès ? La qualité du livre, l'ordinateur battu par le style. Et maintenant le plus beau : Ingrid Caven chantant seule sur la scène de l'Odéon. Un écrivain, un livre, une chanteuse, du grand Kramnik pour les amateurs.

26/11/2000