Toujours plus

D'ailleurs, depuis le départ de Kenza, je ne regarde plus Loft Story, ça me barbe. J'attends des innovations. Baby Story ne serait pas mal, par exemple, des mères filmées avec leurs bébés pendant six mois (on pourrait réintégrer Loana). Ou encore Pacs Story, car il est inadmissible que le couple hétérosexuel soit sans cesse représenté comme la seule issue possible à la solitude. Des homosexuels, hommes et femmes, ou hommes puis femmes, parleraient ainsi de leurs problèmes (le « confessionnal » deviendrait plus chaud). Ou encore des couples mariés seraient à la merci des tentatives de séduction de célibataires. Troubles, scènes de ménage, divorces en perspective, ce serait le pied.

De toute façon, nous ne sommes qu'au début d'une longue histoire, elle est encore provinciale, hexagonale, mais elle va s'élargir. L'euro va frapper. Un Loft où l'on parlerait simultanément français, italien, espagnol, allemand, anglais est envisageable. Ne pas oublier, chaque fois, les parents à l'extérieur. Ce sont eux qui assurent le suivi éducatif, qui réagissent plus ou moins bien aux comportements de leur progéniture.

Tiens, c'est curieux, les mères de fils ont l'air plus embarrassées que les mères de filles. Les pères de filles aussi sont hésitants. Les seules à être rayonnantes et fières sont les mères de filles. On doit leur faire confiance. L'avenir du marché est là. Encore un peu de Voyage au bout de la nuit (douze millions pour le manuscrit, j'insiste) : « Grand nombre de rencontres étrangères et nationales eurent lieu à l'ombre rosée de ces brise-bise parmi les phrases incessantes de la patronne dont toute la personne substantielle, bavarde et parfumée jusqu'à l'évanouissement, aurait pu rendre grivois le plus ranci des hépatiques. » Ou si vous préférez : « Après tout, quand l'égoïsme nous relâche un peu, quand le temps d'en finir est venu, en fait de souvenir on ne garde au cœur que celui des femmes qui aimaient vraiment un peu les hommes, pas seulement un seul, mais tous. » Je sais, voilà une espèce en voie de disparition, mais tant pis, chacun ses goûts, je n'impose les miens à personne.

Pendant que je vous parle, un certain nombre de compliments à mon sujet n'arrêtent pas de me parvenir. « Ayatollah de l'ordre amoral » est exquis. Mais il y a mieux, dans L'Express, journal sérieux s'il en est, curieusement obsédé par Mai 68, cause de tous nos égarements (notre décadence n'est pas la faute des marchés financiers mais de Cohn-Bendit devenu Madelin trompeur). Qui suis-je pour ce magazine publicitaire ? « Un ancien mao balladurisé. » « Comme un coucou suisse, il pousse régulièrement son cri au nom de l'amicale des anciens soixante-huitards ayant réussi et auxquels de jeunes cons réactionnaires ambitieux manquent de respect. C'est leur coquetterie : détenteurs d'un pouvoir confortable, les soixante-huitards voudraient qu'on continue à les traiter de gauchistes, d'ennemis de l'ordre public. » Bien dit. « Coucou suisse » me plaît beaucoup. Le journaliste qui a écrit ces lignes est sûrement suisse. Et je peux bien avouer aujourd'hui que je dirige en sous-main M6 et que l'idée de Loft Story a été concoctée, la nuit, dans une réunion de la redoutable amicale soixante-huitarde. C'était chinois, il suffisait d'y penser. Ça n'apparaît peut-être pas au premier coup d'œil, mais Loft Story est en réalité une production gauchiste.

27/05/2001