Picasso
Je veux me moquer de Hitler ? Chaplin bondit sur scène. On n'a pas assez ridiculisé Staline, le film reste à faire. Je peux revoir pour la trentième fois La Mort aux trousses, de Hitchcock, ce cinéaste jésuite anglais qui a dit, à juste titre, qu'il racontait les aventures d'un innocent dans un monde coupable. La société veut à tout prix vous faire endosser sa culpabilité ? Résistez. Résistez comme les personnages de Faulkner ou de Hemingway, comme ceux de Genet ou de Georges Bataille. Si vous ne voulez pas être un suicidé de la société, lisez Antonin Artaud. La société prétend que vous êtes fou ? Vous êtes au contraire très raisonnable. Décollez sur place avec Charlie Parker et Glenn Gould, personne ne pourra vous arrêter si vous parvenez à cet état tourbillonnaire et mystique.
Surtout, apprenez à voir de tous les côtés à la fois, Picasso vous guide. Il vous dénude l'histoire comme personne, voyez Guernica ou Songes et mensonges de Franco. Picasso, grand héros du siècle : personne ne l'a contrôlé, il a fait ce qu'il a voulu, il est passé à travers le miroir, aucune femme n'a de secrets pour lui, il en voit toujours deux ou trois en une seule. Si Picasso vous fatigue, reposez-vous chez Matisse, mais n'oubliez pas d'enregistrer la leçon de détachement supérieur de Marcel Duchamp ou d'Andy Warhol. En réalité, le XXe siècle s'est ouvert et refermé avec Picasso, dont Apollinaire disait dès 1913 : « La grande révolution des arts qu'il a accomplie presque seul, c'est que le monde est sa nouvelle représentation. Énorme flamme. »
Décidément, je veux bien être un « bouffon acrobate » peint par Picasso. La profondeur d'Arlequin échappera toujours aux assassins comme aux imbéciles.
31/12/2000